29 mars 2014

Bruxelles attend les listes libérales



Le Mouvement Réformateur prend du retard. Alors que FDF, Ecolo, PS et maintenant CDH ont publié leurs listes  bruxelloises, côté libéral, rien. Certes toutes les listes ne sont pas complètes. Mais pour les autres formations ont connait au moins l'ossature centrale, qui occupe les places éligibles, qui est en"place de combat" , qui prend les premieres suppléances souvent synonymes de victoire sans combat et quels sont les soutiens placés en fin de liste.


Pour le MR officiellement on doit se limiter aux têtes de listes, Vincent De Wolf pour la région, Didier Reynders pour la chambre.

La raison de ce retard à l'allumage est double. D'abord le MR s'interroge toujours sur la probabilité de voir adopter un décret anti-cumul (voir un de mes billets precedents) qui pourrait limiter le nombre de députés-bourgmestres en région Bruxelloise. Là, le suspense n'est plus très long : l'avis du conseil d'Etat  est attendu pour la fin de la semaine prochaine et il se susurre déjà dans les cercles parlementaires qu'il est négatif. Reste à voir quelle formation tirera en premier pour saborder le texte à une encablure de l'élection. Mais il est vraisemblable que ce texte ne soit pas adopté, ce qui va simplifier  la vie des dirigeants libéraux.

Deuxième raison la nécessité de réaliser ces listes à trois. Didier Reynders a confectionné l'essentiel de la liste à la chambre, Vincent De Wolf a consulté beaucoup pour réaliser celle de la région et Charles Michel, en lien avec les deux hommes, a supervisé les arbitrages. Les trois dirigeants sont condamnés à s'entendre sur l'exercice. Selon certaines mauvaises langues (celles qui n'ont pas obtenu la place espérée peut-être)  il semble que cela n'ait pas été simple, les relations Reynders- De Wolf restant teintées de méfiance et de mépris réciproques.

Dans les rangs libéraux on commence du coup à s'agiter. Certes il reste plusieurs semaines pour déposer officiellement  les copies. Mais le temps tourne et sans liste impossible de mener campagne ( si un candidat ne peut pas communiquer sur sa place il ne se lancera pas vraiment). Surtout la situation devient délicate maintenant que toutes les autres formations sont prêtes ou presque. On ne peut pas se permettre de partir trop tard sans prendre le risque de jouer au lièvre et à la tortue. Le MR à beau être en bonne forme dans les sondages, une élection ne se gagne pas sans mener campagne. Surtout, attendre plus longtemps serait relancer les spéculations sur la mésentente qui règne au sein de l'écurie libérale dans la capitale. Ce week-end on annonce donc comme imminentes les listes bleues bruxelloises, comprenez qu'on devrait être fixés dans la semaine. Le problème c'est que les libéraux disaient déjà cela avant leur congrès du 8 février. Le temps passe et sœur Anne ne voit toujours rien venir. 

Soyons honnêtes. En coulisse quelques informations filtrent. Certaines sont fausses, manœuvre d'intoxication ou ballon d'essai, d'autres s'avéreront exactes. Voici, ce que je pense, de mon côté, pouvoir vous annoncer après plusieurs conversations avec des élus libéraux.
D'abord la chambre. Il se confirme que Françoise Schepmans, bourgmestre de  Molenbeek sera bien en seconde position derrière Didier Reynders, et que Damien Thiery, ex-FDF sera en dernier de liste. L'idée est de mettre en place très visible des personnalités jeunes et représentatives de la diversité bruxelloise, histoire de montrer que le MR change et s'adapte à la sociologie de la capitale.  Exit le mâle blanc de plus de 50 ans. Attendez-vous a voir de nouvelles têtes dans le top 5. 

À la région, Françoise Bertieaux et Corinne De Permentier accompagneront Vincent De Wolf aux avant-postes tandis qu'Armand De Decker poussera la liste. Là aussi il faudra mélanger jeunes et élus sortants. C'est à cela qu'on mesurera la capacité des libéraux à se renouveler. Alain Destexhe sera sur cette liste régionale et l'objectif des libéraux est d'atteindre une vingtaine de parlementaires régionaux. D'autres suppositions circulent. J'écris donc ce dont je suis à peu près certain. Et pour le reste, comme les convoyeurs, on attend.

La photo d'illustration est emprunté au site des libéraux bruxellois mr-bxl.be 



24 mars 2014

Le papillon se radicalise

Le passage de la chrysalide au papillon n'aura pas pris beaucoup de temps. Ce lundi matin sur Bel RTL Elio Di Rupo a encore franchi un pas dans sa démarche de mutation qui le fait passer de chef de gouvernement à chef de campagne. Certes le premier ministre continue d'incarner l'image d'un homme sérieux et responsable, imprégné de sa charge, conscient des difficultés du pays (termes qui reviennent souvent dans sa bouche) et comptable de l'image qu'il donne à l'étranger (il représente aujourd'hui la Belgique lors d'une réunion internationale à la Haye avant d'avoir un court entretien avec Barack Obama demain). Un petit pins aux couleurs du drapeau belge au revers du costume nous le rappelle aimablement.
Mais le candidat s'impose en parallèle du premier ministre. Ce matin Elio Di Rupo a ainsi utilisé le terme de "bain de sang social", indiquant par là que les mesures proposés par les autres formations politiques pour faire baisser les impôts risquaient de se traduire par des suppressions de postes dans la fonction publique fédérale.
"On ne peut pas dire qu'on va récupérer 10 à 15 milliards sur l'Etat fédéral. L'Etat fédéral, c'est d'abord la sécurité sociale, ce sont des policiers, des membres de la Justice, des gens qui 
travaillent au ministère des Finances, des gardiens de prison. Que va-t-on faire ? Les supprimer ?"
s'indigne le candidat-premier. "On sent qu'il y a une volonté de la droite de former un gouvernement des droites" assène-t-il également, renvoyant à une hypothèse de coalition qui verraient MR et NVA cohabiter, thème déjà  employé  lors du meeting du PS de ce dimanche par Laurette Onkelinx.
 Le premier est en campagne, on le savait depuis hier. Il n'hésite  désormais pas à employer un discours radical, prenant ainsi le leadership sur ses propres troupes et imposant un clivage fort dans l'opinion, c'est sans doute plus surprenant.

23 mars 2014

Le live-tweet est une arme de campagne massive

Autrefois les campagnes se jouaient sur les marchés, dans les cages d'escalier ou les réunions d'appartement. Dans le contact direct, moyen de se faire connaitre mais aussi de mobiliser son électorat ou de convaincre les indécis. L 'affiche, les journaux, la radio, la télévision n'ont pas supplanté ces campagnes "à l'ancienne", où l'on serre des mains par centaines. 
Si vous avez fréquenté le réseau social Twitter cette après-midi de dimanche  vous aurez constaté l'apparition d'un nouveau phénomène. La campagne se duplique désormais sur la toile. Ce n'est pas tout à fait neuf, de nombreux élus y sont présents depuis plusieurs années : la campagne de 2010 ou les communales de 2012 se sont aussi jouées sur les réseaux sociaux. Jamais cependant nous n'avions eu droit à une déferlante de messages comme ce dimanche. Le contexte s'y prête : 3 meetings en même temps ( PS, MR, Ecolo et on y ajoutera un rassemblement-manif du PTB) cela fait une belle collection de smartphones prêts à relayer les bons mots des orateurs. Mais à ma connaissance nous n'avions pas encore atteint une telle  profesionnalisation du livetweeting (pour les ignares, action de retransmettre en direct sur twitter le contenu des discours) des congrès politiques. Plus questions de laisser cette retranscription au bon vouloir des militants. Désormais ce sont les comptes officiels de partis politiques qui s'en chargent. 

Ainsi le compte officiel du PS a-t-il publié une quantité phénoménale de messages expliquant en direct ce qui se passait dans la grande salle de Flagey. Il faut y ajouter les comptes d'Elio Di Rupo , de Paul Magnette ou de différentes fédérations : ce fut une véritable déferlante. Quelques  heures plus tôt les libéraux, réunis à Charleroi, avaient fait la même chose, avec en prime un live-streaming en vidéo. 

Puisque les partis se montrent sur Twitter, jetons un coup d'oeil aux statistiques.
Au hit parade des abonnés (on dit followers dans le jargon twitter) c'est Ecolo qui arrive nettement en tête avec 8357 lecteurs. La preuve sans doute que ce réseau social reste une niche urbaine qui concerne plutôt les populations d'un certain niveau social et possédant un minimum de bagage technologique. Le MR  est en en seconde position avec 6170 abonnés, devançant assez largement le  PS avec  4555 (je compare les comptes officiels des partis nationaux, vous pouvez compléter en ajoutant les fédérations, le résultat sera alors probablement plus favorable aux socialistes).
Le PTB  est suivi par  1377 personnes, le CDH, 1061  et le FDF,  792. Voici pour les audiences globales. 

On remarquera que sur Twitter, réseau qui permet le contact direct d'individu à individu les organisations performent moins que les individus. L'auteur de ces lignes compte 8000 abonnés, ma consoeur Johanne Montay 14 000 et côté politique Charles Michel  est suivi par 16 000 personnes  ,  Paul Magnette 21 000, Didier Reynders 35 000 et  Elio Di Rupo est à 110 000 : les partis sont enfoncés. Rappelons aussi  que ce n'est pas parce que vous êtes abonné à un compte que vous allez voir tous ses messages.   Si on veut mesurer ce qui s'est passé ce weekend c'est plutôt le nombre de messages qu'il faudrait comptabiliser. Là, un outil nous aide, c'est le hashtag (cette référence permet de retrouver tous les sujets concernant un même thème, ce n'est pas l'outil parfait pour mesurer l'audience mas ça facilite les choses). 

Au MR on a été très classique ce dimanche en utilisant #MR2014 alors que PS et Ecolo ont commencé à utiliser des slogans de campagne (#plusfortsensemble à Flagey  et  #ecolo9 à Louvain-la-Neuve). 
Peu avant 18h, si j'en crois le site hastracking.com c'est le coude à coude. La mention #plusfortsensemble  du PS avait été utilisée 163 fois mais on atteignait le score  de 517 messages avec les retweets et les citations diverses. #MR2014 avait donné lieu à 275 tweets et obtenait une audience totale de 473 mentions tout compris. #Ecolo9 n'était mentionné que dans 21 tweets, repris au total dans 51 messages. Bien sûr on ne parle ici que de ce qui est mesurable : il faut y ajouter les lecteurs passifs. Sans doute faut-il multiplier ces chiffres au moins par 10. 

Ca vaut ce que ça vaut.  MR et PS sont donc mobilisés à peu près à part égale sur la toile. Je suis sûr que des geeks plus avertis que moi ou des sociétés d'études spécialisées iront plus loin dans l'analyse. Mais on notera le glissement. Pour toucher 500 personnes il faut bien faire 2 ou 3 marché et une dizaine de réunions d'appartement. En politique, Twitter et Facebook sont à la campagne ce que les grandes enseignes hypermarchés/supermarchés sont au marché d'autrefois. Le contact est moins profond, moins direct, plus impersonnel. Mais il est clairement décuplé. 

22 mars 2014

C'est le printemps, changez de costume

C'est le printemps. Cette année le printemps météorologique avait même un peu d'avance sur la date officielle du calendrier (il fait même un peu frisquet ce samedi matin, comme si le climat, se rendant compte qu'il était un peu en avance, avait fait un pas en arrière). Le printemps politique est pile à l'heure. La campagne c'est maintenant. L'avenement du printemps sonne le retour des congrès (une flopée ce week-end dont le PS place Flagey et le MR à Charleroi) et la mobilisation des militants.

 C'est le printemps, et comme à chaque saison correspond une garde-robe, c'est le moment de jeter un œil sur les artifices vestimentaires de nos candidats. Ce vendredi soir Elio Di Rupo avait ressorti un nœud-papillon rouge. Fini le subtil bordeaux ou les noeud-pap gris pour ne froisser personne. Pour la première fois depuis longtemps le premier ministre prenait la parole dans un meeting à Ostende. Double symbole : le retour du rouge indique que le premier entre en campagne, et il le fait en terre flamande pour réaffirmer son soutien au SPA et confirmer ainsi que c'est d'abord en Flandre que se joue l'avenir du pays. Sur le fond le discours du premier/candidat s'arcboute sur la défense de la sécurité sociale :" voulons-nous une société avec une sécurité sociale forte ou une société où le droit du plus fort primera ? "

Dimanche le premier ministre prendra aussi la parole au congrès du PS francophone et enchaînera avec quelques prestations médias. Noeud-papillon rouge ou chemise ouverte pour faire plus jeune, c'est en réalité le costume de candidat qu'enfile Elio Di Rupo, contraint de laisser la veste de premier ministre au vestiaire pendant la dernière ligne droite. Même si, on s'en doute, l'homme et ses conseillers essaieront de faire coexister les deux gardes robes et que ce sera un angle d'attaque pour l'opposition : choisissez votre costume ou laissez la campagne à Paul Magnette. 

On est là dans un figure classique de notre système politique, et Elio Di Rupo suit en cela les traces de Guy Verhofstadt : refuser les débats sous prétexte qu'on est au dessus de la mêlée en tant que premier ministre, éviter au plus possible les interviews politiques mais apparaître, apparaître, apparaître. On notera que la stratégie de Bart De Wever n'est pas si éloignée. Il serait pourtant sain, puisqu'ils sont candidats, que les deux hommes acceptent la confrontation avec leurs opposants. 

Si Elio ressort ses vieux nœud-pap on oubliera pas de jeter un œil aux autres congrès ce week-end. Si le rouge est vif, le bleu devrait être profond et soutenu, le vert sera brillant, et l'orange (avec une semaine de décalage car le printemps arrive plus tard à Bastogne) sera joyeux. C'est le printemps et carnaval est derriere nous : prions que les deguisements de panda ne sortent plus. Ces dernieres semaines la campagne ressemblait en effet à un champ de bataille désordonné. La violence des attaques s'accompagnait de tenues de combat plus ou moins bien camouflées. L'entrée officielle des troupes en campagne ( on attend encore quelques clarifications de listes, notamment coté MR bruxellois , pour que tout le monde soit en ordre de bataille) va permettre, on l'espère de comparer les idées. Les numéros de listes sont connus. Triez vos garde-robes. Nous votons dans 2 mois, c'est le printemps, la politique reprend des couleurs. 


NB : photo d'illustration trouvée  sur le site www.premier.be 

17 mars 2014

Un tour pendable

Un tour pendable. Depuis quelques jours l'expression (en français châtié une mauvaise farce) me trotte dans la tête. Oui cette histoire de Pandas ressemble à une mauvaise blague. Et un cran a encore été franchi avec la désormais très commentée prestation de Bart De Wever lors de la cérémonie des étoiles de la télévision flamande. Qu'un producteur d'une soirée télévisée  offre une telle tribune à un homme politique en pleine campagne électorale laisse songeur. Qu'un président de parti qui entend jouer un rôle historique en guidant la Flandre vers l'état de Nation puisse endosser le déguisement d'un panda achève de nous assommer.
Nous étions déjà restés interdits face à la frénésie politique et médiatique qui s'était installée autour de ce dossier. Fallait-il vraiment en faire des tonnes, diplomatie oblige ? Le premier ministre était-il obligé, sérieux comme un pape, de se cramponner à ce ridicule panda en peluche, histoire que son image personnelle soit bien associé à l'arrivée des animaux sur le tarmac de l'aéroport  ?
Oui Elio Di Rupo et Bart De Wever, l'un dans le style de l'overdose de communication, l'autre dans le registre de l'humour  plus lourd que gratuit (avec en prime quelques belles contre-vérités), nous jouent un tour pendable.
Hao Hao et Xing Hui semblent la métaphore d'un débat politique qui a choisi de se donner en spectacle plutôt qu'en échange d'arguments. Un spectacle où deux animaux patauds tentent d'attirer notre attention et nous hypnotisent. Un affrontement en noir et blanc, pour essayer de faire oublier la palette de couleurs d'autres espèces qui voudraient distraire nos regards.
Hao Hao, Xing Hui et leurs cousins Bart et Elio cabotinent. Nous serions bien inspirés de nous rappeler que le panda, bien que se nourrissant principalement de pousses de bambou est un animal potentiellement carnivore et que son apparence bonhomme cache de redoutables coups de griffe.

12 mars 2014

Des journalistes et de l'engagement politique


Olivier Maroy : l’interview politique
 
Le débat mobilise et secoue ma profession, à juste titre. Un journaliste politique qui rejoint les rangs d’un parti politique c’est un peu une trahison. Comme si un pair quittait la confrérie pour rejoindre le camp d’en face. Jean Quatremer a  bien résumé la situation dans un tweet, entre les journalistes politiques et les élus qu’ils doivent suivre il y a bien un rapport comparable à celui qui unit policiers et brigands, ou si vous préférez une image moins dure, l’ arbitre aux joueurs de foot  : on a besoin les uns des autres pour exister, on se connait bien, c’est une obligation professionnelle,  on se côtoie, on se respecte, on s’admire parfois, mais au final l’un traque l’autre et veille à signaler l’éventuel faux pas. L’élu est l’artisan de la démocratie et le journaliste est son chien de garde.
Je ne connais pas Olivier Maroy, et je ne veux pas porter de jugement sur un cas particulier. Mais je trouve que la polémique actuelle a  le mérite de poser quelques bonnes questions. Bien sûr tout citoyen a le droit d’être candidat un jour, c’est le principe d’une société démocratique. Avec un bémol que nous indique le vocabulaire : on dit « entrer en politique »  comme « entrer en religion » c’est un choix qu’on ne fait pas à moitié, et qui repose sur une adhésion forte à un système de valeurs  … et qui n’est pas du tout compatible avec la distance critique du journaliste.
Un journaliste politique, s’il travaille pour un média qui se présente comme idéologiquement neutre,  c’est le cas des grands médias audiovisuels,  doit se tenir à équidistance de tous les partis, et s’il a bien ses propres inclinaisons, il prendra soin de les garder pour lui et de traiter chacun de manière équitable. C’est une gymnastique intellectuelle passionnante que de laisser son opinion au placard et d’essayer de se mettre à la place des auditeurs/téléspectateurs en veillant à respecter la palette des opinions de l’opinion.
C’est ce télescopage entre la nécessaire distance du journaliste et l’adhésion à la doctrine du militant que Johanne Montay dénonce à juste titre. Et plus encore que l’entrée d’un confrère en campagne, la confusion des genres et le manque de rigueur morale de quelques journalistes peu scrupuleux est un cancer plus pernicieux encore comme le fait remarquer Bertrand Henne. Oui certains journalistes font passer  pour  de l’esprit critique, une opposition (parfois un dénigrement) d’un ou plusieurs partis qui est avant tout un choix partisan. Oui d’autres sont enclins à être beaucoup moins critiques lorsque les initiatives viennent d’un parti en particulier. Il y a donc des journalistes qui roulent pour des idées ou qui ont une proximité (idéologique et/ou parfois amicale)  avec certains dirigeants de partis au point d’en oublier leur devoir d’équidistance, et c’est cela qui est une faute au regard de ce que le public peut attendre du journaliste (et je précise bien explicitement que je n'accuse pas Olivier Maroy  d'être dans ce cas).
Pour revenir au débat du moment je voudrais préciser deux éléments qui éclairent bien ce qui est en jeu dans les rédactions. D’abord la notion de suspicion. Quand un journaliste est mis en cause ce n’est pas nécessairement parce qu’il a commis une faute mais simplement parce qu’on peut le soupçonner d’avoir commis cette faute. A un certain niveau de professionnalisme on est en droit d’exiger qu’un journaliste veille à ne pas se trouver dans une situation où la suspicion devient permise. A titre personnel je n’accepterais par exemple jamais d’animer un débat qui serait lié à une organisation qui a une couleur politique. Non pas parce que cela me placerait en situation de dépendance vis-à-vis de cet organisateur (contrairement aux idées reçues le défraiement est souvent modeste) mais parce que cela suffit à ce que l’on puisse se poser la question. C’est encore bien pire quand on parle de conseil en communication ou de coaching : un journaliste devrait, à mon estime, s’en tenir soigneusement éloigné.
Deuxième notion importante celle du calendrier. La question du timing est en effet essentielle. Si l’on revient à notre point de départ, le droit de tout citoyen à s’engager en politique, il faut noter  que les personnalités médiatiques font  souvent le choix de s’engager  alors que la campagne est déjà bien lancée. Le parti politique qui  les recrute est ainsi assuré de profiter pleinement de l’image de la personnalité en question et du retentissement médiatique engendré par cette annonce. C’est le principe de l’attrape-voix qui n’honore personne. C’est bien parce qu’un journaliste reste en fonction jusqu’au dernier moment avant de se déclarer subitement que la suspicion sur la qualité de son travail est permise. Si mes collègues faisaient part de leur démarche 6 mois avant l’échéance et demandaient à leur rédacteur-en-chef de les remplacer discrètement ils prouveraient à la fois leur respect du métier et la sincérité de leur engagement politique. Le débat  n’aurait plus lieu d’être.  

02 mars 2014

L'Ukraine, nouvelle frontière de l'Europe

C'est au moins l'un des mérites de la crise actuelle  :  nous faire comprendre que l'Union Européenne s'étend jusqu'à l'Ukraine. Ce pays voisin de la Pologne a bien une frontière commune avec l'Europe des 28. Sans doute beaucoup de citoyens européens l'ignoraient-ils jusqu'à présent. L'Ukraine, vu de Bruxelles, Lisbonne, Paris ou Rome cela parait loin, abstrait, exotique. Un satellite de la Russie, un pays froid, inconnu, qui échappe au monde européen connu. Depuis que les manifestants ukrainiens déferlent soir après soir sur nos téléviseurs la donne change peu à peu. Ces manifestants étaient prêts à payer de leur vie leur opposition au régime pro-russe, et nous affirmaient leur désir d'Europe (un désir relatif, reconnaissons-le, on n'est pas sûrs que nous parlons tous de la même Europe, mais pour eux tout ce qui les éloigne de la Russie est un aimant aimable,  les symboles se passent des  nuances et des détails). Un engouement et une motivation qui laissent béats d'admiration des citoyens des états membres aux prises avec la  récession ou la crise bancaire et qui ont bien du mal à se mobiliser autour des prochaines élections européennes.
Ce dimanche c'est un deuxième choc qu'encaissent les européens. Les soldats russes sont entrés en Crimée, cette république autonome du sud de l'Ukraine, la flotte ukrainienne fait sécession, on rappelle les réservistes. Le bruit des préparatifs de la guerre résonnent à nos oreilles, et c'est bien aux portes de l'Europe que cela se passe. En Pologne, en Roumanie, en Hongrie, en Slovaquie on s'inquiète. Si la guerre éclate ce sont bien des pays de l'Union qui accueilleront les réfugiés. Ce sont bien des pays de l'Union qui devront surveiller leurs frontières. Ce sont bien des pays de l'Union dont l'économie risque de chanceler. Mais l'Ukraine n'est pas qu'une frontière géographique, elle est aussi le symbole des limites d'une Europe qui n'aspire qu'à être un grand marché. L'union est un nain militaire, un pôle  diplomatique de surface moyenne,  une fédération  inachevée  d'Etats dont le projet politique est d'être tout sauf une nation et au final n'est guère impressionnante pour les réelles puissances  que sont la Russie, les États-Unis ou la Chine. La veritable frontière de l'Europe est celle de ce manque d'ambition.
Ce dimanche soir l'OTAN, dont l'Ukraine et la Russie sont des Etats partenaires à défaut d'être membres,  enverra un probable message de fermeté à Vladimir Poutine. Lundi  les ministres des affaires étrangères de l'Union Européenne tenteront (ce n'est pas sur, tant l'Europe a souvent du mal à parler d'une seule voix) de faire de même. La guerre à nos frontières. Voici une belle leçon à nos démocraties occidentales, à ces citoyens désabusés , ou à leurs dirigeants préoccupés uniquement de performance économique : l'Europe reste un continent morcelé, composé de peuples distincts et parfois instables. Et oui, alors que nous celebrons le centenaire de la grande guerre, la paix mérite d'être un projet politique. En Europe comme partout ailleurs, elle  n'est pas acquise.