11 juin 2014

Le recomptage n'est pas une honte (mais ne doit pas être un jeu)

Il est  tard. À l'heure où j'écris ces lignes les députés wallons n'ont toujours prêté serment et ne semblent pas près de le faire. Le blocage est total. 
Petit résumé pour les distraits. Comme à chaque élection, une série de réclamations diverses et variées ont été déposées. Rien de plus normal en démocratie. 
En Belgique chaque parlement nouvellement élu désigne en son sein, par tirage au sort, une commission de validation qui examine ces plaintes, y apporte les suites adéquates et présente un rapport à l'assemblée plénière. 
Dans le cas wallon qui nous occupe,  la plainte la plus sensible émane du PTB, et vise des voix écartées dans les arrondissements de Charelroi pour cause de bulletins identifiables (un graffiti, quelques mots manuscrits, c'est interdit et cela rend le vote nul). Pour le parti d'extrême gauche certains bullerins auraient été écartés indûment ce qui a eu pour effet de priver le PTB d'un élu supplémentaire, ou même de deux par le biais de l'apparentement. Cela s'est joué à 14 voix, autant dire un cheveu. 
La plainte est donc arrivée jusqu'à notre commission de validation. De sept membres on est alors descendu à 4, les élus du hainaut s'étant "déportés" pour ne pas être juges et parties. Depuis c'est le blocage. Deux commissaires, membres du MR, exigent un recomptage. Les deux autres, un CDH et un membre du Parti Populaire, estiment que la réclamation du PTB est infondée et donc le recomptage inutile. La commission siégeant à huis clos on ne connaît pas le fond du dossier et ce qui pourrait rationnellement établir  qu'un recomptage est indiqué ou pas, et que oui ou non, il y a des raisons de suspecter que  le PTB s'est vu privé d' un ou deux élus par un dépouillement injustement "orienté". 
Faute de détails, nous en sommes réduits à des suppositions et des interprétations. Avec un constat : 48 heures de blocage pour résoudre cette question  , c'est beaucoup trop. Oui, il faut oser l'écrire, le parlement wallon est pris en otage, et c'est bien le crédit de cette assemblée,  de notre système électoral et des élus dans leur ensemble qui est mis à mal. 

Il est facile de dénoncer le jusqu'au boutisme des libéraux dans ce dossier. C'est une évidence : que la réclamation vise un siège socialiste (arrondissement de Charleroi) et un siège CDH (arrondissement de Soignies, qui pourrait basculer aussi en raison de l'apparentement) n'est pas anodin. La suspicion d'un acharnement politique de la part des deux commissaires tirés  au sort est d'autant plus grande que les libéraux n'ont pas fait dans la dentelle des déclarations subtiles et soigneusement dosées ces derniers jours. Quand on n'a que le mot "déni de démocratie" à la bouche pour décrire ce qui n'est qu'un simple accord de négociation dont vous êtes exclu cela finit par vous monter à la tête. Les élus et les militants  réformateurs sont dans l'auto-persuasion d'un hold up électoral parce qu'ils ne veulent pas reconnaître une défaite. La palme des déclarations outrancières revenant à un Serge Kubla envisageant  d'aller jeter des pavés dans la vitrine des partis concurrents : un discours indigne du ministre qu'il a été. Qu' un parti politique aussi important que le Mouvement Réformateur se laisse aller à des propos aussi populistes que ceux des derniers jours est particulièrement malsain. J'ose même écrire que c'est grave et qu'il est temps de se reprendre. 

Le problème c'est qu'en face ce n'est pas  mieux. Les partis de la majorité pressentie (PS et CDH)  savent bien qu'il existe une méfiance du corps électoral à l'égard du scrutin du 25 mai, et par extension, cette défiance touche tout le monde politique wallon. Le bug informatique y est pour beaucoup, l'antipolitisme n'aide pas. Mais nous ne sommes pas ici face à un bug. Nous sommes face à des votes exprimés sur  des bulletins papier et sur lesquels il y a une contestation. C'est donc facile de les recompter. Si le dépouillement a été sincère cela ne changera rien au résultat de l'élection. Perdre un ou deux jours de plus ne change rien à l'affaire puisqu'aujourd'hui le mal est fait. Le seul moyen de sortir de cette crise par le haut est  donc  bien de procéder à une vérification. Pour prouver que le scrutin s'est déroulé dans des conditions loyales.  Ne pas le faire c'est laisser croître l'idée qu'il y a eu trucage. Deja de nombreux témoignages laissent penser que tout ne se passe pas normalement dans certains bureaux de dépouillement.  Cette idée est insupportable dans une démocratie saine. PS et CDH seraient donc bien inspirés de baisser la garde et d'accepter qu'on fasse toute la transparence. Il vaut mieux perdre un siège que de laisser la suspicion s'installer et gangrener toute une législature. Bien sûr,  s'il y a eu une manipulation l'infamie s'abattra sur ses auteurs. Ce ne sera que justice. Assez tergiversé. 

Aux 4 parlementaires wallons réunis en commission on a donc envie de lancer cet appel solennel : ni instrumentalisation partisane, ni obstruction à la vérité. Il est de temps de sortir du huis clos et d'étayer publiquement vos positions. 
L'intérêt de la démocratie est de ne pas jeter l'opprobre sur un scrutin sans raison. L'intérêt de la démocratie commande aussi  d'autoriser la vérification du dépouillement en cas de doute. L' intérêt de la démocratie  est supérieur à l'intérêt de vos partis respectifs. 

1 commentaire:

fred C a dit…

Outre l'analyse du discours libéral que je ne partage évidemment pas du tout (nier un part qui passe de 19 à 25 sièges, qui représente un tiers des sièges de l'assemblée au profit d'une coalition qui représente 46
% des suffrages exprimés et qui, si le recomptage devait s'avérer exact voudrait un siège de moins qu'avant les élections), je tiens à préciser qu'il y a un juste un effet de communication quand on dit "prendre le Parlement en otage".
- Ce Parlement, s'il devait être installé rapidement il pouvait l'être si tout le monde acceptait une opération de recomptage qui prendrait quelques heures et qui aurait le mérite de lever toutes suspiscions sur les opérations de dépouillement (les témoignages sont effarants.... Qu'attend la presse pour sortir de l'hémicycle namurois et aller à la rencontre des ces témoins ?)
- Quand bien même ce Parlement est installé, nous sommes dans le symbôle: le Gouvernement wallon est en affaires courantes. Le Parlement a donc des missions bien réduites en attendant l'installation d'un nouveau Gouvernement.
- Certains partis, en prenant ce dossier sous un angle léger et purement stratégique, exposent le Parlement wallon a des difficultés juridiques importantes. Il y a fort à parier, que les plaignants (entourés d'avocats chevronnés) n'en resteront pas là et épuiseront des recours. Une attitude plus engagée en faveur d'un recomptage de tous les partis wallons protègent aussi l'institution.
- enfin, l'argument est connu mais tellement vrai: pourquoi refuser un recomptage? C'est ce refus qui est suspect. Dans une démocratie est-il impensable pour la préserver d'opérer aux vérifications légitimes? Particulièrement à un moment où le fossé entre citoyens et politiques se creusent? Ne donne-t-on pas du terreau à l'antipolitisme en refusant le recomptage?