15 janvier 2019

Eric Legnini, le pianiste aux baskets rouges remet du jazz dans son groove

C'est un retour à la maison. Comme si on déposait ses valises sur le seuil, après un long voyage. Les pérégrinations d’Eric Legnini ne l'ont pas emmené bien loin. Du jazz il était passé au groove, du groove au funk. Ses deux précédents albums, The Vox (récompensé aux victoires de la musique) et Waxx Up empruntaient ces chemins, comme des pérégrinations, des détours, des respirations, ou mieux, un voyage initiatique où l’on change de continent pour enrichir sa propre culture et renouveler son point de vue sur le monde. Eric Legnini est de retour au jazz. Oubliés les voix planantes (celles de Yaël Naim ou Mathieu Boogaert, Michèle Willis figuraient, par exemple sur ses derniers enregistrements ), les rythmes syncopés, la batterie, les cuivres. Le pianiste liégeois aspire à plus de dépouillement. Son piano, un guitariste, un contrebassiste, point. Le concert qu’il a donné au théâtre Marni dans le cadre du River Jazz Festival annonce donc une nouvelle direction. Parti de Liège (pardon, de Huy précisent  les puristes), monté à Paris, passé par New-York, redescendu à Bruxelles pour être prof au conservatoire. Comme pour chaque voyage on ne sait pas si le retour à la maison Jazz est définitif ou juste une escale. D’ailleurs n’allez pas croire qu’Eric Legnini revient pour reproduire la musique des autres. Le garçon a bien joué avec Toots Thielemans, Éric Lelann ou les frères Belmondo, il pourrait. Mais non. Pas de standards, mais un ou deux titres anciens de son propre répertoire, et des nouvelles partitions. C’est jazz dans la forme mais groove, plus que swing, dans la pulsation. On sent l’influence de la soul, mais aussi de la bossa. Les arpèges Legniniens coulent comme une cascade ininterrompue, de boucle répétitive en boucle répétitive. Un peu comme si Erikha Badu rencontrait Jobim avec la complicité de Philip Glass. Le style est décontracté, très belge (ha, ces baskets rouges, qu’on oserait pas porter dans un chic club parisien mais que nos jazzmen de Toine Thys à Legnini adorent) les prises de parole limitées au minimum (tant mieux, on est là pour la musique). Le tempo est enlevé (parfois un poil trop, comme sur ce blues qui frôle l’excès de vitesse) les impros bien cadrées, et les partenaires (Thomas Brammerie à la contrebasse et Ricky Grasset à la guitare) se montrent à la hauteur. Eric Legnini annonce qu’il y aura peut être un album à l’automne prochain. Peut-être ? A l’automne seulement ? On savoure notre chance d’avoir entendu cette prestation. Et on prie les maisons de disque de se hâter.

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