Arts - Loi
Au carrefour de la politique et de la culture... Belgique, Bruxelles, la communication, le pouvoir, les idées, le théâtre ou la musique ... le blog perso du journaliste Fabrice Grosfilley
30 mars 2019
Rue de la loi continue sur BX1 (et vous pouvez m’entendre aussi sur Bel RTL)
Depuis deux semaines maintenant ma production est reprise sur le site de BX1, la télévision régionale bruxellois, toujours sous le titre de « rue de la loi ». J’y poste chaque jour en fin d’apres-midi un édito sous forme de vidéo accompagnée d’un texte. J’y parle de politique avec un prisme bruxellois francophone.https://bx1.be/dossier/rue-de-la-loi/
Mes articles sur la culture ou autre chose continueront à être postés ici.
En parallèle j’ai également repris l’interview de 07h50 sur Bel RTL, que je vous encourage à écouter en direct ou en podcast.https://www.rtl.be/belrtl/emission/l-invite-rtl-info-de-7h50/1230.aspx
Parce que la politique nous concerne tous.
Merci de votre fidélité.
04 mars 2019
Didier Reynders, l’intelligence et l’ironie
05 février 2019
Climat et élections : le grand glissement de paradigme
31 janvier 2019
Olivier Py et l'horrible masque du pouvoir
29 janvier 2019
Next Ape : quand Antoine Pierre emprunte le chemin de Portishead
Le projet commence par une carte blanche. Lorsque le théâtre Marni, dans le cadre d’un festival, propose au batteur Antoine Pierre de monter un projet original. Le jeune liégeois saisit l’occasion : troquer son costume de jazzmen pour monter un groupe aux frontières du trip hop et du rock. Cela aurait pu être une soirée unique. Elle fut tellement enthousiasmante que c’est désormais un groupe et un premier album (il sera présenté le 13 février à Bozar, moment à ne pas rater).
26 janvier 2019
Urbex, l’émotion a/à son rythme
Le coup de foudre n’est pas toujours automatique. Ni réciproque. Mais parfois cela vaut la peine de persévérer. En amour comme en musique.
À là première écoute de « sketchs of nowhere » l’album du collectif Urbex j’avoue que j’étais resté dubitatif. Est-ce que tout cela n’est pas un peu compliqué ? Certes il y a des combinaisons de rythmes intéressantes mais ces compositions sophistiquées ne font-elles pas plus plaisir aux musiciens qui les jouent qu’au public qui les écoute ? L’interrogation était d’autant plus légitime qu’Antoine Pierre est à l’évidence un batteur à suivre, que ses concerts sont convaincants, qu’il est ici magnifiquement entouré, et qu’un premier concert d’Urbex, avant l’album, nous avait complément scotché.
En amour comme en musique il faut donc ne pas se figer sur une première impression. Réécouter l’album. Et surtout, puidqu’on parle de Jazz, aller voir les artistes en concert. C’est dans une salle, pas trop grande de préférence, qu’on ressentira le mieux l’énergie et la sensibilité de la musique. Au contact visuel des musiciens qu’on devenira leur plaisir ou leur souffrance, leur engagement ou leur sacerdoce.
J’ai donc vu Urbex à trois reprises pour comprendre ce qu’on pourrait essayer d’en écrire. À Liège et à Bozar dans une formule proche de l’album, assez étoffée donc, avec Toine Thys et Ben Van Gelder aux saxophones et Frédéric Malenpré aux percussions. Au centre Senghor (Etterbeek) dans une formule plus réduite mais avec le flûtiste Magic Malik.
J’ai donc vu trois concerts très différents et j’y ai éprouvé un plaisir grandissant. Je ne sais pas dire si c’est mon oreille qui se forme ou si la musique évolue dans une direction qui me plait davantage. Les compositions d’Antoine Pierre sont comme un assemblage de strates complexes et extrêmement travaillées. La basse de Félix Zurstrassen, discrète mais solide, plante un rythme lancinant. Il y a de la transe techno dans cette pulsation sur laquelle le batteur pose ses ornementations. Un solo d’Antoine Pierre est toujours un moment fort. Le guitariste Bert Cools appose des couches d’harmonie et d’effets, comme un coloriste avec de grands aplats de couleur, c’est doux, parfois très contemporain, parfois avec un parfum des annnees 70. Braam De Looze agit dans le même registre, même si on regrette que ce pianiste si subtil ne soit pas toujours suffisamment audible dans une aussi grande formation.
Au troisième étage de l’exploration urbaine les souffleurs. Tous talentueux. Steven Delannoye ou Toine Thys parfaitement à l’aise. Jean-Paul Estievenart aussi. Si Antoine Pierre est le moteur d’Urbex, le trompettiste en est le supplément d’âme. Omniprésent, il pose les thèmes et déroule des improvisations époustouflantes.
Ajoutez des invités capables de sortir des solos d’exception. Frederic Malempré et son univers de rythmes et de bruitages (ha, la bassine d’eau). Magic Malik le flûtiste ( de son vrai nom Malik Mezzadri, ancien membre du groupe de reggae Human Spirit ensuite converti au jazz) qui alterne flûte et chant et une technique mixte, le growl, qui consiste à chanter ou parler dans sa flûte. Au Senghor l’apport de l’invité magnifiait encore les créations d’Urbex. Un clin d’œil au Miles Davis période électrique, avec la furie du rythme et de la révolte, et quelques perles de douceurs (« aux contemplatifs » par exemple, un des plus beaux thèmes de l’album) on sent que la palette est étendue. Suffisamment pour qu’on attende avec envie, le prochain tableau, riche de de ce que l’on a déjà entendu et sans savoir à l’avance ce que l’on va découvrir. Il ne faut pas forcément partir d’un coup de foudre pour que le désir soit durable.
24 janvier 2019
Aka Moon, l’enthousiasme intact
16 janvier 2019
Benoit Lutgen et le départ inévitable
Reste donc le choix du moment. Un coup de tête impulsif comme Benoît Lutgen les affectionne railleront ses détracteurs. Il y a un peu de cela : depuis son accession à la présidence Benoit Lutgen pratique volontiers l’art du contre-pied, et n’informe qu’un entourage très restreint. Le président consulte un peu, rumine beaucoup et surprend toujours. Mais croire que ce départ est irréfléchi serait une erreur. Il est, au contraire, la conséquence logique des actes posés par le président partant.
Comme toujours en politique les jugements manichéens n’offrent qu’une vue partielle. Benoit Lutgen avait pour objectif, atteint, de changer l’image d’un CDH au centre gauche, devenu un parti urbain et ouvert à la diversité, pour le repositionner plus près de l’électorat wallon et rural. Il en a payé le prix en terme électoral (les sondages ne sont pas bons, surtout à Bruxelles, et si le parti s’est maintenu dans certaines bourgades wallonnes, son déclin est loin d’être enrayé) et surtout en terme d’image personnelle. Car c’est bien de cela dont il s’agit. La difficulté de la famille centriste (on disait social-chretienne il y a 15 ans encore) à retrouver une position originale et solide dans l’offre politique contemporaine pèse lourdement sur le sort peu enviable de ses premiers de cordée.
La présidence de Benoit Lutgen pourrait se résumer en deux séquences particulièrement fortes. La première en 2014, alors que les négociations régionales ont permis au CDH de monter dans les exécutifs régionaux, le président du CDH ne veut pas entendre parler d’une coalition avec la NVA au fédéral. L’affrontement avec Charles Michel se fera sur les plateaux de télévision. Benoit Lutgen y apparaît déterminé, ses attaques sont frontales, viriles. Question de principe martèle-t-il, genre la NVA c’est le démantèlement de la Belgique, ils ne passeront pas par moi. Seconde séquence forte, en 2017. Le président du CDH voit que son parti n’en finit pas de s’abîmer dans l’exercice du pouvoir. Il déclare le PS indigne et décide de changer de partenaire. Brusquement, et apparement sans sommation. Une trahison pour les socialistes et une aubaine pour les libéraux.
Il faudra attendre les prochaines élections pour tirer le bilan comptable de la présidence Lutgen. Sur le plan de l’image si l’essentiel était de se « descotcher » du PS, le sparadrap n’existe plus, les compteurs ont été remis à zéro, la présidence est un succès. S’il s’agissait de se mettre en position de continuer à peser sur le cour des choses en participant aux majorités à venir, on peut en douter. En se brouillant avec Charles Michel pour mieux se jeter dans les bras de son parti par la suite, en déclarant la NVA infréquentable en début de législature pour finalement se fâcher avec le PS ensuite (même si ce n’est pas le même niveau de pouvoir), Benoît Lutgen s’était personnellement mis dans une situation intenable. Humainement compliquée et illisible pour le grand public. Négocier avec un nationaliste flamand ou un socialiste francophone après les prochaines élections ne lui aurait pas été aisément possible. Maxime Prévôt, au caractère plus rond et aux déclarations plus prudentes pourra faire l’un et l’autre.
La cohérence entre ces deux séquences fortes me direz-vous ? Benoit Lutgen a soldé l’héritage de Joëlle Milquet. C’est ce que lui demandait le bureau du CDH. Au final son retrait est moins à contretemps qu’il n’y parait. La chute de la majorité suédoise et le positionnement clairement populiste et flamand de la NVA ont ouvert une nouvelle séquence. Il faut redéfinir stratégies et positions. C’est vrai pour tous les états-majors, pas seulement au CDH. Avec une barbe de trois jours et une expression moins fluide qu’à l’accoutumée l’homme a déjà tourné la page. Pas par caprice. Mais parce qu’il lui était difficile d’aller plus loin.
15 janvier 2019
Eric Legnini, le pianiste aux baskets rouges remet du jazz dans son groove
C'est un retour à la maison. Comme si on déposait ses valises sur le seuil, après un long voyage. Les pérégrinations d’Eric Legnini ne l'ont pas emmené bien loin. Du jazz il était passé au groove, du groove au funk. Ses deux précédents albums, The Vox (récompensé aux victoires de la musique) et Waxx Up empruntaient ces chemins, comme des pérégrinations, des détours, des respirations, ou mieux, un voyage initiatique où l’on change de continent pour enrichir sa propre culture et renouveler son point de vue sur le monde. Eric Legnini est de retour au jazz. Oubliés les voix planantes (celles de Yaël Naim ou Mathieu Boogaert, Michèle Willis figuraient, par exemple sur ses derniers enregistrements ), les rythmes syncopés, la batterie, les cuivres. Le pianiste liégeois aspire à plus de dépouillement. Son piano, un guitariste, un contrebassiste, point. Le concert qu’il a donné au théâtre Marni dans le cadre du River Jazz Festival annonce donc une nouvelle direction. Parti de Liège (pardon, de Huy précisent les puristes), monté à Paris, passé par New-York, redescendu à Bruxelles pour être prof au conservatoire. Comme pour chaque voyage on ne sait pas si le retour à la maison Jazz est définitif ou juste une escale. D’ailleurs n’allez pas croire qu’Eric Legnini revient pour reproduire la musique des autres. Le garçon a bien joué avec Toots Thielemans, Éric Lelann ou les frères Belmondo, il pourrait. Mais non. Pas de standards, mais un ou deux titres anciens de son propre répertoire, et des nouvelles partitions. C’est jazz dans la forme mais groove, plus que swing, dans la pulsation. On sent l’influence de la soul, mais aussi de la bossa. Les arpèges Legniniens coulent comme une cascade ininterrompue, de boucle répétitive en boucle répétitive. Un peu comme si Erikha Badu rencontrait Jobim avec la complicité de Philip Glass. Le style est décontracté, très belge (ha, ces baskets rouges, qu’on oserait pas porter dans un chic club parisien mais que nos jazzmen de Toine Thys à Legnini adorent) les prises de parole limitées au minimum (tant mieux, on est là pour la musique). Le tempo est enlevé (parfois un poil trop, comme sur ce blues qui frôle l’excès de vitesse) les impros bien cadrées, et les partenaires (Thomas Brammerie à la contrebasse et Ricky Grasset à la guitare) se montrent à la hauteur. Eric Legnini annonce qu’il y aura peut être un album à l’automne prochain. Peut-être ? A l’automne seulement ? On savoure notre chance d’avoir entendu cette prestation. Et on prie les maisons de disque de se hâter.