01 octobre 2016

Danse : l'énergie primale de Kawrall, quand le geste précède le jazz

J'ai pu voir hier la première  de "Kawrall" qui entremêle le jazz hypnotique du trompettiste Laurent Blondiau et ses musiciens (le collectif Mâäk)  et l'énergie de 5 danseurs burkinabés emmenés par Salia Salou (il a dansé autrefois avec Maguy Marin).  C'est un spectacle crescendo : début un peu lent, la musique s'amuse à s'égarer un peu longtemps à mon goût, quelques minutes auraient suffit, mais la suite est magnifique et le final absolument grandiose. Les danseurs sont époustouflants, des corps hors-norme (on est grand, petit, trapu, musclé, mais toujours sensuel) avec une énergie primale convaincante. On convie les zombies et la sexualité, la révolte du corps contre les machines, y a du James Brown et des Deschiens, autant que de la danse vaudou et du west-side-story et même des déhanchements disco avec une boule à facettes. Corps déstructurés,  mouvement saccadés, solos et chorégraphies  de groupe impeccables. 

Le rapport des danseurs à la musique passe par la face à face aux musiciens. On se défie, on se bouscule, on se touche, on s'enlace. La place des instruments change, l'espace scénique évolue. Ici , et c'est une remarquable performance, ce sont les danseurs qui impriment le rythme. Si le ballet classique écrit la musique d'abord, dans Kawrall les rôles sont rééquilibrés, il nous semble même que  le mouvement donne le "la".  Les yeux précédent l'oreille. La musique ne justifie plus la chorégraphie, elle l'épouse. 

Côté Jazz le piano Fender Rhodes, la trompette aérienne la pulsation de la basse et les bidouillages électriques ne sont pas sans rappeler le Miles Davis de la période "In a Silent Way" avec l'influence de Joe Zawinul. Bref c'est un moment magique dés que l'on passe les 15 premières minutes. Lors de la première représentation ce vendredi,  rappels et grands sourires venaient récompenser cette belle rencontre de deux univers si complémentaires et deux années de création collective. Le jazz psychédélique rencontre une danse contemporaine inspirée, et les plus belles énergies de l'Afrique, de l'Europe et de l'Amérique se mélangent.

Le spectacle est encore joué ce samedi soir à Bruxelles au théâtre 140 et sera présenté à la biennale de la danse du Val de Marne au printemps 2017.

La vidéo des répétitions ici : 

La photo est de Tom Blaton pour le Théâtre 140.