25 mars 2018

Le 22 mars de la douleur des attentats à leur représentation théâtrale

Un couple qui s’avance seul au milieu de la scène et qui raconte sa sidération lorsqu’il apprend par télévision interposée que des attentats ont lieu à Bruxelles. L’ensemble des comédiens, ils sont 19, qui reprennent à capela « Bruxelles ma belle » de Dirk Annegarn. Des extraits de conversations, banales, futiles, brutalement interrompus par un bruit d’explosion. 32 extraits comme les 32 victimes des attentats. Et puis ces victimes devant vous, dressées, le visage ensanglanté. Leurs premières pensées, pas toujours très nobles, leurs appels au secours, la fumée, les blessures, la douleur. Ce sont les premiers tableaux, chocs, émouvants, de « Bruxelles, printemps noir » monté au théâtre des Martyrs (lequel aura rarement si bien porté son nom).  Il y en a 19 au total. 19 scènes indépendantes les unes des autres mais qui misent bout à bout reconstituent le kaléidoscope de nos émotions au moment des attentats et aussi dans les semaines ou les mois qui ont suivi.


Un texte de fiction en écho aux témoignages des victimes réelles

 

Ils s’appellent Karen, Walter ou Béatrice. Vous avez pu entendre ou voir leurs témoignages à la télévision, à la radio, dans la presse. Karen cette ancienne prof de sport qui n’est toujours pas sortie de l’hôpital 2 ans plus tard. Walter, qui raconte comment il se bat pour apprivoiser sa prothèse. Beatrice, qui suit un parcours de revalidation de l’armée américaine a San Diego pour espérer remarcher. Ces trois là ont perdu l’usage de leurs jambes. Les deux attentats ont fait plus de 200 blessés. Certains s’expriment, d’autres pas. Et ces 32 morts dont on n’entendra plus les voix. Vous en connaissez peut-être directement ou indirectement.  Les gorges et les poings se serrent, les regards se troublent. On se souvient des victimes. Mais on est aussi assaillis par une palette d’émotions. Cela va de la douleur à la colère, en passant par le sentiment d’injustice, la peur ou le cri de vengeance. C’est ça que permet le théâtre. Retracer le parcours de nos émotions et de nos pensées. Notre rapport a l’Islam, notre rapport à la violence, notre besoin de sécurité, notre confiance dans les médias et surtout la manière dont le discours politique s’est emparé de tous ces thèmes (cruelle scène où les marionnettes de Bart, Joëlle et Charles s’écharpent avec cynisme) en deux ans tout a changé. Le 22 mars a profondément marqué des parcours de vie, les témoignages de victimes nous le rappelle mais il aussi boulversé notre paysage mental, cette pièce, entre autre, permet d’en prendre conscience.

 

Deux ans après, notre capacité de résilience

 

La vie reprend le dessus. Nous sommes capables, individuellement , collectivement, de digérer, dépasser, surmonter les traumatismes. Dans la pièce de Jean-Marie Piemme le début est très fort. La suite, peu à peu, perd en intensité. Les émotions s’estompent. La parole prend plus de place. On commence à réfléchir et plus seulement à ressentir. On passe par la colère d’un fils contre son père , le témoignage d’un terroriste qui n’exprime aucun remord, le dérapage des policiers dans un interrogatoire. Il y a de la mise en scène, des costumes et des décors magnifiques. Une belle distribution aussi (Ben Hamidou, Itsik Elbaz, Stéphane Ledune). On a quitté le monde réel on a glissé dans le théâtre. Le grand mérite du texte est d’embrasser une large palette d’émotions et réactions provoquées par ces attentats, sans juger. Un excellent point de départ pour lancer notre introspection et comprendre les positions que l’on ne partage pas forcément. Certains moments sont oniriques, la mise en scène de Philippe Sireuil réussie, mais il y a des longueurs, un peu de bavardage. Les personnages qui semblaient unis dans la chanson de la première scène apparaissent complètement désunis dans la dernière.  On ne doit pas forcément y chercher de logique. Puisque propre des attentats et des entreprises terroristes c’est justement d’échapper à la logique.


Le teaser : https://youtu.be/p3IxflkpyQw