09 novembre 2016

Trump for président : 3 leçons que nous pouvons en tirer

J
Pour les Européens, c'est un réveil en forme de gueule de bois. Donald Trump désigné prochain président des Etats-Unis, une victoire qui repose sur un succès démocratique incontestable. Pourquoi n'avons-nous pas pu ou voulu la voir venir, et quelles premières leçons en tirer ? 

1. Les médias et les sondeurs font partie de l'ancien monde 

Dans le dernier mois de campagne les sondeurs, à quelques exceptions près,  donnaient très largement Hilary Clinton gagnante. Ils ne remplissent plus la mission pour laquelle ils ont été créés : sentir le poul de l'opinion et prévoir le comportement de l'électeur. Les médias font à peine mieux. La plupart des journaux et télévisions ont bien perçu que Donald Trump représentait une menace et l'ont présenté comme tel. Leur pouvoir de persuasion est donc de plus en plus faible, l'analyse des journalistes ne percole plus dans l'opinion. Le débat politique se fait désormais ailleurs, sur les réseaux sociaux, dans les repas de familles, par le bouche à oreille... La défiance vis à vis du monde des médias disqualifie les professionnels (dont l'auteur de ce blog fait partie). Les appels à la raison sont contre-productifs.  L'ère de la toute-puissance des médias de masse (networks  et télévisions généralistes en tête) appartient au passé. Les journalistes et les analystes  ne sont plus écoutés, et les sondeurs ne sont plus pertinents. Le vote Trump confirme le seisme du Brexit : Il faut prendre acte du déclin de l'information traditionnelle et investir dans de nouveaux outils de mesure si l'on veut continuer à ausculter sérieusement l'opinion.

2. L'Amérique rurale reste incompréhensible aux Européens 

Nous souffrons d'un prisme déformant quand nous regardons ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique. Nous confondons New-York et Washington avec les Etats-Unis. Surtout nous nous shootons à grandes doses de New-York Times et de CNN, alors que les américains plébiscitent Fox News, Facebook ou leur voisin de pallier. Pour mieux comprendre il faudrait mieux nous immerger. 
Les lunettes avec lesquelles nous regardons l'Amérique sont un miroir déformant. J'ai peur que le regard que nous portons sur la Russie, la Syrie, l'Inde ou la Chine ne soit pas plus juste. Nous devons admettre que les valeurs européennes, toutes défendables qu'elles soient, ne sont pas universelles et que nous ne pouvons pas attendre des autres qu'ils analysent le monde avec nos propres raisonnements. Le fait religieux nous est souvent incompréhensible, les inégalités nous semblent insupportables alors qu'elles peuvent être vécues ailleurs comme parfaitement légitimes, la violence nous répugne alors qu'elle est souvent un instrument de pouvoir ouvertement assumé. Bref, notre boussole n'est pas une boussole mondiale. Ce qui semble une erreur de trajectoire pour un européen est un vote libérateur pour un américain qui souhaite exprimer sa colère. 
 

3. La diabolisation d'un adversaire n'est pas une bonne stratégie de campagne 

Qualifier Donald Trump de populiste, mettre l'accent sur son sexisme, sa vulgarité, son manque de sang-froid n'aura donc pas suffit. La leçon pourrait s'appliquer à de nombreuses démocraties. Denoncer les faiblesses de l'adversaire et focaliser le débat sur sa personnalité ne sont pas les meilleurs moyens de mobiliser l'électorat. On analysera dans les prochaines heures ou prochains jours si les partisans de Bernie Sanders ont fait défaut. Si l'on compare rapidement la campagne Obama et la campagne Clinton, on observera que le premier avait soulevé l'enthousiasme en proposant le désir (ses détracteurs diront le fantasme) d'une Amérique meilleure alors qu'Hillary Clinton se définissait avant-tout comme un rempart à Donald Trump : elle proposait juste de maintenir l'Amérique actuelle parce-que celle proposée par le camp d'en face serait bien pire. Cela manquait de souffle. 
Dans un monde où le citoyen est gagné par le pessimisme et l'inquiétude vouloir simplement reconduire ce qui existe n'est pas un discours gagnant. 
Comparaison n'est pas raison, mais pensons-y quand même un instant, en regardant vers la France. La candidature d'un Manuel Valls, d'un Emmanuel Macron ou d'un Arnaud Montebourg sont porteuses d'un changement de trajectoire. Celle d'un Francois Hollande n'est que la perpétuation d'un monde déjà connu et perçu comme insatisfaisant. Même chose pour Alain Juppé face à Nicolas Sarkozy. Pour ringardiser Marine Le Pen l'électeur français s'enthousiasmera plus facilement pour  une offre nouvelle que pour un vote qui incarne la sécurité. Donald Trump nous rappelle que le rêve mobilise plus que la raison, et que le changement est plus séduisant que l'immobilisme.