24 septembre 2013

Contrer le radicalisme sur le net : Joëlle Milquet a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Joëlle Milquet veut lancer un cellule spécialisée dans le "contre-discours" sur internet. C'est l'un des volets de son plan anti-radicalisme qu'elle entend défendre lors du prochain conclave budgétaire. La ministre de l'intérieur en a fait l'annonce ce matin sur Bel RTL. L'idée n'est pas neuve, elle s'inspire des moyens mis en œuvre aux Etats Unis. Par "contre-discours" il faut entendre la promotion des valeurs démocratiques et l'affirmation que l'Islam n'est pas le Jihad. Mais alors que je l'interroge sur les moyens à mettre en œuvre , Joëlle Milquet reste timide : 4 agents qui pourraient se relayer dit-elle.... C'est évidemment trop peu. Car si on s'en réfère à l'exemple américain, ce sont bien des dizaines de "propagandistes" veillant en permanence sur les réseaux et capables d'intervenir en plusieurs langues qui ont été recrutés. Chez nous il faudrait être capable d'intervenir en Français et Néerlandais, bien sur, mais aussi en Anglais, Perse, Arabe...et être susceptible d'aller en permanence d'un forum à un autre, de débusquer de nouveaux sites, de contourner les codages mis en place, etc. Un boulot à plein temps pour au moins une vingtaine de personne. Initialement la ministre belge rêvait d'une cellule européenne. Las, il semble que seul le français Manuel Vals soit plus ou moins convaincu de l'intérêt de l'opération, Joëlle Milquet souhaiterait donc prendre les devants au niveau national. Alors pourquoi seulement 4 personnes ? La réponse est dans l'expression "neutralité budgétaire" employée par la ministre de l'intérieur quelques secondes plus tard dans l'interview. En clair la ministre n'envisage qu'une équipe de 4 personne car c'est ce que son budget lui permet, mais si lors des arbitrages budgétaires ses collègues lui concèdent une rallonge elle pourra monter en puissance. Voici donc une demande par média interposé. L'objectif de Joëlle Milquet est de lancer cette fameuse cellule au début 2014.

21 septembre 2013

Pourquoi je défends le cordon sanitaire

L'article ci dessous est une carte blanche que je publie cette semaine dans la revue de l'association des journalistes professionnels. Il a pour but d'expliquer ma position sur une question délicate : qui invite-t-on dans les émissions politiques en direct. Il me semblait nécessaire de m'expliquer avant que nous n'entrions en campagne électorale.

 Journalistes 151D’abord entendons-nous sur les termes. Le cordon sanitaire dans les médias audiovisuels vise à exclure les partis liberticides ou racistes des débats en direct, et seulement cela. Une rédaction peut toujours aller interviewer des représentants de ces partis, diffuser leurs propos dans un reportage. Le travail de montage et d’écriture permettent d’assurer un traitement journalistique : en écartant des propos haineux ou contraire à la vérité,  en les diffusant mais en démontrant leur nature, en donnant la parole à un contradicteur, etc. Toutes choses que ne permet pas l’expression en direct. Pour le dire autrement, le direct  nécessite une attention particulière car il ne permet pas aux journalistes de faire de manière satisfaisante leur métier qui consiste à trier, vérifier et relativiser l’information avant de la diffuser.

  La télévision, qu’on le veuille où non, sert d’abord à rendre populaires ceux qui s’y expriment. En télévision c’est toujours l’image qui prime. Donner la parole à un tribun, c’est d’abord diffuser son visage, permettre que ce visage soit associé à un nom et que cela s’imprime dans la mémoire du téléspectateur.   Le second impact de la télévision est son efficacité à transmettre l’émotion. La peur, la colère, la joie, la tristesse : tout cela transparait sur un visage. Permettre à un représentant d’un parti liberticide d’apparaître à l’écran, c’est lui permettre d’exprimer ses émotions,  et au téléspectateur de les partager. Cette empathie naturelle est bien plus efficace que le discours en lui-même et c’est bien pour cela que la télévision nous subjugue.   Ces deux  premières  constatations me laissent dubitatif face aux reportages et aux débats qui se donnent pour mission de démonter les thèses des partis extrémistes. Une partie du public, souvent déjà convaincue, en retiendra des arguments pour combattre ces formations. Une autre, parfois déjà sensible aux discours populistes, y verra une tentative des journalistes de lui  faire la leçon. Les formations qui jouent volontiers la carte de la victimisation ont tout à y gagner.

 Permettez-moi d’ajouter encore deux autres constats liés à 15 ans d’expérience. La télévision c’est aussi du rythme. Dans une émission à grande audience, on coupe, on oppose, on saucissonne les propos afin de maintenir  l’attention. Or, ce rythme est particulièrement approprié aux petites phrases. Le discours d’extrême droite est très facile à résumer dans des formules de ce type : « trop de chômage, c’est trop d’immigrés » ou « la délinquance est surtout le fait des populations étrangères, regardez les statistiques. » Voici deux phrases de 5  secondes. Il vous faut 2 à 3 minutes pour les démonter. C’est beaucoup trop long, et au final vous serez moins convaincant que le premier orateur.   

 Dernier constat, la facilité avec laquelle on peut mentir en télévision.  Lors du dernier  débat dominical où le président d’un parti qui se trouve à la lisière du jeu démocratique a été invité, celui-ci a été le dernier à prendre la parole. Ce fut pour dire qu’un « sondage » réalisé auprès de plusieurs  dizaines de milliers de personnes « le plus grand panel possible »  lui donnait raison. Ce n’était évidemment pas un sondage mais une consultation en ligne sans aucune valeur scientifique… mais personne ne l’a contredit, et comme l’émission touchait à sa fin, les téléspectateurs seront donc repartis avec cette contrevérité jamais démentie.

 Vous l’aurez donc compris, je plaide pour le maintien d’un cordon sanitaire pour toutes les émissions de direct. Je sais que cette prise de position sera interprétée comme une limitation du droit à l’expression. Mais donner la parole dans les conditions du direct à un parti que je juge raciste ou liberticide est contraire à ma conscience. J’estime que c’est mon devoir de journaliste de faire un tri entre ce qui relève du débat démocratique  (comment organiser notre société pour qu’elle soit meilleure) et  ce qui relève de la haine (comment exclure l’autre de notre société). Croire que la télévision en direct est un outil dont les journalistes auraient la parfaite maitrise serait manquer de lucidité… ou de modestie.

20 septembre 2013

CDH et Ecolo consultent les bruxellois... l'olivier se délocalise à Liège

Quand je vous écrivais hier que la campagne est lancée... voici la traduction en vidéo. Notez que certains intervenants du reportage (Chistos Doukeridis et Celine Fremault) enchainait ces sorties de terrain avec un déplacement à Liège...où tout le gouvernement bruxellois passera la soirée, la nuit, et la matinée de samedi...

19 septembre 2013

La campagne bruxelloise, c'est maintenant

Un embouteillage dans les agendas. Ces jours-ci c'est comme si tout la classe politique s'était soudainement donnée rendez-vous sur le palier de l'électeur Bruxellois. Jugez plutôt : mercredi Joëlle Milquet réclame un plan Marshall pour Bruxelles, jeudi Laurette Onkelinx annonce son souhait de créer une residencé universitaire à Etterbeek, et demain, vendredi, Ecolo lancera à 10h30  une opération '1,2,3, Bruxelles' (solliciter notre électeur pour qu'il fasse remonter des idées) alors que le CDH bruxellois organise sa rentrée politique à 12h30. Ajoutez un demi week-end 'au vert' du gouvernement bruxellois (Rudi Vervoort et ses ministres seront vendredi et samedi à Liège) et un congrès  local de la NVA vous avez compris qu'on s'agite à Bruxelles. C'est même un casse-tête pour les rédactions : doit-on, peut-on tout couvrir ?
Bien sur si tout ce monde là s'agite c'est pour planter le décor de la campagne électorale. Ce n'est pas la campagne en elle-même mais 9 mois avant, sans doute le bon moment pour installer une image. Faire comprendre qu'on s'intéresse aux enjeux bruxellois. Imprégner la mémoire, c'est parfois plus efficace que s'agiter dans la dernière ligne droite. 
Cette campagne bruxelloise, donc, sera passionnante. Et elle sera autonome. Observez bien les positions de départ : autant l'olivier wallon semble s'être déchiré ces derniers mois, autant la confiance semble s'être installée au sein des francophones du gouvernement bruxellois. Le leadership de Rudi Vervoort, auquel peu d'observateurs croyaient, s'affirme peu à peu. Et si le MR est en bonne forme, le FDF est loin d'être ridicule. Bref le débat bruxellois existe et est sans doute plus singulier qu'on aurait pu le penser. Il est egalement moins previsible que son grand frère wallon, paysage réputé plus stable. Pour les directions nationales de nos partis politiques c'est une nouvelle donne qui pourrait avoir de sérieuses conséquences au soir des élections. Soit parce qu'on autorisera les bruxellois à 'tirer leur plan' et constituer leur majorité de manière autonome. Soit parce qu'on liera Bruxelles, la Wallonie et le Fédéral et que seule une majorité succeptible de s'imposer aux trois niveaux pourra alors voir le jour. Dans les deux cas c'est un incitant à ne pas rater la campagne bruxelloise.

L'intégralité de l'interview (où Laurette Onkelinx évoque aussi des pôles de compétences pour Bruxelles et l'anniversaire de Beliris)

11 septembre 2013

Cerexhe et Fremault se disputent la pôle position

Il n'est peut être pas aussi visible que la compétition entre Vincent De Wolf et Didier Reynders, pourtant l'affrontement existe. Sérieux, profond, violent. Céline Fremault et Benoît Crexhe ont bien ouvert les hostilités. Entre la jeune ministre de l'emploi et son prédécesseur on ne se fait pas de cadeaux ces derniers jours. En cause la tête de liste pour l'élection régionale de 2014. Au fédéral il est acquis que la liste centriste sera emmenée par Joëlle Milquet. À la région le suspens reste entier. 
En faveur de Benoît Cerexhe, son poids électoral et son expérience. En faveur de Céline Fremault sa jeunesse et sa place de ministre en poste. 

Ces derniers jours les deux élus ont indiqués plus ou moins ouvertement leur souhait d'être tête de liste. On s'abrite derrière des formules de prudence rappelant que c'est une décision collective et qu'en cas de conflit c'est le président de parti (ici Benoît Lutgen) qui tranche. Une fois les micros coupés, on est plus bavard... Et moins consensuel. 

Dans le camp de Benoît Cerexhe on met rapidement en avant le nombre de voix récolté par les uns et les autres et on souligne que prendre un maïorat donne une assise supplémentaire et qu'il n'est pas question d'être désavoué. En 2009 Cerexhe avait obtenu 11000 voix et ses partisans gloussent en signalant que la challenger de leur champion ne dépasse pas les 1000 voix aux dernières communales (rappelons quand même qu'en 2009 la tête de liste était Joëlle Milquet et qu'elle obtenait 23 000 suffrages).  Les supporters de Céline Fremault suggèrent un changement de génération nécessaire, une image plus jeune. Les plus incisifs glissent que quitter la région pour une commune, pour finalement revenir à la région est plus PSC que CDH et que ce ne sera paz facile à expliquer aux electeurs. Bref, la guerre d'influence fait rage, mélange de confidences discrètes et de lobbying intense. 

On serait à la place du président du CDH on ne laisserait pas trop s'envenimer les choses. Deux candidats l'un contre l'autre c'est bon pour l'émulation. Quand la lutte personnelle prend trop d'ampleur cela nuit au discours collectif. 

La concurrence Fremault-Cerexhe permet de poser une question de logique partisane. Le candidat tête de liste doit il être celui qui sera appelé à devenir ministre en cas d'accord électoral ? Si la réponse est oui, Céline Fremault s'impose comme une évidence. Si l'on souffre des exceptions, Benoît Cerexhe conserve touts ses chances. C'est finalement le même différent que celui qui oppose Didier Reynders à Vincent Dewolf. Il y a celui qui mène la liste et celui qui fait le plus de voix. Deux logiques qui s'opposent. 
Aux dernières nouvelles le CDH s'apprête à présenter une partie de son programme électoral pour Bruxelles dans quelques jours. La question de la tête de liste ne sera pas tranchée d'ici là. 

08 septembre 2013

Pour l'Avenir, Tecteo est un moindre mal

C'est amusant ces éditos, ces tweets, ces interviews pugnaces et ces débats dominicaux qui s'enflamment. Sujet du jour : le rachat de l'Avenir par Tecteo nuit-il à la liberté de la presse ?

Et c'est vrai il y a des questions à  poser. D'abord parce que lier un groupe de presse à une autre activité c'est prendre le risque que l'on ne soit pas très regardant sur ce que l'autre branche du groupe traficote. Il faut donc être vigilants. Mais affirmer que c'est une première  est une vaste blague : TF1 est lié au groupe Bouygues, Canal Plus à Vivendi, le Figaro à Dassault. Récemment Lagardère (ex-Hachette) et EADS (ex-Matra) cohabitaient joyeusement. Cela peut parfois limiter le pouvoir d'investigation ou d'indignation mais cela ne fait pas des journalistes employés par ces grands groupes de simples publicistes, soyons sérieux. Dans notre modèle économique, les intérêts économiques se croisent et les influences s'entremelent. La seule garantie d'une information de qualité reste la diversité des titres et la concurrence. C'est la raison pour laquelle service public et société privé sont si complémentaires en audiovisuel.

Deuxième élément à surveiller la propension de Stéphane Moreau, directeur général de Tecteo, à vouloir contrôler la presse. L'homme n'aime pas la critique dit-on, il aime jouer du rapport de force et n'hésite pas à lancer des actions en justice contre des quotidiens qui écrivent des choses qui lui déplaisent. Cela mérite d'être dit. Soit. Mais laissons la justice et la presse faire leur boulot. Ce n'est pas parce qu'on dépose plainte qu'on obtient gain de cause. Et ce n'est pas parce qu'on est menacé qu'on arrête d'écrire, fort heureusement. Contrairement aux idées reçus les plus habiles censeurs ne sont pas les plus bruyants. 

Pour éviter de dire ou d'écrire n'importe quoi sur cette affaire il importe de savoir deux ou trois petites choses qui n'ont pas réellement été expliquées à l'opinion publique. D'abord que Corelio était vendeur. Le groupe flamand investit dans une nouvelle stratégie en Flandre avec une grande concentration en court : la constitution d'un groupe "Het Mediahuis" où il met en commun ses titres papiers avec ceux de Concentra. Parallèlement Corelio doit aussi éponger les pertes de ses activités TV avec la chaîne Vier. En clair Corelio est passé d'une logique de diversification géographique (offrir à des annonceurs des médias francophones en complémentarité avec son offre flamande, raison invoquée lors du rachat de l'Avenir) à une stratégie de diversification des médias (on investit dans la télévision et l'internet et on syndique les contenus, stratégie actuelle).

Ensuite, si il y a un vendeur il ya forcément un acheteur. En l'occurrence il y en avait deux : Tecteo et Rossel. Je ne vous fait pas l'injure d'expliquer que Rossel est un groupe majeur de la presse francophone, concentrant près de la moitié du marché avec Le Soir et les éditions Sud Presse. L'avenir représente grosso-modo 30%. Si Rossel avait remporté la vente  il représenterait aujourd'hui les 3/4 du marché... une situation que les défenseurs de la liberté de la presse ne pourraient assurément pas accepter.

Surtout, il aurait fallut beaucoup de candeur pour croire que Rossel allait conserver les titres de l'Avenir en parallèle à ceux de Sud-Presse. A terme la fusion, et donc la disparition de l'un des deux journaux était inévitable. Disons-le franchement : le rachat par Tecteo a sauvé l'Avenir d'une mort certaine. Et ça c'est une bonne nouvelle pour les journaliste de l'Avenir, pour ceux de Sud-Presse aussi, pour l'information au sens large et pour la démocratie.

Quels sont donc les enjeux du débat aujourd'hui ? Tout simplement de garantir l'indépendance d'une rédaction. Il faut faire confiance aux journaliste de l'Avenir pour qu'ils organisent les conditions de cette indépendance : une société de rédacteurs qui se prononce sur la nomination du rédacteur en chef, une politique éditoriale claire et publiquement défendue, la poursuite d'une stratégie volontariste, des investissements, la conscience de chacun... C'est ce qui fait la qualité d'un journal.

Le second enjeux se trouve au niveau des pouvoirs publics. Il est de leur responsabilité que le monde de la presse soit protégé d'un certain nombre de dérives. La presse est soumise aux lois du marché, soit, mais cela n'empêche pas de prévoir des gardes-fous (par exemple lier les aides à la presse au respect des  recommandations du CDJ, organe qui émane du secteur, ne serait pas une sotte idée). C'est le boulot de la fédération Wallonie-Bruxelles.

Enfin, l'enjeu crucial réside dans la mise en place des outils d'information du futur. Le monde du papier va progressivement s'effacer derrière les tablettes et les écrans. Nous n'imaginons pas encore très bien comment nous consommerons de l'information demain, mais nous savons déjà que le modèle est fortement amené à évoluer. C'est ce qui conduit Tecteo à vouloir se rapprocher de grands groupes de presse (L'avenir aujourd'hui, IPM demain). Nous risquons d'avoir un marché francophone divisé en deux grands groupes Rossel/Tecteo à parts égales. Ajoutez deux grands opérateurs télé (RTL/RTBF) , car les métiers sont amenés à se rapprocher, c'est une  simple question de technique, vous aboutissez à un match à 4. Est-il normal que l'un des opérateurs contrôle à la fois  le contenant et le contenu, en d'autres termes les moyens de diffusion et les programmes ?  De mon petit point de vue de journaliste, cela me semble une question bien plus centrale que tout ce que j'ai entendu depuis 48 heures.








07 septembre 2013

Le PS met du bleu dans sa communication

Vous avez peut être partagé mon étonnement en découvrant les journaux télévisés de ce samedi midi (à moins bien sur, que vous ne fassiez partie de mes honorables lecteurs qui se sont rendus sur place) : à l'université d'été du PS Elio Di Rupo, Paul Magnette, et avant eux leur homologue français Harlem Désir, se sont exprimés devant un fond bleu. Oui, vous avez bien vu, bleu. Entendons-nous : pas un bleu vif libéral, non, un bleu ciel dégradé, assez pâle, mais bleu quand même. En soi c'est une petite révolution. Ca mérite qu'on s'y arrete.

Tout les spécialistes en communication vous le diront, en Belgique, les couleurs sont extrement connotées (bien plus qu'en France, ou vous verrez facilement un socialiste porter une cravate bleue ou un libéral avec un noeud pap rouge alors qu'à Bruxelles c'est imaginable uniquement pour carnaval). Mais si on passe outre cette symbolique politique, le rouge est perçu comme une couleur aggressive, celle de la vitalité, du sang, du désir mais aussi celle de la colère. Le rouge est la couleur des révolutionnaires, c'est aussi celle de la domination, du pouvoir (regardez les tapis du Sénat) et si vous tirez vers le pourpre celle des puissants. Bref, une couleur un poil autoritaire et trop agressive. En tant de crise, et au démarrage d'une campagne, un facteur d'anxiété alors que le parti socialiste entend se poser en parti de la stabilité.

Le bleu, et surtout un bleu pâle, c'est le rappel du ciel, l'horizon qui se dégage, la légereté, la douceur. Le bleu c'est aussi la pureté de l'eau, la preuve que les choses coulent de source. Ce n'est pas de la psychologie de cuisine, et vous pouvez être surs que ce choix a été murement réfléchi. Voici donc un parti socialiste qui adopte une identité visuelle plus calme, apaisante, en un mot, moins belliqueuse parce que le parti s'adresse à tous les citoyens et plus seulement aux adeptes du drapeau rouge. Ajoutez une frise de sapin genre forêt des Ardennes et vous avez un cliché bucolique, genre nous sommes toujours en vacances.

A bien y réfléchir cette histoire de couleur n'est pas le seul clin d'oeil à l'électorat centriste ou libéral. Derrière les orateurs on pouvait lire "le progrès ça se partage", un slogan qui sonne comme une réponse à "l'avenir ça se travaille" du Mouvement Réformateur. Sans doute ses promoteurs feront-il valoir que le progrès est une valeur plus positive alors que l'avenir peut se montrer incertain. Les détracteurs feront eux remarquer que c'est le travail qui transforme l'avenir en progrès, et le débat sera sans fin.

Interessons-nous maintenant à l'organisation de ces rencontres d'été. Le PS a inscrit son évènement à deux pas de la la fête des solidarités à Namur. Un événement de caractère festif donc, avec de nombreux concerts, et initié par les mutualités socialistes. Sur un plan de l'organisation voici une formation qui profite du public que d'autres que lui ont attiré à Namur.  C'est un mélange des genres dont on pourrait discuter.  Sur le plan symbolique voici  un parti qui s'inscrit dans le coeur du débat social et qui vient sur le terrain des mutualités, des syndicats et de jeunes amateurs de musique. Pour un parti socialiste qu'on dit en froid avec les syndicats c'est un démenti parfait. Le politique n'est plus à l'écart, il est là au plus prêt des valeurs ouvrières. En même temps, il y est sans que cela soit vraiment de la politique ; c'est de la récupération et de la communication soft.  Les amateurs de musique auront d'ailleurs reconnu le chapiteau du magic mirror, une salle de concert qu'on peut voir au Brussel Summer Festival ou dans d'autres grands rassemblements musicaux. Nous ne sommes plus sur un terrain strictement politique, au propre comme au figuré. Ajoutez  le début des fêtes de Wallonie, qui se tient au même moment dans la même ville et l'opération séduction grand public est parfaite.

 Bref, derrière le relooking de sa tribune le PS veut faire passer l'idée qu'il quitte ses habits traditionnels pour se rapprocher des citoyens et s'adresser au plus grand nombre. Troquer du rouge pour du bleu en début de campagne, c'est une volonté de casser les codes et de vous dire que le PS entend désormais parler à tout le monde. Quand on a dans ses rangs le premier ministre et qu'on veut se positionner en garant de la stabilité et de la sécurité de tous, les gouts e les couleurs du du communicant rejoignent la stratégie électorale. Quitte à ce que le rouge revienne dans quelques mois.

04 septembre 2013

Maingain : l'opinion publique n'est pas juge de la vie privée

Olivier Maingain, président des FDF, était mon invité ce mercredi midi sur Télé Bruxelles. Interrogé sur l'emballement médiatique autour de Delphine Boël et sa reconnaissance en paternité il a semblé s'étonner de la tournure que prennent les débats. "Il faut raison garder" a-t-il plaidé, "l'opinion publique n'est pas juge de la vie privée de qui que ce soit.Comment peut-on s'approprier le vecu de personne qui ont vécu un moment particulier ?" et le président de parti de confesser une certaine gêne. Dans cette interview Olivier Maingain confirme également que les francophones devraient se présenter en ordre dispersé dans l'arrondissement de Louvain en mai prochain... au risque de perdre un député. Il faudrait en effet monter une liste "union des francophones" pour décrocher un mandat dans cette circonscription qui comprend désormais les cantons de Hal et de Vilvorde.

Labille ne fait pas le moine

Le look est impeccable. Costume bien coupé, cravate aux tonalités rouges, chaussures de luxe étonnement pointues et coupe de cheveu savamment négligée. Le sérieux d'un banquier mais avec la petite touche rebelle qui vous indique le supplément d'âme : je pourrais faire de l'argent mais j'ai choisi une autre voie. Depuis sa nomination Jean-Pascal Labille a la démarche ministérielle. Il y a un air de Jean-Claude Marcourt chez cet homme là : même attachement à la province de Liège, même profil de technicien, même mâle assurance de  ceux qui pensent comprendre les grands enjeux, même maîtrise des instruments de la puissance industrielle, sociale et politique, même proximité avec le monde syndical. Même difficulté aussi : celle d'un profil plus technique que romantique et au jeu des compétences ministérielles la mauvaise carte qui atterrit dans vos mains : ArcelorMittal pour l'un, la SNCB et ses top managers pour l'autre. Habilement conseillé, prudent, et surtout plus politique qu'on ne le pensait, le ministre est en train d'assoir son image.
En se lançant en politique Jean-Pascal Labille l'assurait : c'était un intérim. Le technicien, flatté qu'on fasse appel à lui était prêt à rendre service mais n'envisageait pas de quitter le monde des mutualités. C'était du temporaire. Un renvoi d'ascenseur. Un prêt. Pour lui une expérience ou une ligne de plus sur son CV. 
À 9 mois des élections la tonalité a changée : 'je suis au service de mon parti' indique l'homme quand on l'interroge sur son programme 2014. Ajoutez un hommage au premier ministre et une petite phrase  'je suis prêt à repartir pour un gouvernement Di Rupo II' qui voudrait n'appuyer que la coalition, sans qu'on puisse exclure qu'elle ne parle aussi de son auteur, et vous comprenez que Jean-Pascal Labille s'incruste en politique. Et qu'à Liège ceux qui le voyaient comme un sauveur ou un allié devinent désormais un concurrent. L'ancien patron des mutualités sera candidat. C'est une évidence. 

03 septembre 2013

Labille reconnait un "couac" dans les nominations à la SNCB et se dit prêt pour un gouvernement Di Rupo II

Invité de l’interview de Télé Bruxelles Jean-Pascal Labille s’est défendu d’avoir eu à procéder à des nominations politiques pour désigner les top manager des entreprises publiques décidés ce weekend : « à partir du moment où ces entreprises sont détenues par l’Etat il ne me semble pas illogique que l’Etat s’en occupe, mais on a aussi voulu avoir les bonnes personnes aux bonnes places avec une procédure qui a objectivé les compétences ». Le ministre des entreprises publiques a toutefois reconnu une difficulté sur la désignation de l’administrateur de la SNCB : « il y a eu un petit couac avec une candidate retenue pour la SNCB qui n’avait pas les diplômes requis, on a donc retiré cette personne et on a ajouté un candidat ». Jean-Pascal Labille s’est par ailleurs dit « prêt à repartir » pour un gouvernement Di Rupo II et s’est dit à la disposition de son parti pour les élections de 2014.

02 septembre 2013

Demotte : la Wallonie compensera le déficit de la fédération


Rudy Demotte, ministre-président de la fédération Wallonie-Bruxelles a estimé ce lundi sur Télé Bruxelles qu’il était exclu de toucher au budget de l’enseignement « quand on inscrit dans le plan Marshall 2022 l’enseignement comme priorité ce n’est pas pour déconstruire l’enseignement, la fédération a des entités qui vivent à ses coté (…) quand on voit qu’il y a des difficultés, la région wallonne peut intervenir. On va regarder comment se rendre utile ». Le ministre-président confirme ainsi que le budget ne sera pas à l’équilibre en fédération Wallonie-Bruxelles.


L’intégralité de l’interview est disponible ici :

01 septembre 2013

Les stratégies de rentrée


Nous y sommes. Demain, ou les jours suivants, les écoliers reporteront le cartable. Les politiques eux sont déjà de retour sur les plateaux TV et dans les pages "interviews" des quotidiens. Cela mérite qu'on s'y arrête. Le contenu de ces déclarations le moment ou elles prononcées, et même le média choisi, cela nous dit beaucoup sur les objectifs de communication que s'assigne chaque formation politique. Derrière ces communications on devine un peu de l'image que se font les partis des rapports de force, des attentes du public, de leur propre position sur l'échiquier et donc un peu des stratégies de campagne à venir. Distinguons 4 grandes tendances :


 1)Les offensifs 
Ce sont ceux qui sont les premiers à prendre la parole. Faire votre rentrée avant les autres, cela permet d'essayer de donner le "la" et d'obliger les autres à se positionner autour de vos propositions. C'est la stratégie suivie par le Mouvement Réformateur où Charles Michel puis Didier Reynders ont accordé leur interview de rentrée dès la semaine dernière. Les mauvaises langues glisseront que le MR pouvait ainsi mettre un terme aux polémiques du mois d'août (Gaëlle Smet, Jacqueline Galant) pour réorienter le débat. Cela indique une volonté de corriger son image, de se repositionner, ou tout simplement de commencer à peser sur la campagne. Limite de la formule : sortir le premier c'est parfois sortir trop tôt, quand tous les électeurs ne sont pas rentrés.

 2) Les Sphinx 
Ce sont ceux qui décident d'en dire le moins possible. Quand les choses marchent, que vous êtes persuadé que votre image est bonne, il faut surtout ne pas vous abîmer dans des déclarations qui constituent toujours une prise de risque. Le sphinx ne fait pas d'interview de rentrée. Au pire il le fait en dernier, après tout le monde, histoire de marquer son autorité. Cette technique est depuis longtemps celle d'Elio Di Rupo : pour la rentrée de septembre, comme pour les voeux de janvier, l'homme au noeud papillon intervenait après tous ses camarades. Cette année, outre le premier ministre, Paul Magnette et Bart De Wever appliquent la communication du sphinx : aucune interview à ce stade. Le patron de la NVA a même indiqué à une consoeur qu'elle ne pouvait pas attendre une interview avant 2014. Limite de la posture : se taire vous donne un caractère hautain, méprisant, et en cas de problèmes vous paraitrez éloigné des difficultés.

 3) Les opposants et leurs cibles
 Il en va des interviews de rentrée comme des autres déclarations : les nuances s'évaporent, les petites phrases perdurent, surtout quand elles ciblent vos adversaires. L'interview sert alors à cliver le débat, à souligner les lignes de fractures. C'est ce à quoi s'emploient Emily Hoyos et Ecolo : se poser fortement en opposition avec le Mouvement Réformateur. Ce n'est pas qu'un différent idéologique. Certes Ecolo et le MR n'ont sans doute pas la même vision économique et budgétaire. Mais en tentant d'isoler le MR (en mettant le financement de l'école au centre de l'attaque) Ecolo renforce l'Olivier... Limite de la tactique : cela ressemble à un sauvetage de dernière minute, et on attend que les autres partis se positionnent. Si Benoit Lutgen a raillé la réforme fiscale Columbo du MR on ne sent pas la même ferveur.

 4) Les francs-tireurs
 Dans tout parti, la communication est un dosage subtil entre les consignes présidentielles et les aspirations personnelles. Les interviews de rentrée c'est aussi l'occasion de jouer une carte personnelle, pour mettre en avant un accent particulier et espérer soigner sa notoriété. Les médias adorent les petites musiques originales, qui passent parfois pour des couacs dans la belle mélodie partisane. Siegfried Bracke vient de nous en livrer un bel exemple en plaidant pour un gouvernement fédéral plus soucieux d'économie que de réformes institutionnelles. Coté francophone Alain Destexhe essaye de jouer une partition ouvertement sécuritaire, flirtant avec des thèmes utilisés par des partis peu démocrates. Avec une différence : la ligne Siegfried a été immédiatement corrigée par Bart De Wever. Alain Destexhe, comme le souligne Marcel Sel, bénéficie du silence de son président.