29 juin 2014

Pourquoi Charles Michel doit tenter la coalition téméraire





C'est une question de vocabulaire.
En imposant le terme de "coalition kamikaze" pour désigner une alliance NVA-CD&V-OpenVLD-MR la presse n'aide pas les libéraux. Lancée par les journaux flamands, avant d'être reprise, comme souvent, par les commentateurs francophones, l'expression décrit bien ce qui ressemble à un raid aérien, aux pulsions guerrières plus ou moins assumées (éliminer les socialistes) mais suffisamment risquée pour que ses auteurs craignent d'y laisser leur peau. 

Sur le plateau de Télé Bruxelles le député bruxellois Boris Dillies, l'un des rares libéraux à s'exprimer ce weekend (l'émission a été enregistrée vendredi juste avant que son état major ne donne une consigne de silence aux troupes parlementaires, elle est au bas de ce billet) a d'ailleurs bien pris soin de récuser l'appellation. "Ne parlons pas de coalition kamikaze mais de coalition de l'audace" a-t-il plaidé dès que le sujet fut abordé. Audace, voici un terme diablement plus positif, qui selon ses partisans définirait bien ce qu'une coalition très ancrée à droite pourrait proposer : une rupture avec les gouvernements plus ou moins centristes des dernières décennies, un attelage inhabituel certes, mais qui aurait le mérite de la cohérence idéologique et qui pourrait se lancer dans des réformes spectaculaires et politiquement marquées. Sortir du compromis à la belge qui consiste à donner autant de la main droite que de la main gauche, assumer un cap, et un seul (plus libéral en l'occurrence) : voici ce que les audacieux kamikazes envisagent. A ce stade la question du vocabulaire n'est pas tranchée et les plus lettrés de mes lecteurs pourraient suggérer "coalition téméraire", qui est à mi-chemin entre l'audacieuse et la kamikaze. 

En devenant  informateur Charles Michel doit donc d'abord vérifier si cette coalition a une chance de décoller (on s'occupera du crash sur la cible ennemie plus tard). Non pas parce qu'il serait lui-même kamikaze, mais parce qu'il me semble que cette option est celle qui doit être étudiée à ce moment précis, et cela pour plusieurs raisons. 

D'abord c'est une question de séquence. La coalition de centre droit étant (au moins temporairement) exclue par le refus de Benoit Lutgen de s'assoir à la même table gouvernementale que Bart De Wever il faut trouver d'autres combinaisons. Je ne vous dresse pas toute la liste (tripartite classique ou papillon,  4G, miroir), il y a plusieurs possibilités. La logique politique du moment veut que l'on teste d'abord ce qui est possible avec la NVA, vainqueur des élections en Flandre. Et la logique politique du moment veut aussi qu'on laisse de côté quelques temps le CDH. Enfin, les propos particulièrement agressifs de Charles Michel vis à vis des socialistes  ne lui permettent pas d'être très crédible dans une autre recherche. Certes l'informateur aura à cœur de donner une image d'impartialité dans sa démarche (et renouer ainsi avec la tradition d'information qui explore plusieurs piste, la mission de conclure étant confié au seul formateur). Prendre de la hauteur, calmer le jeu, occuper les caméras quitte à cacher ce qui se passe dans l'arrière cuisine  : on n'est pas informateur, et fils d'informateur, pour rien. La première mission de Charles Michel est donc bien celle-ci.  Il faut vérifier cette possibilité avant de passer éventuellement à autre chose. Dans le cas contraire l'option kamikaze deviendra la coalition fantasme et elle risque de tout bloquer. La recherche d'une majorité fédérale  obéit à cette règle : ouvrir une porte puis la refermer et passer à la suivante. Quand on ouvre toutes les portes en même temps on ne pend guère de risque mais on n'avance pas. Vérifions la temeraire, donc, ça me semble pure logique. 

Ensuite c'est une question de personne. Il ne vous a pas échappé que Charles Michel a le coeur qui penche à droite. Plus nettement à droite que celui de son père qui avait tendu la main vers l'électorat de gauche en inventant le "libéralisme social" et en investissant les débats internationaux avec des prises de position progressistes qui pouvaient froisser les Etats-Unis (de quoi séduire les pulsions anti-amércanistes ou pro-pays émergents qui sommeillent chez de nombreux électeurs classés à gauche). En s'opposant jusqu'à l' excès au PS d'Elio Di Rupo et de Paul Magnette (dire du bien d'Elio Di Rupo est impossible, confiait -il à Pascal Vrebos il y a 2 semaines),  en se fâchant tout bleu sur le dos de Benoit Lutgen, en se profilant comme plus proche de l'Open VLD et du CD&V que de n'importe quel autre formation francophone, le président du MR s'est lui même placé (ses détracteurs diront "enfermé") dans une position ou la coalition de droite semble la seule en cohérence avec son discours. Charles Michel est donc au pied du mur : il a la possibilité de réaliser son programme avec une coalition en phase, il se doit donc d'essayer de  concrétiser dans les faits ses offensives verbales. On ne peut pas taper avec autant de force sur les socialistes pour aller les rechercher la semaine suivante. 

Question de personne encore : il est le mieux placé pour tenter de débloquer ce qui hypothèque la mise en place de la coalition kamikaze. Aujourd'hui l'Open VLD conditionne sa participation fédérale à une présence en Flandre. La NVA et le CD&V n'y sont pas favorable. Pour que la kamikaze décolle il faut donc un Yalta flamand. Pour permettre aux partis néerlandophones  de débloquer ce point il est logique de faire appel au seul francophone qui a intérêt à mettre cette alliance en route. Mettre les trois formations flamandes sur le même longueur d'onde sera probablement le plus délicat, Charles Michel devra user de diplomatie et je n'écris pas qu'il va nécessairement réussir. 

Enfin, cette coalition de droite est aussi une question de dynamique de parti. Ayant échoué dans leur conquête de Bruxelles (qui leur aurait permis de faire levier sur la Wallonie) les libéraux avaient besoin d'une stratégie de rechange. Voir Charles Michel avoir la main au fédéral est inespéré pour un parti qui accumulait déception et rancoeur ces dernières semaines. Si le président lui-même n'était semble-t-il pas convaincu de la pertinence de l'option "seul au fédéral", beaucoup de ses barons le poussent ouvertement dans cette direction. Au MR on piaffe d'impatience de se venger du PS et du CDH. Déjà il se dit qu'une majorité de "téméraires" existe au sein du bureau du MR. Les barons se frottent les mains en pensant aux 7 ministères à se partager. Un étage plus bas, les militants rêvent de réforme fiscale et de politique migratoire durcie. Une élection se gagne traditionnellement au centre. Pour la première fois depuis longtemps l'après élection pourrait se gagner par un coup de barre à droite.  

Ajoutons la situation personnelle de Charles Michel. Renvoyé dans l'opposition à tous les niveaux de pouvoir pour 5 ans le MR entrerait en ébullition. Vous avez sans doute comme moi noté le silence assourdissant de Didier Reynders depuis le 25 mai. Que le ministre des affaires étrangères boude à ce point les médias est inhabituel. Certes, en ne prenant pas la première place à Bruxelles, Didier Reynders est co-responsable de la situation du parti et ne parait pas en mesure de revendiquer la présidence à ce stade. Mais il ne faut pas sous-estimer le choc que pourrait représenter une coalition sans libéraux au sein du MR. Puisqu'il a la main Charles Michel doit donc tout faire pour l'éviter. Le président de parti est comme un cycliste  : personne dans son entourage ne lui reprochera que l'ascension soit difficile, tant qu'on a une chance d'arriver en haut du col. S'il met pied à terre, la situation sera très différente.


24 juin 2014

Le CDH et la logique des blocs

Le CDH a donc dit non à la NVA. En soi ce n'est pas une surprise. Sur le fond, Benoit Lutgen et ses lieutenants (à commencer par Françis -l'antiraciste- Delpérée) avaient annoncé la couleur dans la dernière ligne droite de la campagne : rien de commun entre les démocrates humanistes francophones et les nationalistes flamands. L'alliance était impensable avant le 25 mai, elle l'est toujours après. C'est logique et honorable.  Sur la forme en revanche, la séquence d'aujourd'hui peut laisser perplexe. D'abord parce que la note produite par Bart De Wever est suffisamment tiède et générale pour qu'elle puisse sembler, à première vue, une base de discussion acceptable y compris pour un parti francophone. Ensuite parce que Benoit Lutgen motive son refus au moins autant parce qui se trouve dans la note que par ce qui ne s'y trouve pas. On n'est donc pas loin du procès d'intention (on notera toutefois qu'au moment ou je mets ce billet en ligne le CDH publie un communiqué un peu plus consistant qui détaille ses inquiétudes sur des initiatives communautaires possibles à la majorité simple, l'absence d'engagement sur le maintien de la pension à 65 ans,  la perspective d'une modération salariale ou un financement insuffisant des soins de santé par exemple, mais il faut rappeler que ce n'était qu'une feuille de route pas un projet abouti). Et surtout on ne comprend pas pourquoi le CDH demandait une note si c'est pour donner l'impression que ce refus était acquis d'avance.

Dans la réalité les choses sont plus complexes. Benoit Lutgen avait sans doute la conviction dès sa première rencontre avec l'informateur que le scénario proposé n'etait pas possible pour lui. D'abord parce qu'il ne partage pas le programme de la  NVA. Ensuite parce qu'il se sentait mal à l'aise dans un projet de coalition ou son parti aurait incarné une aile gauche numériquement faible et peu susceptible d'imposer ses vues face à trois partis nettement  plus à droite. Parce qu'avec De Wever le courant ne passe pas. Parce qu'avec les libéraux le courant ne passe pas mieux (et même moins bien). Parce que le CD&V est un faux parti frère (et donc pas loin du parti faux-frère). Et parce qu'être le seul à siéger  à tous les niveaux de pouvoirs, quand le régional tire à gauche et le fédéral à droite, c'est prendre le risque d'etre écartelé  et de prendre des coups de tous les côtés. La position de refus  du nouveau Monsieur Non ne faisait pourtant pas l'unanimité au sein de ses propres troupes. Pour certains membres du bureau humaniste, la coalition federale de "droite" était une occasion unique de montrer son indépendance vis à vis du PS et de priver le MR de l'argument du "scotchage". C'était démontrer que le CDH était au centre politiquement mais aussi stratégiquement parlant. La discussion interne fut donc une véritable discussion. A tel point qu'en cours de journée la rumeur annonçait que les humanistes n'allaient peut être pas fermer la porte, mais poser des questions à l'informateur. Le souci de cohérence l'a finalement emporté sur la tentation du bon coup. 

Ce soir, en fonction de vos convictions vous partagez probablement l'une des lectures suivantes. 

Soit vous trouvez que le CDH a été logique, qu'il respecte les positions prises dans la campagne, et qu'on ne peut s'allier à la NVA qu'en tout dernier recours. Monter dans une telle coalition présentait des risques sociaux pour les francophones et le CDH ne pouvait pas faire partie de ceux qui par petites touches risquaient de rogner sur la protection sociale ou dégraisser l'Etat Fédéral. Dans ce cas vous noterez que c'est finalement le MR qui fait la mauvaise opération de la journée en étant le seul parti francophone à avoir montrer qu'il était prêt à entrer dans ce genre de discussion avec un Bart De Wever qui reste un grand méchant loup temporairement déguisé en Mère Grand. 

Soit vous trouvez que le CDH manque de courage. Que la note de Bart De Wever était une base de discussion acceptable, qui préservait l'essentiel pour les francophones et surtout que c'était une occasion unique de pratiquer une forme d'alternance au niveau fédéral. Vous regretterez alors sûrement que le CDH finisse dans les faits par toujours s'aligner sur le PS et que ces deux partis soient indissociables depuis 10 ans à tel point que le vote CDH soient en passe de devenir inutile, que Benoit Lutgen est un Pinocchio ardennais dans les mains d'un Gepetto montois et que ses électeurs doivent constater que leurs suffrages théoriquement au centre servent à maintenir des coalitions à gauche. 

Je vous propose un autre niveau de  lecture. Celui de la logique des blocs. En optant pour le refus et en le motivant par les arguments employés ce mardi soir Benoit Lutgen défend son projet politique bien sur, mais renforce malgré tout la division de la Belgique en deux blocs que tout opose : la langue, mais aussi la sensibilité politique , le rapport à la sécurité sociale, le rythme de réforme, etc. 
Schématiquement le bloc flamand s'organise autour de la NVA, le CD&V et dans une moindre mesure l'open VLD en sont des satellites proches tandis que Groen et le SPA évoluent à la marge du système, dans un rôle d'opposants peu audibles. Le groupe francophone s'organise autour du PS avec le CDH et potentiellement le FDF et Ecolo en satellites proches tandis que le MR est désormais à la marge du bloc francophone.   

De bloc à blocage il n'y a qu'un pas. On ne voit pas aujourd'hui qui peut lancer des ponts d'un bloc à l'autre. Imaginer que le système flamand ne tourne plus autour de la NVA et que ce bloc néerlandophone va se fissurer pour laisser le parti de Bart De Wever sur le bord de la route federale est un pari hasardeux. Croire que le bloc francophone peut s'organiser sans le PS vient d'etre démenti par les faits. Nous revenons donc à la situation de 2010 quand PS et NVA se faisaient face. Mais on notera que ces deux acteurs majeurs ont bâti leur (relatif) succès électoral  sur la dénonciation de l'autre. Il faudra beaucoup de doigté et sans doute pas mal de temps pour contourner la logique des blocs. Vous pouvez lancer le compteur.

19 juin 2014

La négociation en trois vidéos

Parfois quelques secondes de télévision sont plus explicites qu'un long article. Voici trois vidéos pour comprendre le paysage dans lequel nous nous trouvons pour quelques jours encore (et vous noterez au passage qu'il se dit beaucoup des choses sur Télé Bruxelles).

1) Le CDH se méfie de Bart De Wever
Les démocrates humanistes n'ont pas encore dit non à l'informateur. Mais ils demandent des garanties. Dans l'idéal le CDH voudrait que l'informateur lui remettre un document détaillé de ses intentions pour la législature. Présentez-nous directement l'addition qu'on voit si cela est supportable, avant de négocier le menu en quelques sortes. C'est Benoit Cerexhe qui l'explique ici (et on notera qu'après cette interview les CDH ont reçu pour consigne d'éviter les studios de radio et de télévision).



2) Le MR a envie d'y aller
Encore sous le coup de la colère, les libéraux rêvent de prendre leur revanche sur les régions et d'envoyer le PS dans l'opposition au fédéral. Avec le CDH si possible, avec les libéraux  flamands si le CDH fait défaut. Ce que ne dit pas Armand De Decker dans l'interview c'est que la méfiance vis à vis du CDH est telle que la seconde option (celle ou le MR serait le seul parti francophone de la coalition) a la préférence de certains libéraux. D'autres ont bien perçu qu'elle pouvait être dangereuse (on la surnomme option kamikaze) : les libéraux restent partagés sur la question.



3)Le PS se dit "disponible"
Ce jeudi soir Elio Di Rupo était à Jeudi en Prime sur la RTBF. On retiendra deux messages. D'abord que le MR avait annoncé qu'il ne gouvernerait pas avec la NVA, s'il monte dans une colation avec l'informateur il aura donc trompé ses électeurs. Ensuite le PS est "prêt à prendre ses responsabilités". Entendez qu'en cas d'échec de Bart De Wever les socialistes seront ravis d'entrer en négocitions. Un message qu'André Flahaut délivrait lundi en éclaireur.

16 juin 2014

Le diable est dans les questions

Ce mardi deux événements se partageront la une de l'actualité. Il y aura d'abord le rendez-vous de l'informateur avec le roi Philippe. Il y aura ensuite l'entrée en lice des diables rouges à la coupe du monde de football. Ce n'est manquer de respect ni à l'empereur de Flandre ni au roi des Belges que de prévoir un intérêt plus grand pour les 11 diables qui défendront les couleurs nationales sur une pelouse brésilienne que pour nos deux hommes et leur conversation dans un salon du palais de Bruxelles. L'enthousiasme pour les diables sera d'autant plus partagé qu'un match de football est un spectacle par nature public et compréhensible, alors que le conciliabule qui se tient loin des yeux et des oreilles du public est au contraire subtilement opaque.

En attendant le coup d'envoi des deux rencontres, essayons quand même de lever un coin du voile sur celle de Bruxelles (ce n'est pas que je me désintéresse de l'autre match mais je crains que vous ne me lisiez pas pour mes talents de commentateur sportif, ça me chagrine, mais j'en prends acte). 
Il y a une semaine Philippe avait donné une semaine à Bart pour lui remettre un rapport. Sept jours plus tard, le constat est là : nous n'avons, en apparence, pas vraiment progressés.  Mais comme la bouteille federale est à moitié vide seulement, nous pouvons aussi prendre le problème dans l'autre sens et constater que Bart De Wever continue de parler avec plusieurs partenaires potentiels, le processus est en cours, ce n'est pas encore l'echec. Depuis ce weekend le milieu politico-médiatique s'attend d'ailleurs à une reconduction de l'informateur, ou, formule plus subtile, à la mise entre parenthèse de sa mission le temps d'un approfondissement (l'infomateur serait "suspendu" ou "gelé" mais pas démis de sa mission, qui pourrait donc reprendre ultérieurement. 

Le président de la NVA travaille à une coalition des droites. Trois partenaires seraient d'accord : la NVA, le CD&V et le MR. Chez les libéraux francophones ce n'est pas l'unanimité, mais plusieurs ténors confirment que l'idee d'une participation a de plus en plus de partisans. Le hic c'est qu'il faut un 4ieme participant pour former une majorité. L'informateur doit donc convaincre soit le CDH soit l'open VLD de rejoindre son "noyau dur". Lequel ? C'est toute la question, et elle est diabolique. 
Bien sur personne ne vous confirmera ce dilemme officiellement, la version des portes-paroles se résumant, tous partis confondus à un " no comment" tant que le rapport n'est  pas sorti ou la mission pas prolongée. "On ne va pas commenter des hypothèses" réagissait un conseiller aujourd'hui. Et tous les états major ont fait passer le message : pas de déclarations à la presse sur ces histoires de coalition. 

Examinons les deux options. La première, convaincre le CDH d'en être. Pas facile. Quand on a accusé la NVA de racisme en fin de campagne, il est délicat de vous assoir à la table du diable (et je ne parle pas de foot mais bien de politique ici). Surtout la NVA ne lui inspire guère confiance. Invité sur Télé Bruxelles Benoit Cerexhe a ainsi explicitement demandé que l'informateur communique une note, une sorte de menu de la négociation avant d'aller plus loin. Difficile à envisager pour un processus aussi peu avancé. Benoit Lutgen, on le sent bien, négocie du bout des lèvres, mais la conviction n'y est pas. Les libéraux francophones expliquent à qui veut l'entendre leur désamour du CDH (ils soupçonnent les humanistes de préparer une orange bleu bis : des négociations qui s'enlisent puis capotent, ouvrant du coup la voie à une tripartite classique, ce qui aurait pour effet de rappeler les socialistes) : ce scénario est possible mais poussif. 

Seconde option : rappeler l'open VLD. Là il y a une double difficulté. D'abord convaincre les libéraux flamands, alors qu'ils annoncent aujourd'hui refuser de monter au fédéral s'ils ne sont pas à la région. Ensuite ce scénario implique que le MR se retrouve seul francophone a la table des négociations. Pas facile à assumer. A bonne source on me dit que les libéraux sont plutôt enclins à y aller, mais que cette position ne fait pas l'unanimité chez eux. On peut le comprendre : être seul parti francophone dans un cabinet fédéral très flamand risque d'être difficile à porter. Mais surtout ce sont la NVA et le CD&V qu'il faut convaincre. Rappeler les libéraux flamands alors qu'on vient de les écarter à la région flamande, c'est prendre le risque de déstabiliser la région. Quand on est capable de gouverner à deux, il n'y a pas de raison d'appeler un troisième larron. 

De l'informateur on attend donc qu'il écarte ou confirme ces options. Tant que ces questions sont ouvertes la négociation ne débutera pas vraiment. Bart De Wever a sans doute besoin d'une semaine de plus pour y voir clair et essayer de lancer un gouvernement sans socialistes. Il ne doit pas trop traîner. Déjà aujourd'hui André Flahaut rappelait que le PS n'avait pas vocation à être écarté du fédéral. Une offre de service qui  ressemble moins à une main tendue qu'à un tacle en bonne et due forme. Le président actuel de la chambre vient de dévoiler la stratégie socialiste : parier sur un pourrissement de la situation, un échec  de la NVA, qui pourrait bien remette le PS de nouveau au centre du terrain. Ce mardi les diables (ceux du Brésil) seront les alliés de Bart De Wever. En focalisant l'attention du grand public ils laissent à l'informateur un espace de travail dans la discrétion. Après-demain le temps qui coule plaidera pour d'autres formules. 

11 juin 2014

Le recomptage n'est pas une honte (mais ne doit pas être un jeu)

Il est  tard. À l'heure où j'écris ces lignes les députés wallons n'ont toujours prêté serment et ne semblent pas près de le faire. Le blocage est total. 
Petit résumé pour les distraits. Comme à chaque élection, une série de réclamations diverses et variées ont été déposées. Rien de plus normal en démocratie. 
En Belgique chaque parlement nouvellement élu désigne en son sein, par tirage au sort, une commission de validation qui examine ces plaintes, y apporte les suites adéquates et présente un rapport à l'assemblée plénière. 
Dans le cas wallon qui nous occupe,  la plainte la plus sensible émane du PTB, et vise des voix écartées dans les arrondissements de Charelroi pour cause de bulletins identifiables (un graffiti, quelques mots manuscrits, c'est interdit et cela rend le vote nul). Pour le parti d'extrême gauche certains bullerins auraient été écartés indûment ce qui a eu pour effet de priver le PTB d'un élu supplémentaire, ou même de deux par le biais de l'apparentement. Cela s'est joué à 14 voix, autant dire un cheveu. 
La plainte est donc arrivée jusqu'à notre commission de validation. De sept membres on est alors descendu à 4, les élus du hainaut s'étant "déportés" pour ne pas être juges et parties. Depuis c'est le blocage. Deux commissaires, membres du MR, exigent un recomptage. Les deux autres, un CDH et un membre du Parti Populaire, estiment que la réclamation du PTB est infondée et donc le recomptage inutile. La commission siégeant à huis clos on ne connaît pas le fond du dossier et ce qui pourrait rationnellement établir  qu'un recomptage est indiqué ou pas, et que oui ou non, il y a des raisons de suspecter que  le PTB s'est vu privé d' un ou deux élus par un dépouillement injustement "orienté". 
Faute de détails, nous en sommes réduits à des suppositions et des interprétations. Avec un constat : 48 heures de blocage pour résoudre cette question  , c'est beaucoup trop. Oui, il faut oser l'écrire, le parlement wallon est pris en otage, et c'est bien le crédit de cette assemblée,  de notre système électoral et des élus dans leur ensemble qui est mis à mal. 

Il est facile de dénoncer le jusqu'au boutisme des libéraux dans ce dossier. C'est une évidence : que la réclamation vise un siège socialiste (arrondissement de Charleroi) et un siège CDH (arrondissement de Soignies, qui pourrait basculer aussi en raison de l'apparentement) n'est pas anodin. La suspicion d'un acharnement politique de la part des deux commissaires tirés  au sort est d'autant plus grande que les libéraux n'ont pas fait dans la dentelle des déclarations subtiles et soigneusement dosées ces derniers jours. Quand on n'a que le mot "déni de démocratie" à la bouche pour décrire ce qui n'est qu'un simple accord de négociation dont vous êtes exclu cela finit par vous monter à la tête. Les élus et les militants  réformateurs sont dans l'auto-persuasion d'un hold up électoral parce qu'ils ne veulent pas reconnaître une défaite. La palme des déclarations outrancières revenant à un Serge Kubla envisageant  d'aller jeter des pavés dans la vitrine des partis concurrents : un discours indigne du ministre qu'il a été. Qu' un parti politique aussi important que le Mouvement Réformateur se laisse aller à des propos aussi populistes que ceux des derniers jours est particulièrement malsain. J'ose même écrire que c'est grave et qu'il est temps de se reprendre. 

Le problème c'est qu'en face ce n'est pas  mieux. Les partis de la majorité pressentie (PS et CDH)  savent bien qu'il existe une méfiance du corps électoral à l'égard du scrutin du 25 mai, et par extension, cette défiance touche tout le monde politique wallon. Le bug informatique y est pour beaucoup, l'antipolitisme n'aide pas. Mais nous ne sommes pas ici face à un bug. Nous sommes face à des votes exprimés sur  des bulletins papier et sur lesquels il y a une contestation. C'est donc facile de les recompter. Si le dépouillement a été sincère cela ne changera rien au résultat de l'élection. Perdre un ou deux jours de plus ne change rien à l'affaire puisqu'aujourd'hui le mal est fait. Le seul moyen de sortir de cette crise par le haut est  donc  bien de procéder à une vérification. Pour prouver que le scrutin s'est déroulé dans des conditions loyales.  Ne pas le faire c'est laisser croître l'idée qu'il y a eu trucage. Deja de nombreux témoignages laissent penser que tout ne se passe pas normalement dans certains bureaux de dépouillement.  Cette idée est insupportable dans une démocratie saine. PS et CDH seraient donc bien inspirés de baisser la garde et d'accepter qu'on fasse toute la transparence. Il vaut mieux perdre un siège que de laisser la suspicion s'installer et gangrener toute une législature. Bien sûr,  s'il y a eu une manipulation l'infamie s'abattra sur ses auteurs. Ce ne sera que justice. Assez tergiversé. 

Aux 4 parlementaires wallons réunis en commission on a donc envie de lancer cet appel solennel : ni instrumentalisation partisane, ni obstruction à la vérité. Il est de temps de sortir du huis clos et d'étayer publiquement vos positions. 
L'intérêt de la démocratie est de ne pas jeter l'opprobre sur un scrutin sans raison. L'intérêt de la démocratie commande aussi  d'autoriser la vérification du dépouillement en cas de doute. L' intérêt de la démocratie  est supérieur à l'intérêt de vos partis respectifs. 

09 juin 2014

Le PTB revendique un siège de plus au parlement de la fédérationWallonie-Bruxelles

Ce mardi 10 juin sera une journée historique. C'est en effet l'installation des parlements Wallon et Bruxellois, et pour la première fois des élus PTB prêteront serment devant une assemblée parlementaire ( pour le Parti Populaire  ce n'est  pas réellement une première puisque c'est bien sous sa bannière que Laurent Louis avait été élu en 2010).  Pour ces élus et leur formation ce sera une journée symbolique et pleine de promesses ( l'entrée dans un parlement c'est l'occasion de peser sur le travail législatif, d'avoir accès à de nombreux documents, de voter des budgets, d'interroger et contrôler l'exécutif  mais aussi une visibilité supplémentaire, des collaborateurs rémunérés  et une dotation, ce qui n'est pas anodin quand on pense à l'élection suivante ou à la réalisation d'action militante de terrain).
À ceux qui en douteraient, les élus PTB annonceront clairement la couleur, et dès le premier jour. Ils seront présents et combattifs, pas du genre à jouer l'absentéisme ou le presse-bouton.  À Bruxelles, où ils seront quatre à rejoindre l'assemblée, les députés PTB ont même prévu de prêter serment à l'extérieur du parlement, devant leurs militants et supporters, avant de rejoindre l'hémicycle. Une manière (un rien populiste)  pour eux de dire que la légitimité est autant dans les luttes sociales que dans le travail parlementaire. 
Et pour convaincre ceux qui douteraient encore de leur pugnacité, voici que ces élus contestent la composition de la délégation bruxelloise au parlement de la communauté française. 19 élus du parlement bruxellois sont appelés à rejoindre les députés wallons au sein de cette assemblée rebaptisée désormais "parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles". Sur base des résultats électoraux  le greffe du parlement bruxellois a arrêté la répartition suivante : 6 PS, 5 MR, 3 FDF, 3 CDH et 2 écolos. 
Halte-là ! Pas d'élus PTB ? Non, d'apres le greffe il n'y aurait pas droit, simple question arithmétique (on répartit ces 19 sièges au prorata des voix obtenues par chaque liste, le PTB avec 15 777 électeurs est en dessous de la barre qui lui donnerait droit à un élu). Le parti du travail de Belgique a une autre lecture. Selon lui c'est le groupement de liste ( formé avec R, BUB, le parti pirate et Pro Bruxsel) qu'il convient de prendre en compte et dans ce cas le total est de 23 063 électeurs. Quand on sait que le quotient électoral (nombre de voix pour décrocher un siège) est dans ce cas ci aux alentours de 18 000, cela fait toute la différence. 
Pour le greffe il convient de s'intéresser dans ce calcul aux groupes politiques or " sont considérés comme formant un groupe politique, les membres d'un groupe linguistique qui ont été élus sur une même liste." Pour le PTB, qui a envoyé un courrier en ce sens, il conviendrait de respecter la loi spéciale qui dit, elle, que "le chiffre électoral de chaque groupement de listes est constitué par l'addition du nombre de bulletins exprimant un vote valable sur les listes de ce groupement."...  Bref, beau débat pour les juristes. Il devrait être tranché mardi matin par le bureau élargi du parlement ( on y retrouve les chefs de groupe de l'assemblée sortante, et donc, à priori, pas de représentants du PTB). Dans le cas ou le PTB obtiendrait gain de cause c'est le CDH qui perdrait un représentant, et les élus PTB au parlement de la fédération passeraient de 2 à 3. 
Quelques heures heures avant la décision Michael Verbauwhede, le chef de file régional du PTB bruxellois voulait croire en ses chances d'obtenir gain de cause, notamment pour faire progresser la cause de l'enseignement bilingue :  "c'est à ce niveau que se tranchent toutes les questions liées à l'enseignement qui était une de nos thématiques principales durant ces dernières années " . 
Mais même en cas d'échec , le message des élus d'extrême gauche est limpide : ils mèneront une opposition résolue, y compris en utilisant, comme ici,  des moyens juridiques. Le parlement bruxellois, si souvent décrit comme une grande et gentillette assemblée intercommunale où l'humour potache le dispute à la proximité nonchalante, ne va plus ronronner de la même manière. Et ça, ça n'est sûrement pas une bonne nouvelle pour le PS bruxellois. 

07 juin 2014

Le blocage bruxellois en 7 questions (avec les réponses)

L'info est à la une depuis jeudi soir. L'openVLD et le CD&V ne veulent pas entamer de discussions avec les FDF en vue de former le gouvernement régional  bruxellois. Un coup de tonnerre alors que les deux communautés avaient choisis leurs champions respectifs : PS/FDF/CDH pour les bruxellois francophones VLD/SPA/CD&V pour les bruxellois néerlandophones. Comme le week-end me laisse un peu de répit je voudrais tenter de résumer ce fait de négociation (j'emploie cette expression pour renvoyer aux "faits de campagne" et désigner un événement qui pèsera sur la suite des événements).

1. S'agit-il d'une première ? 
La réponse est oui. En 25 ans d'existence de la région Bruxellois jamais une communauté (ou pour être plus précis une partie de celle-ci) n'avait lancé d'exclusive sur ce qui se passe chez le voisin. Pour rappel le législateur (à la demande des partis néerlandophones qui souhaitent protéger leur langue, leur culture et leurs élus, minoritaires dans la capitale)  a mis en place deux collèges distincts à Bruxelles, et y a ajouté lors des accords du Lombard une représentation garantie pour les élus néerlandophones (avec comme conséquence qu'un candidat  NL a besoin de moins de voix pour être élu, c'est un fait). Rappellons egalement que notre constitution impose un relatif équilibre au sein du gouvernement bruxellois (j'écris relatif car le ministre-président ne compte pas, et que si le nombre de ministres est fixé, on peut jouer avec des secrétaires d'état) . Nous avons donc bien deux systèmes électoraux distincts qui débouchent sur la formation de deux majorités. Jusqu'à présent on négociait chacun de son côté. En 1989, à la création de la région les partis flamands ont bien protesté contre la présence du FDF de même que les francophones ont fait savoir qu'ils ne désiraient pas travailler avec la Volksunie mais on en était resté au niveau des déclarations. Un blocage des négociations, s'il se confirme, est une première historique. Avec comme conséquence une paralysie possible des institutions régionales.  

2. S'agit-il d'un veto ? 
Là il faut être subtil. Les prochains jours nous diront quel est le degré de crise. Le Parti Socialiste et les FDF s'appliquent à dédramatiser la situation en évoquent une poussée de fièvre momentanée et en jouant l'apaisement. Un simple report de quelques jours de l'ouverture des discussions. Du côté de la presse flamande on semble plus alarmiste à ce stade. Les mots employés indiquent bien qu'il y a plus qu'un simple effet de manche et Open VLD et CD&V ont bien donné comme consigne de ne pas ouvrir les discussions. Mais ce n'est pas un veto ferme et définitif. Pour le dire en termes simples on a appuyé sur "pause" pas encore sur "stop". 

3. Qui bloque ? 
Le communiqué cite trois noms : ceux de  Gwendolyn Rutten, présidente des libéraux flamands,   Wouter Beke, son homologue du Cd&V et Guy Vanhengel, ministre bruxellois sortant et formateur car grand vainqueur des élections dans le Bruxelles néerlandophones, sa liste ayant emporté 5 sièges.  Dans les faits c'est l'attachée de presse de l'openVLD qui adresse le communiqué par mail aux rédactions. Pire Guy Vanhengel, ne pouvait pas ignorer que PS et FDF négociaient (on se parle, hein dans ces cas là et Charles Picqué a publiquement expliqué sur le plateau de Télé Bruxelles que le négociateur néerlandophone  avait bien été informé) et n'a semble-t-il pas trouvé matière à bloquer le processus ( on rappellera qu'il est en majorité avec les FDF à Evere). La preuve ? Guy Vanhengel avait prévu une conférence de presse commune entre tous les partis vendredi matin à 11 heures. L'invitation était partie. Il a fallu l'annuler en dernière minute. D'après mes informations le formateur néerlandophone, dont la majorité VLD/SPA/CD&V était un secret de polichinelle, pressait même les francophones d'accélérer le mouvement. Le blocage vient bien de l'échelon supérieur, celui des flamands de Flandre, et de l'Open VLD en particulier. 
On notera que le SPA et Groen ont pris leurs distances : le "non au FDF" n'est porté que par 2 formations politiques. 

4. Le blocage est-il légitime ? 
Ici on quitte le domaine de l'analyse pour entrer dans le champ du commentaire. On pourrait arguer que les néerlandophones craignent que les FDF rognent certains de leurs  droits acquis en région bruxelloise (la représentation garantie au parlement, l'obligation de bilinguisme dans les services publics,etc). Cela rend la manœuvre explicable politiquement. Il appartient dans ce cas aux partis concernés d'expliciter leurs craintes. 
On rappellera quand même quelques chiffres. Les FDF ont séduit 60 547 électeurs (ce qui leur donne 12 députés). L'open VLD 14 250 (soit 4 fois moins d'électeurs mais les liberaux obtiennent néanmoins  5 députés grâce à la représentation garantie) et le CD&V 6 102 (3 députés). Cela jette un certain discrédit sur la légitimité du propos. 

5. Quelles seront les conséquences du blocage ? 
Inévitablement cela pose la question de confiance entre francophones et néerlandophones de Bruxelles. Alors que les partis flamands, Guy Vanhengel en tête, ne cessent d'affirmer qu'ils sont de vrais bruxellois, on voit qu'une fois de plus les ordres viennent de Flandre et que l'intérieur supérieur passe avant celui de la région bruxelloise. Guy Vanhengel est ici déshabillé, mais Pascal Smet et Brigitte Grouwels ont aussi montré dans le passé leur profil plus flamand que bruxellois (donnons-nous rendez-vous pour le dossier survol de Bruxelles pour voir lequel des 3 plaidera en faveur d'une concentration des vols sur le Brabant flamand pour soulager Bruxelles).   À ce titre entendre des elus néerlandophones essayer de séduire les électeurs francophones élections après élections pour changer d'attitude des le scrutin passé devient lassant. 
Plus grave, si le blocage persiste OpenVLD et CD&V auront fait un pas de géant vers la mise sous tutelle de la capitale. C'est la proposition NVA d'une co-gestion de la capitale par les communautés francophones et flamandes et non par les bruxellois eux même qui s'exprime ici. Cela risque de mettre à mal tout l'équilibre bruxellois, et notamment la fameuse représentation garantie. Ouvrir ce débat est particulièrement dangereux et équivaut à une 7ieme réforme de l'état. 
Ajoutons que les francophones ne peuvent pas mettre le FDF au coin sous prétexte que les flamands le demande (de même que la NVA ne peut pas être hors jeu parce que des francophones le souhaitent). Imaginer que PS et CDH feront machine arrière parce que Gwendolyn n'est pas contente c'est comme acheter un billet à l'euro million : un doux rêve. 

6. Le blocage est-il provoqué par des arrières pensées ? 
La presse a évoqué l'hypothèse d'un coup de colère libéral après l'annonce des coalitions. C'est possible. Certains journaux évoquent même une démarche conjointe MR/VLD destinée à rendre un coup aux socialistes. Je doute que cela puisse être la seule motivation. 
En revanche l'Open VLD se savait mal embarqué dans les négociations flamandes. Qu'il ait voulu marquer le coup et se positionner "en bon flamand" , enlevant donc un argument a la NVA me semble plus crédible. J'ouvre ici une parenthèse : Gwendolyn Rutten ne procède pas différemment d'Alexandre De Croo lorsqu'il avait fait chuter le gouvernement fédéral sur la scission de BHV. L'openVLD fait campagne en se démarquant de la NVA et en s'affirmant fédéraliste  mais dès l'élection passée il se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine communautaire. En musicologie on parlerait de tempo syncopé, d'improvisation ou même de couac. 


7. Peut-on sortir de la crise ? 
La réponse est oui. À la condition bien sur que les FDF ne versent pas dans la provocation dans un climat déjà chauffé à blanc. Laurette Onkelinx et Guy Vanhengel n'ont pas perdu le contact. Ils peuvent très bien définir ce qui est nécessaire pour relancer le processus. Bien sûr cela passera par une expression publique. Des gages donnés à la communauté néerlandophone de Bruxelles. On n'imagine pas un seul instant que PS et CDH veuillent revoir les mécanismes de protection des flamands de Bruxelles, cela pourrait donc très bien  être publiquement réaffirmé. Olivier Maingain indique déjà qu'il respectera les accords de la 6ieme réforme de l'Etat. Il faudra encore quelques déclarations dans le même sens  dans les  prochains jours pour débloquer la situation. Histoire que tout le monde reprenne son calme. 

06 juin 2014

Le western des coalitions

Comment l'annonce d'une coalition en entraine une autre : mon analyse dans le 18h de Télé Bruxelles. On peut parler de dominos (si on prend les évènements dans l'ordre) ou de western (si on saisit que les protagonistes craignaient plus que tout une traversée de 5 ans de désert). PS et NVA ont finalement eu le même réflexe : sentant qu'ils étaient contournables au fédéral, les deux grands partis ont préféré installer la coalition de leur choix dans les régions sans plus attendre.

01 juin 2014

Pourquoi le MR peut (veut) encore y croire

"Un projet progressiste" ... Dans mon billet précédent je suis parti  de cette déclaration de Laurette Onkelinx et j'ai tenté de la traduire en forme de coalitions. PS-CDH en Wallonie et PS-FDF-CDH à Bruxelles, cela forme bien des majorités progressistes. Le message a d'ailleurs été reçu 5 sur 5 par le FDF qui a immédiatement souligné ses convergences de programme avec le PS et pris publiquement ses distances avec le MR. Le MR n'a pas vraiment réagi. Le CDH reste silencieux. 
Je maintiens ce que j'ai écris : ces coalitions sont pure logique et valables politiquement et arithmétiquement parlant. À conditions d'aller vite et de découpler les régions du fédéral. 
Comme je l'ai aussi écrit l'equilibre à la chambre  reste l'argument majeur du MR pour espérer rentrer dans des majorités. Et le plus simple pour vous l'expliquer est de refaire ensemble les calculs. 
Imaginons que CD&V, SPA, OpenVLD montent ensemble dans une coalition fédérale (si c'est avec les nationalistes c'est un autre cas de figure j'y reviendrais peut être dans u autre billet) , cela donne 45 sièges. Une majorité dans le camp flamand, sans la NVA s'il vous plaît.  
PS et CDH pèsent eux 32 sièges, total  45+32= 77 sièges. La majorité à la chambre c'est la moitié des députés plus un : 76. Un siège d'avance, tous les parlementaires et tous les spécialistes qui suivent leurs travaux vous le diront,  trop juste. Ils suffit de deux absents ou d'un absent et d'un grincheux pour se faire renverser par l'opposition. Se passer à la fois de la NVA et du MR est donc injouable. 

De cette démonstration les militants libéraux et  beaucoup de journalistes politiques tirent la conclusion que le MR est donc appelé à monter dans les majorités régionales. C'est un raisonnement qui manque de rigueur ou  qui appartient au passé. Dans la Belgique fédérale d'aujourd'hui rien, absolument  rien, n'impose de faire des majorités symétriques. La preuve, il suffit de regarder les majorités sortantes. Affirmer le contraire n'est plus de l'observation  mais de l'idéologie (c'est d'ailleurs amusant de lire la presse sous cet angle ces derniers jours, les orientations des confrères ou leur prisme wallon/bruxellois/belgicain sont assez lisibles, et je ne fais bien sur pas exception). On PEUT faire des majorités symétriques mais on ne DOIT pas, c'est la stricte vérité. 

À ce que j'en sais le PS étudie donc les différents scénarios. J'ai croisé des élus PS  partisans de la coalition "progressiste" , d'autres qui militent (depuis longtemps) pour la violette et il en existent quelques uns qui croient à la tripartite classique (dont je me demande quand même à quoi elle sert puisque le 3ieme partenaire est inutile au moins en région wallonne). Côté MR on veut donc croire que la messe n'est pas dite et qu'on est encore dans le jeu. On pense même que si Laurette Onkelinx a évoqué le terme de progressiste c'est avant tout pour faire monter la pression sur les libéraux. Vieille technique de marchand de tapis : faire croire que vous voulez acheter chez l'un  pour faire baisser le prix du  marchand voisin. Avec un danger réel pour les socialistes : si les négociations s'enlisent MR et CDH auront des raisons de se parler... Et peut être de s'entendre. Car c'est aussi une vérité arithmétique qui n'a échappé à personne : le PS a la main. Ni plus ni moins. En cas d'échec la main passe. Reprenons nos calcus. Au parlement wallon MR et CDH pesent 38 sieges (sur 75 la majorité est à 38, il faudrait convaincre Ecolo, difficile mais possible). A Bruxelles MR-FDF-CDH en auraient 49, c'est confortable. Bien sur le problème du fédéral reste entier.  Mais si ce n'est pas encore a l'ordre du jour  les socialistes savent donc  qu'ils ne doivent pas musarder en chemin : ils ne sont pas incontournables.