23 février 2014

Le PTB aime les pouvoirs forts

Le parti du travail de Belgique a-t-il changé ? A-t-il vraiment abandonné les vieux réflexes marxistes-léninistes (quand j'étais jeune on écrivait stalinien) ? Oui affirment en chœur le sympathique Raoul Heddebouw et ceux qui ont décidé de le soutenir en vue du 25 mai prochain. Il faut dire que par ces temps de rigueur et de désespérance le discours a de quoi séduire : non à la crise, non à l'Europe des banques, et non aux licenciements, on est plutôt tous d'accord. Nous avons tous envie d'emplois, de croissance et d'une Europe qui nous entraîne au lieu d'une Europe qui nous comprime. Pourtant le PTB n'a pas réellement changé. Il suffit d'aller sur son site internet et de lire les textes qui s'y trouvent pour constater que ce parti est celui d'une phraséologie marxiste qui nous vient en droite ligne de Lénine. Le trotskisme, la social-démocratie et même la pérestroïka glissent sur le PTB comme des accidents de l'histoire, des incongruités. Le PTB est bien un parti qui a comme but ultime la dictature du prolétariat. En attendant le grand soir ses militants infiltrent les syndicats, se mobilisent dans les mouvements sociaux, vendent Solidaire et font des manifiestas. Il faut leur reconnaître du talent, de l'enthousiasme et des convictions. Un certain art du camouflage aussi. Le PTB avance vers les élections du 25 mai masqué. Très peu de ses électeurs potentiels connaissent son programme véritable. Dans les médias le discours est celui d'un parti contestataire  : la dénonciation plutôt que la proposition. Le PTB met le doigt là où ça fait mal, dénonce les inégalités, souligne la responsabilité des partis au pouvoir, exhorte au changement mais en se gardant bien d'avancer des propositions concrètes et réalisables. Le discours est rodé : s'appuyer sur des faits d'actualité pour expliquer que notre monde tourne mal, et vendre un monde meilleur dans la foulée, sans le décrire vraiment.
En tant qu'interviewer j'ai pu l'expérimenter ces derniers mois : jamais un candidat PTB ne vous dira qu'il lutte pour l'avènement d'un état socialiste. L'expression fait trop peur, mieux vaut l'éviter. Le militant PTB parlera de partage des richesses, de lutte contre les inégalité, de la colère légitime des jeunes. Je vous invite à voir l'interview d'Aurelie Decoene, tête de liste aux élections européennes,  que j'ai réalisée la semaine dernière sur Télé Bruxelles  pour vous en convaincre. Pourtant la dictature du prolétariat est bien le but ultime. Il suffit de lire la prose du parti et d'avoir un minimum de culture marxiste pour le comprendre. Le PTB , qui s'est bâti en opposition au PS et au Parti Communiste Belge dans le courant des annees 1970 n'a pas beaucoup changé. 
Paradoxalement c'est en parlant d'actualité internationale que l'on comprend le mieux ce qu'est le PTB. Parce qu'en lisant ses communiqués, ou son journal "solidaire" , on constate que ce parti ne prend pas vraiment de distance avec la Corée du Nord. Parce qu'il qualifiait il y a quelques jours encore de "tentative de coup d'état"   les rassemblements ukrainiens sur la place Maidan, préférant visiblement le pouvoir en place ( lire ici : http://www.solidaire.org/index.php?id=1340&L=1&tx_ttnews[tt_news]=37923&cHash=ba525865b66d980fd23c7fbca314541c ). Parce qu'il appelle à ne pas intervenir en Syrie où le régime de Bachar-El-Assad est considéré comme légitime. Parce que la mort des hommes n'a pour lui pas beaucoup de valeur face aux avancées de l'histoire du moment qu'elle va dans le bon sens. Le PTB aime les pouvoirs forts. Et même s'il est très loin d'être au pouvoir c'est pas plus mal de le savoir.

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En guise d'update ou de complément, l'interview de Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB sur Bel RTL, quelques jours après la parution de cet article :


Raoul Heddebouw : l’interview politique

22 février 2014

Comment la proposition anti-cumul retarde la confection des listes bruxelloises

C'est le suspense de cette fin de législature. Le parlement bruxellois adoptera-t-il une disposition limitant le cumul des mandats ? La proposition a été prise en considération ce vendredi (reportage de Marc Debont ici :  http://www.telebruxelles.net/portail/info/255-info-regionale/30224-parlement-bruxellois-le-cumul-des-mandats-en-question )  et immédiatement renvoyée au conseil d'Etat. L'avis du conseil, pour une fois, devrait être déterminant (j'écris "pour une fois" car les législateurs savent aussi passer outre les avis quand ça les arrange). 
Rappel des faits. En début de législature les partenaires de la coalition olivier avaient convenu de limiter le cumul député régional/mandataire communal. Mais ce qui était possible en région wallonne ne l'était pas en région bruxelloise : il fallait attendre que la réforme de l'Etat accorde l'autonomie constitutive à la régions Bruxelloise. C'est désormais chose faite. Maintenant que la réforme est votée et les arrêtés publiés les députés bruxellois peuvent donc travailler. Mais on sent bien que l'enthousiasme n'y est pas. 
La proposition bruxelloise prévoit donc de limiter à 25% par groupe le nombre de députés bruxellois qui exerceraient également un mandat exécutif au niveau communal (bourgmestre, échevin, président de CPAS). Regardez la composition actuelle : au MR, au CDH, au PS ou au FDF une grande partie des parlementaires bruxellois sont également des élus communaux (si vous n'etes pas fort en maths mon confrère Mathieu Colleyn a fait le cacul dans cet article : http://www.lalibre.be/regions/bruxelles/la-course-a-la-bonne-gouvernance-s-engage-a-bruxelles-5306499235708d729d7d3f39) . Et  c'est justement le problème : le parlement régional a trop souvent l'air d'un super-conseil communal ou chacun défend des interets locaux au lieu d'etre porteur d'une vision régionale.
Limiter le cumul, l'idée est purement francophone, puisqu'il s'agit de ne pas se laisser distancer par le parlement wallon. Les flamands de la capitale, si prompts à donner des leçons d'éthique, ne sont, et c'est un euphémisme, pas franchement enthousiastes. À tel point que le texte actuel prévoit une exception pour les échevins surnuméraires flamands (ces échevins qui permettent aux communes d'avoir une petite rallonge budgétaire, institués lors des accords du lombards). Cette exonération flamande est sans doute l'un des points sur lesquels le conseil d'Etar pourrait tiquer. Et mobilise les secrets espoirs des opposants au projet. Les états majors ont fait passer le message : pas de vagues sur le cumul. Passer pour un parti qui s'oppose à une telle mesure serait suicidaire à 3 mois des élections. Le jeu pour beaucoup d'élus consiste donc à faire semblant d'être pour, au nom de l'éthique, mais à vouloir son rejet, au nom de la place qu'on espère conserver. Les plus téméraires vous expliqueront qu'être  bourgmestre et échevin en même temps que député régional est un gage d'efficacité , et que rien ne vaut un élu en prise avec le réel, et même que cela permet de faire des économies.
Si la proposition anti-cumul  devait passer le parlement régional changerait profondément de visage. La plupart des  partis retiennent donc leur souffle et s'abstiennent donc de boucler leurs listes. Et émettent un vœu (ou brulent un cierge) : que le conseil d'Etat émettent suffisamment d'objections pour justifier un report. Et que l'on puisse finir ces listes comme si de rien n'était. 

18 février 2014

Du sang, des larmes et la troisième marche


Isabelle Durant  provoque donc  la petite surprise de la journée. Alors qu'on l'avait quittée en octobre fâchée avec son parti, la politique et la Belgique, la voici qui réapparaît en février. Alors qu'elle expliquait qu'on pouvait servir ses idéaux autrement qu'en étant élue, la voici qui se présente au niveau régional. Je vous laisse visionner le reportage ci-dessus ou l'intégralité de l'interview ci-dessous pour vous faire votre propre opinion sur la sincérité de la démarche. Sur Télé Bruxelles la députée européenne concédait qu'elle avait cédé à la pression des électeurs croisés en rue... Mais aussi à celle de ses proches et de la direction du parti écologiste.
De la démarche on retiendra qu'Isabelle Durant accepte une place de sans-grade, invisible, en milieu de liste. Sacrifice relatif : quand on a été vice-première ministre on ne devrait pas avoir trop de difficultés à récolter les 4000 voix de préférence nécessaires pour devenir députée régionale. Il n'empêche : on connaît nombre de glorieux élus qui exigeraient d' occuper une place en vue, dans les 10 premiers, ou dans les deux dernières, en échange de leur notoriété ... 
Surtout, on notera la satisfaction des écologistes à voir l'une de leurs plus populaires figures se présenter  à la région. Après Joëlle Milquet voici donc une seconde ex-vice première qui opte pour le niveau régional. Discours officiel : les transferts de compétences, qu'il va falloir suivre au plus près,  le poids des régions dans la Belgique de demain, l'implémentation de nouvelles politiques, et de grands dossiers comme la mobilité....  Discours officieux : puisque Joëlle Milquet a redonné du poids à la liste humaniste, il fallait aussi doper la liste Ecolo. L'élection à la région bruxelloise est une course à deux niveaux. En tête MR et PS se disputent la pôle position, celle qui permettra d'avoir la main le soir des élections et potentiellement la ministre-présidence. Derrière CDH, Ecolo et FDF sont au coude à coude. Le match est serré, tendu, hargneux. La troisième place est symbolique. Celui qui l'obtient pourra revendiquer sa place dans la majorité Bruxelloise, au nom des électeurs. Si d'aventure les négociations bruxelloises devaient donner le "la" aux discussions wallonnes et fédérales, cela mérite qu'on y consacre de l'énergie diagnostiquent tous les présidents de parti. Lesquels jettent sans doute un œil vers les jeux olympiques d'hiver. La troisième marche du podium n'est pas la plus prestigieuse mais elle vous met sous les yeux des caméras. La 4ieme place, hors podium, vous condamne à la discrétion.

13 février 2014

Les députés libérés lancent la campagne

Le vote de la loi étendant la possibilité d'euthanasie est un petit évènement. Par son contenu tout d'abord, puisque la Belgique est le deuxième état seulement à autoriser l'euthanasie pour les enfants. Par  la majorité de circonstance qui la vote également : une grande partie des groupe socialistes, libéraux et écologistes rejoint par la NVA c'est une fameuse entorse à la coalition papillon. 
En soi, rien de plus logique : les matières éthiques n'obéissent par à la discipline de vote. Chez les libéraux ou les écologistes d'ailleurs les groupes n'ont pas voté de manière unanime, c'est une affaire de conscience propre à chaque élu. Mais quand même. Voter un texte sans les sociaux-chrétiens est un symbole. Celui de la fin d'une législature. Et on se doute que quelques députés ont du voter avec jouissance ce jeudi soir. Parce que pour la première fois depuis l'avènement du gouvernement Di Rupo ils ont pu goûter à la liberté d'un vote qui n'obéissait pas à l'application pure et dure de l'accord de gouvernement. Depuis 15 ans que je suis la vie politique fédérale, on a rarement vu une législature plus terne à la chambre. Aucun initiative parlementaire réellement autorisée, une discipline de tous les instants tant dans les votes que dans l'expression. Une obsession  de ne pas rouvrir les débats communautaires pour réussir la traduction en texte législatifs de l'accord sur la réforme de l'Etat. La mission est accomplie. Les députés s'offrent donc cette bouffée d'air frais  : le vote d'un texte qui n'était pas prévu dans l'accord de gouvernement, où chaque élu peut s'exprimer en son âme et conscience.
La législature avait commencé par des votes sur la nationalité qui associaient libéraux et nationalistes. Elle se termine un peu de la même manière, mais en y associant cette fois les socialistes. Entre les deux un long tunnel d'obéissance parlementaire. Pas de grands projets, pas de grands débats, et une crise économique qui renforçait la morosité ambiante. On notera que le Cd&V et le CDH n'en ont pas fait une affaire de gouvernement : marquer leur différence sur ces dossiers ne leur déplait pas. On notera que la NVA a apporté ses voix : les nationalistes montrent ainsi qu'ils peuvent être un parti utile et constructif, apte à monter dans une majorité. On notera enfin que les libéraux et  les socialistes sont également satisfaits de faire  passer un texte même s'il est plus symbolique qu'autre chose. 
Même s'il reste encore 5 semaines de travail parlementaire, ce vote en ordre dispersé sonne donc symboliquement la fin de Di Rupo I. La semaine prochaine, le 25 février s'ouvre la campagne officielle. Désormais c'est, comme pour ce vote, chacun pour soi. La majorité a éclaté. La campagne est lancée.

Test de la taxe kilometrique : les signatures

L'affaire est donc entendue (au mois jusqu'aux élections) : la taxation au kilomètre est renvoyée vers le frigo. Je ne change pas une ligne à mon précédent billet (12 000 lecteurs sans compter facebook) : l'emballement médiatique et l'affolement politique qui a suivi cette fameuse pétition doivent plus à la nervosité d'une campagne électorale qu'à une saine gestion des affaires publiques.
Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ci-dessus le paragraphe de l'accord qui prévoyait ce fameux test qui devient (temporairement) très théorique. Il est extrait du document qui prévoit l'instauration d'une vignette au kilomètre  pour les poids lourds. Le paragraphe en question prévoit donc de mener des études pour étendre le dispositif aux voitures particulières.
Dans la vidéo (j'espère que vous pourrez la lire) vous pourrez voir l'ensemble du document ainsi que les signatures de ceux qui engagent les gouvernements flamands, wallons et bruxellois. En vrac : Kris Peeters (ministre-président flamnd) Rudy Demotte  et Charles Picqué ( l'un ministre-président wallon, l'autre bruxellois) Benoit Lutgen (à l'époque ministre régional en charge des autoroutes wallons) Evelyne Huytebroeck et Philippe Henry (ministres régionaux de l'environnement).
Un commentaire supplémentaire me semble superflu.

09 février 2014

Pétition n'est pas raison (et votation non plus)

En regardant les journaux télévisés, en surfant sur les sites d'info, en parcourant les discussions sur Twitter ce dimanche après-midi deux débats mobilisent notre attention : la votation suisse et un pétition contre la taxation au kilomètre. Dans les deux cas le journaliste que je suis éprouve un certain malaise. En Suisse, le repli sur soi et le rejet des immigrés économiques. En Belgique une grande manipulation basée sur la crédulité et la malinformation (permettez-moi ce néologisme, désinformation était trop fort, et la malinformation c'est comme la malbouffe, on peut y prendre goût).

Je ne vais  pas m'étendre sur la votation Suisse. Parce que je ne connais pas ce pays. Notons juste que les Suisses ont donc démocratiquement décidé de fermer leurs frontières, qu'ils tournent ainsi le dos au principe de libre circulation cher à l'union européenne. Le résultat est serré (50,3% de votes favorables lorsque j'écris ces lignes, et un taux de participation de 56%), vous trouverez dans vos journaux de demain des kilomètres d'analyses, mais les démocrates n'ont d'autre choix que de respecter le résultat des urnes. Ne faisons pas trop la morale aux suisses. 

Si l'on lançait des référendum dans les pays voisins sur le même thème il n'est pas exclu que le résultat soit très comparable en France, en Allemagne ou en Belgique. Partager la richesse n'est pas un réflexe naturel. Il faut beaucoup de sagesse et de bonté pour y consentir, beaucoup d'intelligence pour comprendre que c'est finalement votre intérêt. Il est beaucoup plus facile de faire campagne sur le thème de la spoliation et de défendre ses privilèges durement acquis. Au cas où cela vous aurait échappé la politique d'accueil (si l'on peut dire)  mise en place par la libérale Maggie De Block en Belgique n'a pas grand chose à envier aux vues de l'UDC. Je ne parle pas des demandeurs d'asile afghans qu'on renvoie dans un pays instable mais des 3000 ressortissants européens expulsés ces derniers mois (oui 3000 vous avez bien lu, des polonais, des espagnols, des italiens et même 177 français, vous avouerez  qu'après ça  nous sommes assez mal placés pour clamer notre amour de la libre circulation des personnes). 


Du droit de circuler, il en a donc été aussi question sur les forum ce dimanche. En cause une pétition qui s'élève contre le projet de taxation au kilomètre. Le schéma est classique , une pétition en ligne attire l'attention d'un journal qui fait un article, le nombre de signataires augmente, ce qui provoque d'autres articles etc. Conclusion des médias : les belges ne veulent pas de la taxation au kilomètre. Une sorte de votation en ligne et non encadrée. Je vais le dire tout net, quitte à me fâcher avec quelques confrères : ce que je lis et entends sur ce sujet depuis deux jours est  le degré zéro du journalisme. Relayer une pétition, sans remettre l'information dans son contexte, donner la parole à ses initiateurs, sans chercher à savoir qui ils sont, et même appeler à signer la pétition (avec un onglet "signer la pétition" au milieu de l'article, oui messieurs-dames) n'est pas du journalisme mais du militantisme et de la manipulation (si c'est conscient) ou de la bêtise (dans l'hypothèse ou ces journalistes du weekend ne se rendent pas compte de ce qu'ils font, concentrés seulement sur leur nombre de clics). 

Voici le texte de cette fameuse pétition : 
Comme vous le savez, le Gouvernement envisage d'imposer une taxe au kilomètre parcouru en voiture.
Il est inadmissible que nous soyons obligés de payer pour se déplacer au travail ou encore rendre visite à sa famille, ses proches ou ses amis...
Le projet pilote commence ce 17 février et durera deux mois, nous avons donc ce petit délai pour réagir!!!
Voila pourquoi je vous demande de signer cette pétition afin de tenter d'enrayer cette taxe.



"Enrayer cette taxe" c'est la formule magique, basique mais efficace. Le problème c'est qu'il n'est nullement question d'une nouvelle taxe mais d'une nouvelle perception d'une taxation déjà existante et connue sous le nom de "taxe de roulage". Ce test (et ce n'est rien d'autre qu'un test à ce stade) consiste à étudier une forme de modulation pour encourager à un usage différencié et raisonné de son automobile : plus je roule, plus je paye, moins je roule, moins je suis taxé. Un système basé sur une étude via GPS de vos parcours, qui  serait modulé selon vos déplacements, avec des tarifs différents pour les voitures plus ou moins polluantes, en fonction des heures utilisées (on ne paierait rien la nuit, on serait surtaxé aux heures de pointes) et avec des tarifs différents suivant que l'on roule en ville ou sur une route de campagne. 

Les opposants au projet (auxquels on dira gentiment que les chances de voir un tel plan se concrétiser avant les élections sont particulièrement minces, mais quand on est crédule on ne l'est pas à moitié visiblement) ont donc déversé des tonnes d'arguments repris courageusement par des médias qui s'en voudraient donc de ne pas relayer la parole du bon peuple. C'est une taxe de plus (je viens d'expliquer que c'est faux),  c'est une volonté des écologistes, un diktat des coalitions olivier, tout le monde paiera trois fois plus cher, etc. Oui j'ai lu tout ça sur des sites d'information. Amplifié par des élus en campagne. Pire je l'ai entendu à la radio et vu à la télévision. Et à aucun moment le journaliste n'a recadré, remis dans son contexte, démenti. 

Je dois le faire  moi-même ? OK. Alors ce projet émane de la Febiac, la fédération de l'industrie automobile, qui n'est pas vraiment un lobby écologiste (ok avec ça les crédules, ou je dois le prouver ?) . Le test est organisé conjointement par les gouvernements des 3 régions du pays . Avec les coalitions Olivier bruxelloise et wallone,  c'est vrai, mais aussi le gouvernement flamand où siegent la NVA et le CD&V (ce parti dont les libéraux francophones se sentent si proches, si vous me permettez de le noter). A Bruxelles son principal promoteur est Brigitte Grouwels, ministre CD&V. Dans les projets de la Febiac un automobiliste qui roule 20 000 kilometres par an paierait avec ce système sensiblement la même chose que ce qu'il paye aujourd'hui. S'il roule moins il paiera moins, s'il roule plus c'est l'inverse. En moyenne, hein, puisque cela dépend aussi du moteur, de l'heure et du type de trajet. But de la période test : vérifier que des tarifs modules amènent l'automobiliste à changer de comportement.  Chers confrères, c'est trop vous demander de réexpliquer cela à vos lecteurs/auditeurs/téléspectateurs lorsque vous évoquez cette pétition au lieu de vous extasier sur son succès ?

Ce soir j'entends  beaucoup de politiques prendre leur distance avec ce test, et condamner le projet sans même attendre les résultats.  Y compris le premier ministre qui manque rarement  l'occasion de caresser l'électeur dans le sens du poil, fut-il populiste. Pourtant un test  sert justement à valider la praticabilité d'une idée : les tarifs sont-ils les bons, le calcul par GPS fonctionne-t-il etc. 

Revenons aux racines du mal. Les mêmes journalistes du weekend  ne manqueront pas de relayer (avec gros titres)  la prochaine étude qui annoncera que Bruxelles est asphyxiée par les bouchons. Et qu'il faut donc agir. Et que les pouvoirs publics auraient dû le faire depuis longtemps. Peut être même qu'il se trouvera l'un ou l'autre grand esprit pour lancer une pétition en ce sens. 

On ne veut pas de la taxe au kilomètre ? D'accord, mais alors installons un péage à l'entrée de Bruxelles. Peu importe la solution pourvu que l'objectif, désengorger la ville, soit atteint. Cela va pénaliser ceux qui habitent en zone rurale et qui doivent prendre la voiture pour rejoindre leur bureau me fait-on remarquer. Et alors ? Il serait temps d'inverser la tendance et d'inciter les classes moyennes à rester en ville  de manière à assurer un minimum de mixité sociale et de rentrées fiscales plutôt que de continuer cette pathétique transhumance quotidienne et  massive de navetteurs. Si on veut que ça change il faut s'en donner les moyens. 

Une pétition d'un coté. Une votation de l'autre. Ce soir je me dis que la démocratie représentative a finalement du bon. Qu'elle nous évite cette forme d'émocratie ou, àcoup de malinformation, on récolte des votes et des signatures sur bases de slogans simplistes. Oui les problèmes complexes méritent des réponses complexes, et parfois courageuses, n'en déplaisent aux journalistes du weekend. Oui un changement d'habitude crée toujours des mécontents. Confier ces débats au parlement n'est finalement pas sot. Et tant qu'à faire (et tant qu'à me fâcher avec la moitié de mes lecteurs) faire élire les parlementaires par un vote obligatoire pour s'assurer de leur réelle représentativité n'est pas plus mal. 






04 février 2014

De l'autorité présidentielle

Officiellement il dément toute forme d'autoritarisme. Il s'agit, dit-il, de respecter les promesses faites aux électeurs liégeois lors des élections communales. Formellement Benoît Lutgen a raison : Anne Delvaux s'était bien engagée , coupure de presse à l'appui, à siéger en tant qu'Echevine. Elle avait même précisé qu'elle le ferait dans les deux ans, le temps de finir son mandat européenn. Pourtant, derrière l'argument officiel, personne n'est dupe. Le différent qui oppose le président du CDH à la députée européenne, ancienne journaliste de télévision, a aussi pour explication une opportunité à saisir (acceuillir le patron de la CSC ne se refuse pas) des questions de stratégie électorale ( les 120 000 voix d'Anne Delvaux seraient plus utiles à la chambre) un nécessaire ancrage local ( il faut renouveler les cadres à Liège) et un problème relationnel entre un homme et une femme. C'est aussi et surtout le style Lutgen qui s'affirme. En défiant ouvertement son président de parti (ce sera l'Europe ou rien) Anne Delvaux a fermé la porte des discussions dans une période ou Benoît Lutgen ne peut pas se permettre de paraître faible.
Un président ne se laisse pas dicter sa conduite, surtout pas sur la place publique, s'il veut garder la maîtrise de ses troupes. À cet égard la période est cruciale. Le pouvoir présidentiel se manifeste à deux moments clefs dans notre système politique : quand il faut confectionner les listes (nous y sommes) et quand il faut nommer les ministres (nous y serons dans un laps de temps plus ou moins long). Ces dernières semaines Benoît Lutgen a donc très clairement affirmé son statut de président de parti. D'abord en arrêtant une stratégie ( priorité aux élections régionales, pour lesquelles la plupart des ténors sont mobilisés), ensuite en assumant seul la désignation des têtes de listes  et la communication qui va avec. Mieux même, il a réussi à convaincre Joëlle Milquet de se présenter à la région bruxelloise, dont elle ne voulait pourtant pas entendre parler 3 mois plus tôt. Avec ce mouvement surprise Benoît Lutgen a gagné le statut de seul maître à bord, et Joëlle Milquet, dans une forme d'allégeance, perdu celui de belle-mère du parti. En se risquant sur ce terrain Anne Delvaux ne pouvait pas gagner.
Cette péripétie devrait attirer notre attention sur d'autres présidences qui pourraient connaître des moments de tensions au cours des prochaines semaines qui sont autant d'occasion de tester leurs pouvoirs réels. Commençons par le Mouvement Réformateur. Tout le monde à bien noté que Charles Michel et Didier Reynders ne disaient pas exactement la même chose vis à vis de la NVA. Soit. Les deux figures de proue libérales peuvent s'autoriser quelques divergences dans l'expression (ça permet de ratisser plus large). En revanche la confection des listes électorales à Bruxelles ne souffrira pas d'approximations. En cas de différents sur les places à octroyer cela finira par se savoir, un cafouillage fera mauvais genre, et ce sera l'occasion de mesurer le rapport de force triangulaire entre Reynders, De Wolf et Michel. 
La situation est encore plus délicate au Parti Socialiste, où tous les observateurs soulignent le flou qui entoure la non-candidature de Jean-Pascal Labille. La fédération liégeoise n'en veut pas, le boulevard (comprenez Paul Magnette, Elio Di Rupo et leurs conseillers) voudrait bien, et pour l'instant il semble que ce soit la fédération qui gagne. Paradoxalement, dans le plus grand parti de Wallonie, un leader tout puissant n'est pas en capacité de faire les listes. Pire même, le boulevard tente de négocier une place honorable pour Frédéric Daerden, convaincu que ses voix seraient plus précieuses sur une liste à la chambre qu'à l'Europe. Et là encore la fédération, contrôlée par Willy Demeyer, fait de la résistance. Au  final l'empereur rouge qu'on croit tout puissant se révèle bien démuni quand la compétition électorale arrive. On peut être un géant politique, auréolé de tant de victoires, et se retrouver nain au pays des fédérations.
Anne Delvaux aurait du changer de parti.


Complément d'information au 05 février, 11h30 : d'après mes dernières informations Frédéric Daerden pourrait finalement occuper la dernière place sur la liste à la Chambre. Les socialistes liégeois se sont vus en début de semaine pour mettre en place ce scénario, mais rien n'est encore définitif.


Benoit Lutgen : l’interview politique

02 février 2014

Déclarations et appels du pied

Ce n'était pas l'interview la plus spectaculaire de la semaine, elle a d'ailleurs été assez peu commentée, mais c'est pourtant celle-ci que j'ai envie de retenir quand je regarde dans mon rétroviseur dominical. Mercredi le député wallon Pierre-Yves Jeholet était mon invité sur Bel RTL. Ecoutez-le bien, c'est un bel appel du pied en direction des socialistes. Alors que le débat s'était enflammé ces dernières semaines entre MR et PS, cet élu adopte un ton ouvertement conciliant : "on a déjà gouverné avec le parti socialiste, il y a des tas de sujets sur lesquels on n'est pas d'accord (...) on peut avoir le débat, il n'y a aucun souci, vous savez en Belgique on doit composer". 
Et Pierre-Yves Jeholet de donner un argument en faveur d'un coalition  qui aurait sa préférence après le 25 mai :  "on doit aussi avoir des partis forts pour réaliser la réforme de l'Etat".  En clair pour implémenter les transferts de compétences il faut une majorité large, PS et MR doivent forcément en être, et peut être le CDH aussi. Le propos contraste singulièrement avec les positions musclées de Charles Michel qui dénonce 25 ans de vieilles recettes socialistes ou Didier Reynders évoquant la Corée du Nord. 
Pierre-Yves Jeholet nous donne à entendre sans doute ce que de nombreux cadres intermédiaires libéraux pensent discrètement : il faudrait songer à ne pas caricaturer  trop violemment  le PS parce que les deux partis ont envie de se retrouver aux affaires demain, et que se laisser emporter par le verbe  risque de créer des blessures dommageables. La campagne c'est bien, on doit s'y différencier et marquer des points, mais  laisser un porte ouverte à une coalition qu'on appelle de ses voeux c'est mieux. Un probleme de dosage qu'on pourrait traduire ainsi : évitons de nous rendre insupportables par des formules trop agressives qui rendraient tout mariage impossible, visons les programmes et non les hommes et tentons de trouver une tonalité du juste milieu, celle qui permet de d'attaquer le PS sans insulter l'avenir. 
Que cet appel du pied émane de Pierre-Yves Jeholet n'est pas anodin. Ancien porte-parole du parti, un temps candidat à la fonction de chef de groupe contre Willy Borsus, bourgmestre de Herve, Pierre-Yves Jeholet est un poids-lourd. Un de ceux qu'on écoute. Mieux même, autrefois très proche de Didier Reynders, il a pris soin de se rapprocher de Charles Michel. Au point de paraitre aujourd'hui comme un baron "trait d'union" entre les deux tendances. On peut donc penser qu'une partie des députés wallons du MR se retrouve dans ces propos, et que cette sortie s'adresse tant aux oreilles socialistes qu'à celles de Charles Michel et Didier Reynders. 




Pierre-Yves Jeholet : l’interview politique