13 octobre 2013

Les 4 vérités d'une baisse de la TVA

J'ai participé ce dimanche midi à l'émission Controverse dont l'un des débat tournait autour d'une baisse de la TVA sur l'électricité. Comme vous le savez sans doute l'idée a été lancée par Johan Vande Lanotte lors des travaux sur le budget 2014, mais le CD&V l'ayant accueillie fraîchement, elle a été temporairement mise au frigo. Comme l'affaire n'est pas close il me  semble sain de ramasser ce débat sous forme de quelques affirmations  et de tenter d'y apporter les nuances ou la contradiction nécessaire. Ce qui paraît évident n'est pas toujours la vérité.

La baisse de la TVA sur l'électricité améliorera notre pouvoir d'achat
Cette affirmation peut sembler simple comme du bon sens. Il faut la nuancer. Comme je le faisais remarquer sur le plateau à Raoul Heddebouw (porte parole du PTB) dans une économie de marché il est rare que la baisse de la fiscalité soit intégralement répercutée sur le prix de vente d'un produit. Le plus souvent le producteur ou les intermédiaires profitent de cette baisse pour accroître leur marge bénéficiaire. On a pu le constater avec la baisse de la TVA sur le secteur horeca. La ristourne consentie par l'Etat ne se répercutera réellement sur le pouvoir d'achat que si l'on prend des mesures complémentaires pour contraindre les producteurs et distributeurs  d'électricité  à maintenir leurs prix actuels. Il faudra également s'assurer que les régions ne viennent pas alourdir la facture par des taxes compensatoires.

La baisse de la TVA est une mesure de gauche qui bénéficie aux travailleurs
Là on frise l'escroquerie intellectuelle. Si le consommateur paye effectivement moins, l'intérêt de la mesure réside surtout dans un décalage de l'index. Baisser la TVA aura pour effet de retarder la progression des prix à la consommation et donc des salaires. D'après les experts cela permettrait  d'economiser 0,4 % de notre masse salariale et de repousser toute augmentation de salaire au delà de 2014 (il n'y a déjà  pas eu de saut d'index en 2013). En clair ce que l'on accorde aux consommateurs d'une main on le reprend aux salariés de l'autre. Ceux dont les revenus ne dépendent pas de l'indexation (rentiers, boursicoteurs) profiteront davantage d'une baisse des prix de l'électricité. Ce n'est pas ce qu'on appelle une mesure de gauche. C'est la raison pour laquelle les fédérations patronales sont d'ailleurs enthousiastes : elles ont tout intérêt à limiter les hausses de salaire et cette mesure le permet, tout en étant intégralement à charge de l'Etat. 

La baisse de la TVA relancerait l'économie 
C'est en partie vrai. Le maintien de l'index en dessous de l'indice pivot aide les entreprises belges à gagner en compétitivité vis à vis des pays voisins puisque les salaires n'augmentent pas. L'affirmation selon laquelle l'énergie devient moins chère pour les entreprises est en revanche fausse puisque la  pupart des entreprises récupèrent la TVA. Reste à chiffrer l'impact de la mesure. Le cabinet Vande Lanotte avance le chiffre de 11 000 emplois créés. 


La baisse de la TVA est neutre pour le budget de l'Etat
Attention danger : c'est sans doute sur cette question que les chiffres doivent être relayés  avec le plus de prudence. Baisser la TVA de 21 à 6% cela représente au moins 400 millions de recettes en moins pour l'Etat fédéral. Si l'on tient compte de l'effet retour (les créations d'emploi) on peut espèrer un gain de 200 millions environ, il reste donc un solde de 200 millions à financer. 200 millions, ça tombe bien, c'est justement ce que l'Etat gagnerait avec un report de l'index qui permettrait de ne pas augmenter les salaires des fonctionnaires. 

Le problème c'est que le calcul d'un effet retour est fortement aléatoire. Le plus souvent il est surestimé. Le CD&V en demandant à faire vérifier l'ensemble de ces chiffres n'est pas inconséquent.  On notera aussi que cette neutralité budgétaire n'est valable que la première année. Sauf à imaginer que la TVA joue au yoyo c'est une baisse structurelle qui est décidée ici, alors que l'effet retour lui ne jouera à plein qu'une seule fois : l'Etat risque de la payer cher très rapidement. 

Pour résumer voici donc une mesure portée par un parti de gauche qui profite essentiellement aux entreprises et qui risque de peser à terme sur les finances de l'Etat. Et comme le CD&V ne veut pas faire de cadeau au SPA, et a eu le sentiment que l'ami Johan tirait un peu trop la couverture à lui,  c'est un parti de centre droit qui s'y oppose. Joli paradoxe, non ? 

2 commentaires:

Christophe Lefevre a dit…

Encore une mesure qui rend plus service aux riches qu'à la classe moyenne. Par contre, j'ajouterais que cette mesure est très populaire, ce qui aura probablement un impact sur les prochaines élections, non?

Si le seul moyen d'améliorer la compétitivité des entreprises est de baisser les salaires, pourquoi ne pas le faire plus simplement?

J'extrapole.

Les sociétés baissent le salaire de tous leurs employés de 15% , l'état verse la différence. Mais! L'état plafonne, ce qui fait que les très hauts revenu seront désavantagés (mesure de gauche) et les travailleurs en noir, également.

Nicolas a dit…

Je relève une contradiction dans cette analyse. En effet, si la baisse de la tva n'est que partiellement répercutée dans le prix de vente, l'impact de la baisse de la tva sur l'index sera moindre qu'escompté. Donc si on s'attend à une baisse de prix limitée, il serait logique d'attendre un impact moindre sur la masse salariale.