01 décembre 2013

Génération Laurette

O
 
Laurette Onkelinx
C'est un  changement comme il n'en survient que tous les 10 ou 15 ans. Peu d'observateurs l'ont relevé et ce sera pourtant l'une des grandes nouveautés du scrutin de l'an prochain. Entre 2010 et 2014 les fédérations bruxelloises des deux plus grands partis francophones, le MR et le PS, ont changé de patron. Ces president(e) sont en charge de la confection des listes, c'est en cours, du programme, cela arrivera bientôt,  et de l'incarnation de la campagne dans les médias, ce sera pour l'année prochaine : de quoi conditionner une élection et donner une toute autre saveur aux analyses à venir. 

Didier Reynders et Laurette Onkelinx sont donc occupés à prendre leurs marques et à marquer de leurs empreintes respectives cette période cruciale qui précède la campagne elle-même. Je reviendrais sur Didier Reynders dans une prochaine chronique, intéressons nous aujourd'hui à Laurette Onkelinx. 

Depuis qu'elle a pris les rênes de la fédération socialiste  le rythme de travail de la vice-première ministre  s'est encore accéléré. Considérée comme un élément central du gouvernement fédéral, ce n'est pas moi qui le dit mais un ministre flamand avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter : 'Laurette Onkelinx possède une grande connaissance de ses dossiers, défend crânement ses positions, sait faire preuve de caractère mais respecte les accords et les concessions obtenues par ses adversaires.' Un sans faute et beaucoup de louanges au delà de son propre camp.  
Au niveau bruxellois par contre cela reste à prouver. Un patron de fédération c'est un peu de visibilité et beaucoup d'ennuis en plus. L'accession de Laurette Onkelinx à ce poste s'est faite en douceur, avec l'aval (et même l'appui, ce qui est rare) de son prédécesseur. Un passage de témoin plutôt qu'une conquête. Inconvénient de la situation : à gagner des batailles sans combattre on n'est qu'un général de pacotille, sans connaître l'état de ses troupes ni ses ennemis intérieurs, on joue l'autorité sans savoir si on la possède vraiment. La préparation des listes et la campagne à venir sont donc le baptême du feu de Laurette en terre régionale. 

Ce baptême du feu commence à la fin de l'année dernière. Lorsque les socialistes décident de placer Rudi Vervoort à la ministre-présidence en remplacement de Charles Picqué. C'est assurément l'acte fondateur de la présidence Onkelinx. 'À ce stade Laurette et Rudi s'entendent parfaitement c'est un atout pour nous' me confiait la semaine dernière un haut dirigeant socialiste. Un homme incarne cette entente, c'est Yves Goldstein, chef de cabinet du ministre-président. En tant que secrétaire du gouvernement bruxellois il prépare les décisions, assiste au conseil des ministres, règle les relations avec les autres partis de la majorité, trouve les compromis et ajuste les budgets. Et en plus de tout ça il informe et conseille la présidente de la fédération. Car Yves Goldstein, comme Ridouane Chahid, chef de cabinet adjoint, vient de la sphère Onkelinx. Il fut longtemps le monsieur Europe du cabinet de la vice première, avant de devenir aussi le Schaerbekois de l'équipe, pilotant les deux campagnes électorales communales. Un homme de confiance. Le placer chez le ministre président c'était indiquer que la présidente de la fédération entendait être bien informée et gérer les choses en direct. 'Il n'y a plus une nomination d'huissier qui lui échappe' confie un autre socialiste. Goldstein, Chahid, mais aussi Mayeur, Madrane,  Laaouej, Vannomeslaeghe : ce sont les yeux et les oreilles de Laurette Onkelinx. Une nouvelle génération d'élus, qui l'informent, la conseillent, filtrent et font remonter l'information, et redescendre les décisions. Retenez ces noms. Si Laurette Onkelinx perdure à la présidence ce sont les décideurs du Bruxelles de demain. 

Yvan Mayeur est probablement le plus connu d'entre eux. Dans quelques semaines bourgmestre de Bruxelles, il jouit d'une relative autonomie : la présidente de la fédération s'est bien gardée d'intervenir dans l'affaire Pereita. Cela aurait pourtant permis d'assoir son autorité et d'éviter une campagne de presse très négative pour le PS ( sans compter que l'argument pourra ressortir en campagne). Mais c'est le pré carré d'Yvan. Celui-ci comme Rachid Madrane a pour lui d'avoir été formé et propulsé par Philippe Moureaux. Ces deux-là jouissent donc d'une double légitimité : choisis par le bourgmestre de Molenbeek et confirmés par la vice-première ils incarnent une forme de continuité, l'avant-garde de la génération Onkelinx en quelque sorte. Tous les deux peuvent aussi faire valoir une réelle expérience d'élus communaux. Madrane, comme Vervoort réussit en outre un bon démarrage gouvernemental.  Ahmed Laaouej affiche un profil plus technicien : spécialiste des questions fiscales du PS, il participe à ce titre à une partie des négociations gouvernementales aux cotés d'Elio Di Rupo. Il est une figure qui monte, le probable leader du PS sur le nord ouest de Bruxelles même s'il n'a pas encore de grande base électorale et qu'il affiche un caractere plus gestionnaire que conquérant. Stéphane Vannomeslaeghe est l'homme de l'ombre, celui qui gère la fédération pour le compte de la présidente. 

À ce stade Philippe Close et Karine Lalieux, aux profils plus Di Rupiens semblent dans un second cercle. Mais ça ne veut pas dire sans contact. C'est le propre d'un président de fédération de s'appuyer sur tout le monde est de ne pas se contenter de sa garde rapprochée si il/elle veut durer. Et on notera que Philippe Moureaux est loin d'avoir disparu, qu'il continue de voir Laurette Onkelinx régulièrement, que Rudi Vervoort n'est pas qu'un représentant de commerce et qu'il maîtrise bien ses dossiers, et que Charles Picqué n'est pas aussi effacé qu'il le dit. 
Voici l'équipe. Et devant Laurette Onkelinx, déjà quelques solides dilemnes. Par exemple pour la seconde place à la chambre. Faut il reconduire Yvan Mayeur ou lui  préférer Émir Kir ou  Ahmed Laaouej ? Mayeur, c'est la continuité et un parlementaire de grande qualité. Mais n'est ce pas trop pour un seul homme ? Kir c'est l'assurance d'un gros score, Laaouej un pari sur l'avenir mais une inconnue électorale.  Pas simple. Idem pour la liste à la région. Mettre en ordre la génération Onkelinx prendra encore quelques mois. 

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