L'année 2014 est d'abord l'année qui aura vu un francophone succéder à un autre francophone au poste de premier ministre. Avouons-le d'emblée : je n'aurai pas parié sur Charles Michel en début d'année. Je pense que je ne suis pas le seul. Son accession à la fonction de chef de gouvernement fut une surprise majeure. Certes des contacts entre les libéraux francophones les sociaux chrétiens néerlandophones et la NVA existait. On a même pu voir au cours de la crise des 540 jours que des majorités alternatives pouvaient voir le jour à la chambre sur des projets précis. Décoder que cela préfigurait une coalition en bonne et due forme avait échappé à la plupart des analystes (même si l'auteur de ce blog fut l'un des premiers à écrire que la "kamikaze", comme on disait a l'époque, devait être tentée). Charles Michel est donc une surprise. On retiendra l'image de son discours de politique générale à la chambre, ou lui même semble étonné d'être à la tribune, comme otage d'un destin qu'il ne maîtrise pas face à une opposition plus virulente que jamais. Le nouvel homme du 16 a pris depuis un peu d'assurance et d'autorité. Certes Bart De Wever reste dans l'ombre, c'est une évidence. Mais reconnaissons que sous le gouvernement précédent ce n'était pas non plus Elio Di Rupo qui faisait seul la pluie et le beau temps. L'époque des premiers ministres capables d'incarner l'ensemble de l'équipe dans le style Dehaene ou Verhofstadt est sans doute révolu, 2014 nous le confirme. Les première semaines du nouveau premier ministre furent catastrophiques : incapable de calmer la bronca parlementaire au risque d'en paraître inexpérimenté, contraint de ménager la NVA au point d'en paraître l'otage, impuissant face à la crise morale que représentent des propos favorables à la collaboration au point d'en paraître sans honneur, timide sur les projets de réforme fiscale au point d'en paraître sans boussole. La fin d'année fut bien meilleure. Il y eut d'abord ce premier accord entre partenaires sociaux, puis ce sentiment que la réforme fiscale devenait possible et que le gouvernement, sous l'influence du CD&V, lui-même sous la pression du syndicat chrétien, en revenait à une politique sociale plus équilibrée. Charles Michel a commencé comme premier ministre d'un gouvernement clivant, sous domination flamande, il sait qu'il doit devenir premier ministre de tous les belges si il veut réussir son pari. Cela impose de pouvoir tordre le bras de temps à autre à un Bart De Wever qui n'a rien perdu de sa force médiatique.
De mon poste d'observation bruxellois, l'autre homme clef de 2014 est Yvan Mayeur. Officiellement bourgmestre depuis le 13 décembre 2013 le nouveau maïeur de Bruxelles a frappé fort dès la première année. Réformer la police, vouloir mettre des caméras dans les commissariats, confirmer les projets de stade et de réaménagement du Heyzel, lancer une vaste zone piétonne. Mayeur et sa majorité réforment à toute allure. Avec de la casse et des polémiques mais au final avec des résultats. Le dossier du feu d'artifice est assez emblématique : beaucoup de bruit, des prises de position partisanes, une presse pas vraiment favorable mais au final des festivités populaires bien visibles. Yvan Mayeur n'a pas que des amis et ses méthodes irritent. La forte représentation du syndicat liberal aussi bien parmi les policiers que parmi les pompiers bruxellois le chatouille. On notera pourtant que Mayeur s'appuie sur un partenaire liberal pour avancer. On notera aussi qu'il commence médiatiquement à faire de l'ombre aux autres socialistes bruxellois : Rudi Vervoort et Laurette Onkelinx devraient commencer à s'en inquiéter. Si Freddy Thielemans incarnait un bourgmestre bon enfant dont le maiorat était une fin en soi, son successeur propose un autre profil et pourrait nourrir une autre ambition.
Le troisième M de cette chronique est évidement Paul Magnette. En devenant ministre-président wallon le bourgmestre de Charleroi monte d'un cran dans l'appareil socialiste. Il devient, si Laurette Onkelinx s'efface, un dauphin potentiel d'Elio Di Rupo. A la tête d'un exécutif Paul Magnette doit désormais traduire l'image d'une gauche moderne qu'il incarne dans un bilan. Ce ne sera pas le plus simple, il devra pour cela passer du verbe aux chiffres : la performance économique, le recul de la misère en Wallonie seront son vrai bilan. Surtout, son accession à la ministre-présidence en fait une cible de ses adversaires politiques.
Observez-bien ces trois M en 2015. Mayeur et Magnette n'épargneront pas la NVA. De leur poste local ou régional ils incarnent la résistance socialiste au nouveau pouvoir fédéral. Michel leur répondra probablement en les rappelant à leurs devoirs légaux. Car ce que nous a appris l'année 2014 c'est surtout que la Belgique était passé d'un système de consensus à une politique de l'affrontement. Notre système autrefois basé sur la concertation et les compromis se rapproche du debat français avec vainqueurs et vaincus. En 2014 l'expression politique a du prendre ce virage qui permet de parler haut et clair et d'avoir des gouvernements politiquement cohérents. Elle a gagné en lisibilité ce qu'elle a perdu en subtilité, mais cela ne devrait pas déplaire au citoyen. 2014 est l'année des 3 M pour Michel, Mayeur et Magnette.. Mais aussi pour des Majorités Matures et Martiales.
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