Je suis citoyen français. C'est ma carte d'identité, ma formation, ma culture. Je crois aux valeurs : liberté, égalité, fraternité. Je veux qu'un homme égale un homme, quelle que soit sa religion, sa culture, son éducation, son origine, sa richesse. Je veux
écouter les autres pour les comprendre. Je pense que la différence est une richesse, pas un obstacle.
Je suis d'éducation chrétienne. Je pourrais écrire que j'ai la chance d'avoir eu une éducation chrétienne. Même si par la suite j'ai mis beaucoup de distance entre la religion et moi. Je n'admettrais pas qu'on me demande si je condamne l'inquisition, les groupes anti-avortement, les militants de la Manif pour tous, les derniers propos de monseigneur Léonard, ceux de Benoit XVI ou même l'opus dei. Je n'ai rien à voir avec eux et je ne vois pas en quoi cela me concerne. Je suppose que pour les musulmans c'est la même chose.
Je suis résident belge, depuis 20 ans. Je travaille, paye mes impôts, contribue au débat et à la richesse de mon pays d'accueil. On me fait parfois sentir que je ne suis qu'un étranger. Je me contente alors de hausser les épaules et je travaille plus encore, c'est ma manière à moi de voler le pain des belges. Je plaisante. Je n'admets pas qu'on me dise que je
n'ai rien dire parce que je suis né ailleurs.
Je suis Bruxellois. D'adoption. Je pense que les Bruxellois ne sont pas assez fiers de la mixité de leur ville. Bruxelles c'est le New-York du vieux continent.
Je suis père de famille. Je veux construire un monde de paix pour mes enfants et les enfants des autres.
Je suis antiraciste. A l'école primaire mes meilleurs camarades s'appelaient Francois, José, Hakim et Mohammed. Je ne ferai jamais le tri entre eux. Je suis contre les discriminations. Je ne comprends pas que porter
le voile, une kipa ou une croix vous donne moins de droits.
Je suis critique. Je n'ai pas applaudi Charlie Hebdo au moment des caricatures. Je les trouvais inutilement provocantes et pour tout dire de mauvais goût. Elles ne m'ont pas fait rire. Cela ne m'empêche pas de dénoncer la violence et d'être solidaire.
Je veux que chacun s'exprime sans être menacé. Je veux que le droit au blasphème fasse partie de la liberté d'expression. Je veux aussi que le droit de croire soit reconnu. Je suis pour la laïcité et pense que les questions philosophiques font partie de la
sphère privée, et que ne s'expriment sur ces questions que ceux qui le souhaitent.
Je suis journaliste. C'est mon métier et plus encore : un engagement au bénéfice de la société. Ce n'est pas seulement un moyen de gagner ma vie. J'apporte la contradiction et tente de débusquer la langue de bois. Je mets mon modeste talent au service de la vérité
et donc contre le mensonge. Je refuse de faire la promotion des ennemis de la démocratie. Je suis responsable de ce que j'écris et de ce qui se dit dans mes interviews.
Je suis rédacteur en chef. Pour la troisième fois dans ma carrière. J'assume la responsabilité de ce qui se dit dans les journaux et les émissions réalisés par ma rédaction. Je tente de comprendre la motivation des journalistes avec qui je collabore et je suis fier de leur travail. Je les couvre en cas de pression, je dialogue en cas de doute. Je doute en permanence.
J'accepte la critique. J'accepte d'être mis en difficulté, qu'on essaye de m'influencer, de me menacer parfois. C'est lourd. Je n'en tire pas de gloire particulière. Je sais que j'exerce mon metier dans des conditions de confort et de sécurité que peu de journalistes connaissent.
Je suis européen. Je veux me sentir partout chez moi dans l'union européenne. Je reconnais le même droit aux autres européens.
Je suis citoyen du monde. Je suis fraternel avec tous les hommes et toutes les femmes. D'ailleurs je suis pour l'égalité homme/femme. Partout. Je suis Charlie. Mon identité
ne se résume pas à cette manifestation. Mais l'émotion qu'elle exprime fait partie de mon identité, mon parcours, mes engagements. Je me reconnais dans ce slogan. Je ne m'y réduis pas.
2 commentaires:
"Je suppose que pour les musulmans c'est la même chose".
Pité: pas je suppose. Je sais.
Fabrice, j'ai du mal avec l'avant dernier paragraphe: une exclusive? Les non-europeens peuvent aussi se sentir chez eux ici. J'en connais. Certaines heureux d'autres moins. Légitimes administrativement ou pas. N'en déplaise à Théo.
Bon texte, quelle flamme énergique!
L
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