On serait à la place des dirigeants du parti humaniste on agirait sans doute plus frontalement. La séquence de cette semaine illustre parfaitement l'ambiguïté du mouvement réformateur. Voici un parti démocratique qui se retrouve contraint de cousiner avec une NVA qui n'a pas la même histoire et pas la même rigueur morale. Pour Charles Michel l'équilibre à trouver est inconfortable : assumer la charge d'homme d'Etat et rester en phase avec ses valeurs (et on ne parle même pas de l'héritage paternel avec le fameux libéralisme social) d'un côté, maintenir la cohésion gouvernementale et permettre à chaque partenaire, NVA inclus, de s'exprimer de l'autre. Les propos de Bart De Wever sont une entorse a l'antiracisme, tout le monde en convient. Le partage des rôles entre Olivier Chastel (président de parti) qui condamne et Charles Michel (premier ministre) qui avalise n'est pas des plus lisibles. Rappelons-nous qu'en pleine campagne électorale Charles Michel lui-même indiqué que la NVA avait des "relents racistes" (c'était le 21 mai 2014 chez Bertrand Henne). Une fois installé au 16 avec le soutien de cet allié le premier ministre n'a plus la langue aussi libre, c'est une évidence.
Il n'y a pas que le racisme et le populisme de la NVA. Il y a aussi le programme politique de la coalition. J'avais déjà écrit dans un article précédent que le MR etait en voie de "droitisation". J'entends par ce mot une expression publique et une doctrine qui s'affirment plus franchement libérales que par le passé. Mettez les deux éléments ensemble : un estompement des valeurs morales et une plus grande radicalité des idées. Le Mouvement Réformateur sortira du gouvernement avec une image moins centriste que celle qu'il développait avant d'y entrer.
Pour une partie de l'électorat réformateur ce compagnonnage embrassant et ce glissement idéologique peuvent devenir difficiles. Dans cette situation le CDH comme le FDF pourraient attirer un électorat de droite, mais pas trop. Un électorat à qui l'idée de faire la courte échelle aux nationalistes flamands donne des boutons. Un électorat qui se reconnait davantage dans le centrisme d'un Francois Bayrou ou le gaullisme d'un Alain Juppé que dans l'activisme de Nicolas Sarkozy. On peut pronostiquer ainsi la prochaine séquence : le MR renverra le CDH et le FDF vers leur gauche, rappelant leur alliance avec le PS pour écarter le danger. Le CDH et le FDF cultiveront leurs caractères centristes pour s'élargir vers la droite et mettront en avant leur refus des compromissions (sur le racisme ou l'avenir du pays) pour attirer les brebis déboussolées. Et quand la FGTB, la CSC ou le PS tacleront le MR ce ne sera pas la gauche mais le centre qui en profiteront.
L'allusion au passé de Benoit Lutgen est particulièrement révélatrice. Au CDH on a en mémoire les années 2003-2004. Quand Gerard Deprez puis Richard Fournaux avaient quitté le parti pour rejoindre le MR. A l'époque c'est Antoine Duquesne (le père de Renaud) qui avait lancé un appel à constituer un "pole des libertés" pour "créer une alternative au socialisme". La manœuvre n'avait eu qu'un succès relatif : les libéraux avaient payé le prix fort en étant éjectés des majorités régionales par un PS qui s'était senti trahi un an plus tard. Aujourd'hui l'idée de lancer un "pôle des convictions" pour "créer une alternative à la NVA et aux compromissions" apparaît comme une stratégie crédible. Le CDH salive a l'idée de prendre sa revanche. Même si les pôles, union ou tentatives de refondation du paysage politique sont rarement des réussites.
2 commentaires:
Ne pensez-vous pas que dans l'absolu, le FDF devrait plus attirer que le CDH un électeur MR ?
Le CDH est quand même fameusement labellisé à gauche depuis quelques temps, or le FDF apparaît tout neuf dans le paysage wallon, en quittant un peu l'aspect bruxello-communautaire pour embrasser le libéralisme social laissé vacant par le MR. Votre avis ?
L'identité du cdH ne me semble pas si "à gauche" ... Et il faut bien distinguer un électorat urbain récemment conquis de l'électorat rural traditionnel... En cela l'accession de Benoit Lutgen à la présidence a modifié le positionnement médiatique du parti.
Le problème du FDF est de s'appuyer sur des personnalités qui pourraient porter un discours tel que vous le décrivez dans l'espace wallon. Ces personnalités ne pèsent pas au jour d'aujourd'hui.
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