Il n'est plus en première ligne mais siège encore à Liège, au conseil communal, puis au Sénat. Il a le goût du sacrifice. Favorise l'élection de Carine Russo en 2007. Cède la présidence du groupe du sénat à Zakia Khattabi en 2012. Mais ses interventions se font moins précises. Le verbe moins aiguisé. L'appétit disparaît.
En interview Morael reste un témoin privilégié. Il n'aime pas la petite phrase mais donne le tempo, la tendance. Ses décryptages sont précieux, éclairants, l'homme a régulièrement un coup d'avance. Ses confidences "off the record" donnent à voir les mouvements de fond, dans sa propre formation mais aussi dans les partis des autres qu'il ausculte comme personne. Pourtant Morael ne "copine" pas avec les journalistes. La distance reste professionnelle. On ne dit pas de mal non plus, le respect de l'adversaire est réel. Pourtant dans les médias comme dans les assemblées le moteur Morael rétrograde progressivement. Il a quitté l'autoroute du succès des années 90 et s'arrêtera bientôt en rase campagne.
Jacky Morael porte une fêlure en lui, la disparition d'un enfant. Cela lui donne de la force par moment, mais aussi beaucoup de désenchantement et une morosité qui prend régulièrement le dessus. Cette blessure, que connaît aussi son brillant successsur Jean-Michel Javaux, lui permet sans doute mieux que d'autre, de comprendre la souffrance des parents de Julie et Melissa. Mais il a aussi la sagesse de ne pas récupérer l'affaire, alors que la tentation est grande, y compris dans son propre parti. Cette fêlure ne se résorbera pas. Elle l'entraîne plus profond dans la dépression. Jacky Morael souffre d'une dépendance à l'alcool qui ruine ses dernières années. Une fois, deux fois, dix fois, ses amis se précipitent à son chevet. Il promet de ne pas recommencer mais rechute à chaque fois. Les séjours à l'hôpital se multiplient. Même les plus proches finissent par se détourner.
En 2014, Etopia, centre d'études du parti publie encore "génération verte". Sous l'impulsion d'Eric Bierin, son ancien directeur de la communication et fidèle de toujours et de quelques autres proches, Morael y dialogue avec des militants qui ont plusieurs dizaines d'années de moins que lui. L'ouvrage est pensé comme un hommage et une bouée de sauvetage pour le maintenir à flot. C'est déjà un passage de témoin et une forme d'adieu. Jacky Morael conserve l'estime de nombreux politiques, dans de nombreux partis, Didier Reynders en tête. La bête politique a disparu. C'est l'homme, avec ses blessures, son intelligence tactique, et sa correction humaine, qui restera.
Photo empruntée au site d' Ecolo.
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