14 octobre 2018

On peut être à la fois au groove et au Moulin

C’est le temps des hommages. Dix ans après la disparition de Marc Moulin on célèbre à la fois l’homme de radio, le producteur et le musicien. Ce samedi soir à Flagey c’était mieux qu’un double hommage, un pont entre les musiques et les générations.
En première partie Philip Catherine recrée l’album Stream. Il faut savourer la portée historique de ce moment. Certes Stream a été enregistré à l’époque avec Marc Moulin aux claviers, il signe d’ailleurs plusieurs compositions, et c’est la (bonne ) raison pour laquelle Flagey et Musique 3 ont demandé au guitariste de le recréer fidèlement sur scène. Mais c’est aussi et surtout le premier album de Philip Catherine sous son nom et l’hommage devient double (on ne souligne pas assez qu’après la disparition de Toots Thielemans il est le dernier monstre sacré du jazz belge, à la fois sensible instrumentiste mais aussi formidable compositeur). La collaboration entre Catherine et Moulin se poursuivra. Trois ans après Stream, Marc Moulin produit « September man », l’album qui lance Philip sur la scène internationale, et qu’on a pu découvrir en live cet été au Middelheim à Anvers avec les musiciens d’époque dont un Palle Mikkelborg bluffant de grâce. Au total Marc Moulin produit 4 albums de Philip Catherine (Stream ayant été produit par un certain ... Sacha Distel).
Ce samedi soir seul Philip Catherine était donc encore sur scène pour interpréter une musique qui reste imprégnée du son et des rythmes de l’époque (on est en 1971 et l’influence du jazz rock est explosive ) mais il a su, comme souvent, s’entourer de musiciens qui rendent grâce à l’album d’origine. Un bluffant Federico Pecorari à la basse électrique, un toujours aussi véloce Stéphane Galland (on a écrit un jour sur ce blog que le batteur d’Aka Moon battait double , l’impression se confirme à chaque fois ) Dree Peremans assurant le trombone et Nicola Andrioli, toujours sensible, relevant le lourd défi de remplacer Marc Moulin.
Comme toujours la musique de Catherine est aérienne et lyrique... la reprise de « Marc Moulin on the beach » , morceau qui ne figure pas sur l’album mais écrit plus tard étant sans doute le moment le plus touchant.
Le jazz, mais pas seulement, et peu importe l’étiquette. Marc Moulin ne se résume évidement pas à ce jazz qui, bien que novateur a l’époque, sonne si classique aujourd’hui. La claque viendra donc en seconde partie de soirée. Avec Stuff, le groupe emmené par Lander Gyselinck qui est aussi le fabuleux bateur du LAB trio, on est à la frontière du jazz et de l’électro. Un saxo électronique ( Andrew Claes ) une basse funky et efficace (Druez Laheye) des samples qui n’hésitent pas à utiliser la voix de Marc Moulin (Mixmonster Menno) et  des claviers qui sont là pièce maîtresse de cette musique à la fois si jazz et si moderne (Joris Caluwaerts).
Avec Stuff c’est la période Télex de Moulin qui saute à nos oreilles.  Mais c’est mieux qu’un hommage, c’est une modernisation. Les jeunes jazzmen flamands ajoutent au groove des années 80 la transe hypnotique de la techno. Weather Reaport croise l’acid house, la caisse claire de Gyselinckx assure un beat fascinant autour duquel s’élève une  cathédrale musicale. Le quintet excelle dans l’art du ralenti quand le tempo semble se déconstruire et que les uns et les autres se jouent du chaos qu’ils viennent de mettre en place. La reprise de Moscow Discow est d’anthologie.
Musique 3 à eu la bonne idee de capter cette soirée. Que vous soyez fan de jazz ou avide de découvrir une musique plus moderne qui ne tombe pas dans la facilité de la boucle répétée à l’infinie, tous les amateurs de groove trouveront de quoi s’épater les tympans et réchauffer le cœur.
https://www.rtbf.be/auvio/detail_concert-du-soir?id=2409048
Si vous êtes pressés : le concert de Stuff est à 2h10, la reprise de Moscow Discow à 2h57.
Entre les deux concerts une table ronde animée par Philippe Baron pour mieux comprendre la  de Marc Moulin. 

Aucun commentaire: