Au carrefour de la politique et de la culture... Belgique, Bruxelles, la communication, le pouvoir, les idées, le théâtre ou la musique ... le blog perso du journaliste Fabrice Grosfilley
08 décembre 2015
Presse et populisme, entre cousinage et collusion
28 novembre 2015
Au Théâtre, une télé-réalité du chômage
25 novembre 2015
Faucons et Colombes : comment métro et écoles ont rouvert
14 novembre 2015
Ici aussi c'est Paris
31 octobre 2015
Impardonnable
18 octobre 2015
Ceci n'est pas un couple... Mais c'est ma ville
La bonne idée est d'avoir fait précéder la pièce d'un petit intermède musical (on y chante ... en néerlandais) et d'un sketch qui dénonce la culture du harcèlement de rue (quand une fille dit non, c'est non). C'est sans prétention, mais ce serait utile, comme pour Djihad, de le montrer dans les écoles.
Comme il y a dix mois ce qui me frappe est autant dans la salle que sur la scène. Nous sommes au moins 200, serrés les uns contre les autres (on se contentera de cette estimation car le chiffre réel fâcherait surement les pompiers). Nous sommes dans le quartier nord, au pied de grandes barres d'habitations. A l'entrée un jeune homme souriant vous tient amicalement et poliment la porte. Il y a des jeunes, des mères en foulard, toutes les teintes de peaux et autant de cheveux crollés que de coiffures lisses. Ce public, représentatif de la sociologie de Bruxelles, a trouvé le chemin du théâtre et ce n'est pas grâce aux grandes salles du centre ville qui sont pourtant subventionnées pour cela (directeurs et metteurs en scène compris). Ici ce sont les vrais bruxellois qui sont dans la salle et l'enthousiasme ne se contente pas de quelques applaudissements polis. Si Paul Van Stalle avec Bossemans et Coppenolle a créée le théatre bruxellois des années 1930, Ismaël Saïdi ( et quelques autres comme Abdel Nasser ou dans un autre registre le très talentueux Dominique Breda) raconte sur les planches ce qu'est vraiment notre ville en 2015.
Anne-Marie Lizin : le volcan au service des femmes et des opprimés (souvenirs personnels)
04 octobre 2015
Comment le gouvernement Michel change le logiciel de la Belgique
19 septembre 2015
22 août 2015
Thalys : trouver des mots pour décrire le mal
15 août 2015
Islam, racisme et überisation de l'info. Le sursaut journalistique est-il possible ?
C’est un Belge qui rapporte un pot de sirop parce-que la mention Halal figure désormais sur l’étiquette. C’est un Français qui entend servir du porc à tous les enfants qui fréquentent les écoles publiques de sa commune, petits musulmans inclus. C’est encore ce sénateur qui s’insurge quand un média donne la parole à une femme voilée. Ce sont ces élus, parfois de haut niveau, qui réfutent le terme d’islamophobie, parce qu’il implique la reconnaissance d’un racisme spécifique qu’ils refusent d’admettre. Ce sont ces commentaires, entendus au café du commerce ou dans les dîners de famille, lus sur les réseaux sociaux ou ailleurs, qui assimilent musulmans et délinquance.
Il faut être aveugle, d’une grande mauvaise foi (je parle de malhonnêteté intellectuelle pas de religion) ou être soi-même acquis à un racisme larvé pour ne pas constater, jour après jour, que notre débat public stigmatise l’islam et les citoyens qui ont posé le choix (car c’est le plus souvent un choix) d’être musulmans. Il faut être inconscient pour ne pas réaliser que ces brimades et vexations à répétitions sont les moteurs d’une division sans cesse croissante. Le rejet entraine le rejet. Ces expressions du racisme peuvent être accueillies d’un haussement d’épaules quand on a toute sa tête et confiance en l'avenir. Elles finissent par légitimer défiance et radicalisme quand on manque d’estime de soi et de perspectives. Racisme et djihadisme s'alimentent l'un et l'autre. S'il n’est pas rare que la victime du propos raciste soit plus intelligente que son auteur, on ne peut pas exiger qu’il en soit toujours ainsi.
Ce n’est pas neuf, mais les proportions du phénomène et sa répétition deviennent préoccupantes. Les quelques exemples cités en début d’article devraient vous en convaincre : la parole raciste est partout, décomplexée, libérée. Ce qui était un tabou dans les années 70 ou 80 est aujourd’hui revendiqué. Les racistes accusent ceux qui, comme moi, leur en font la remarque d’être des apôtres du politiquement correct. Investis d’une vision messianique, ils sont ceux qui disent la vérité et qu’on essaye de faire taire, une minorité éclairée qui assume l’idée d’un conflit de civilisations, ce vocable doux qui n’est que l’euphémisme de nos anciennes guerres de religion. Rejet et stigmatisation sont devenus un argument électoral porteur. Un discours qui forme l’ossature du corpus idéologique de grandes formations politiques, en France aux Pays-Bas ou ailleurs. L’extrême droite n’est plus une anecdote. Ses idées irradient aussi bien à droite qu’à gauche. Bien sûr, on peut rêver d’hommes d’Etat qui se dressent contre le populisme ambiant et qui prennent l’électeur à rebrousse-voix pour le tirer vers le haut. Ce serait oublier qu’en démocratie, la masse fait la vérité et qu’un parti finit souvent par préférer l’exercice du pouvoir au confort moral de ses grands hommes.
Si nous en sommes là aujourd’hui c’est peut-être parce que la presse l’a permis. Cet article est un appel aux confrères : ne négligeons pas le peu d’influence qui nous reste. Les journalistes ont baissé la garde, nous avons besoin d’un sursaut. En trente ans, le racisme a obtenu droit de cité dans nos colonnes, nos reportages, nos interviews. C’est la fin du cordon sanitaire, actée en France, en cours en Belgique. Ce sont ces leaders sulfureux de partis ouvertement sectaires et ces polémistes populistes qu’on invite à longueur de micro au nom de la diversité des opinions, quand ce n’est pas ouvertement pour l’audience. Ce sont des journalistes qui composent eux même des titres racoleurs ou écrivent des éditoriaux douteux. Ce sont de fausses informations, rumeurs, phantasmes qu’on duplique à l’infini pour faire le buzz et donc l’audience. Et bien sûr qu’on ne corrige pas quand l’information s’avère fausse. Ce sont ces commentaires haineux qu’on ne modère pas et qui deviennent la règle.
Non, le débat d’idée et la liberté d’expression ne passent pas nécessairement par l’insulte et la désignation d’un bouc-émissaire. Oui, l’acceptation de l’autre et un ton policé sont un indicateur d’intelligence et santé démocratique. La circulation des idées ne s’accommode pas de la propagande. Sans doute la jeune génération de journalistes est-elle moins conscientisée que ses prédécesseurs. Elle frôle parfois l’inconscience et j’ai entendu bien des journalistes m’expliquer que l’Islam était « un problème ». Ils auraient été licenciés sur le champ dans les années 70, ils ne sont plus guère sanctionnés aujourd’hui.
Conduire une rédaction n'est pas qu'une question de liberté, c'est aussi une affaire de responsabilité. Je ne vois heureusement pas de journaux faire des unes racoleuses sur le viol, la pédophilie, le cannibalisme ou l'esclavage. Sur l'islam et l'immigration, ils sont légion. Nous insinuons le doute et finissons par légitimer des propos illégitimes.
Le journalisme évolue avec la société qui l’entoure bien sûr. Il faut aussi y ajouter ce que l’on pourrait nommer « l’überisation » de l’information. L’essor de l’internet et la puissance des réseaux sociaux permet à chaque citoyen d’être émetteur ou amplificateur d’une information. Cela participe à la démocratisation du débat mais l’intervention des professionnels est aujourd’hui superflue ou anecdotique dans la production et la diffusion de ce que nous pensons être une information. Le choc fut rude pour la profession (crise de la presse, baisse de revenus, mutation profonde du métier) et pas tout à fait digéré encore.
Avec toutes les dérives imaginables,Facebook informe davantage de citoyens que n’importe quel quotidien. Alors que les taximen hurlent à la dérégulation et dénoncent les dangers d’un monopole derrière l’économie participative, la presse a déjà plié et propose ses contenus gratuitement en ligne. Nous nous alignons tous sur Facebook, ses contenus courts, ses titres accrocheurs, ses mots clefs qui permettent les référencements et les algorithmes qui décèlent les nouvelles tendances. Il n’y a plus d’argent pour les enquêtes de fond et plus de lecteurs pour les grands dossiers. Bousculé, le journaliste court après des lecteurs qui sont désormais ses concurrents directs. Au passé, je vérifiais puis j’informais. Au présent, je mets en forme et cherche le buzz. Présenter un monde binaire (nous les bons, eux les méchants), dénoncer, moquer, parodier, craindre, affoler, sont les verbes de l’information « überisée ». Au moins pour conduire un véhicule faut-il posséder un permis et une assurance. Pour écrire ou plus simplement partager un article, ce n’est même pas nécessaire. L’accident est pourtant si fréquent : surenchère, désinformation, vulgarité, haine de l’autre... mais tant qu’il ne s’agit que d’idées... Il n’y a qu’au moment de la collision frontale que nous en prenons, parfois, conscience. Réaffirmer avec force quelques valeurs phares, refuser les dérives nauséabondes, voilà qui différencierait à nouveau le journalisme de ce qui ne l'est pas. Une information se vérifie et toutes les opinions ne se valent pas.
Il y a quelques mois, nous étions (presque) tous Charlie. Cela signifiait que nous refusions qu’on tue un homme (ou une femme) au nom d’un dessin, d’une idée, d’une religion. La leçon s’estompe. On voudrait même se servir de l’attentat pour isoler le citoyen musulman du reste de l’opinion et camoufler le tout sous le vocable de défense de la laïcité. La laïcité, c’est la neutralité des institutions et le renvoi à la sphère privée de nos convictions philosophiques. Elle permet la tolérance et la coexistence, parce qu'elle distingue le citoyen (que nous sommes tous) du croyant, agnostique ou libre penseur (que certains sont). Ce n’est pas d’imposer du porc à de jeunes enfants qui fréquentent une école publique.
Forcer l’interdit alimentaire est une grande violence et il n’est pas utile d’avoir fait de grandes études de psychanalyse pour le comprendre. Ce que je mange, c’est ce que je suis. Il ne nous viendrait pas à l’idée d’imposer un steak saignant à ceux qui font le choix d’être végétariens. Nous comprenons que c’est absurde, arbitraire et violent. Il se trouve des individus dont la vision du monde accorde moins de facilités aux enfants musulmans qu’aux adeptes du Vegan.
Il nous faut donc visiblement le rappeler sans cesse : les jeunes nés en Europe sont européens. Ils n’ont pas à s’assimiler ou s’intégrer et les mêmes lois s’appliquent à eux comme autres. Que leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents viennent d’ailleurs ne leur donne pas moins (ni plus) de droits. Qu’ils embrassent une religion ou pas non plus. C’est le rôle des politiques, des éducateurs et des journalistes de l’expliquer.
26 juillet 2015
Destexhe : encore sous contrôle ?
Ce rappel à l'ordre a bien faillit tourner au vinaigre. Fin d'après-mid. Destexhe accorde en effet une nouvelle interview à la Libre. Antoine Clevers, journaliste de La Libre précise que les propos ont été tenus avant que Chastel et Destexhe ne s'expliquent. Précision bienvenue pour le député bruxellois, car dans le cas contraire cela aurait ressemblé à un bras d'honneur aux consignes de retenue, et le bon de sortie devenait inévitable.
Dans cet entretien Destexhe accuse la RTBF de faire intentionnellement le jeu du communautarisme. Qu'un élu attaque une rédaction dans son son ensemble voilà qui est rarissime et très peu libéral au sens philosophique du terme. Croire que cette rédaction a l'ambition de promouvoir le communautarisme est aussi crédible que d'affirmer que le 11 septembre n'a pas eu lieu : on est très proche d'une nouvelle théorie du complot. Daniel Soudant, administrateur MR au CA de la RTBF et Dominique Dufourny et Gautier Calomne (respectivement future bourgmestre et chef de groupe MR à Ixelles, et donc colistiers d'Alain Destexhe aux dernières communales) ont pris bien soin de s'en distancier publiquement. Le communiqué des élus MR ixellois va bien plus loin que la communication présidentielle et annonce une réunion sur la question (il est dans les commentaires). A demi-voix beaucoup de libéraux bruxellois se demandent s'il ne serait pas plus simple de dire au revoir au médecin du monde (blanc) et si on ne retrouverait pas autant de voix qu'on en perdrait dans l'opération.
Revenons à l'origine de la polémique. Destexhe ne supporte pas qu'une femme voilée puisse représenter la Belgique. C'est de l'islamophobie au sens strict du terme (qu'on ne vienne pas parler du droit à la critique d'une religion alors que c'est simplement le fait d'être musulman (e) qui provoque chez l'élu une réaction de rejet ) interview après inteview, post après post.
Pour rappel en 2012 déjà Alain Destexhe raillait les norvégiens et défendait une idée très blanche de la Belgique de papa (voir mon article de l'époque ci dessous). A force de répéter le même discours il faut se rendre à l'évidence. Ce n'est plus un dérapage, c'est un système de pensée.
Alain Destexhe, à force de lire Zemmour, est plus proche du Mischael Modrikamen que de Louis Michel. Si on lui demandait de choisir entre Marine Le Pen ou Alain Juppé on est pas sûr de la réponse. L'interview de ce mercredi soir est un acte de défiance. Parle toujours Olivier, ce sont les électeurs à la droite du MR qui m'intéressent.
Le texte ci dessus est adapté d'un statut Facebook du 22 juillet 2015. La vidéo ci dessous date de décembre 2014
06 juillet 2015
Grèce : si on mettait un peu de géopolitique dans le débat ?
05 juillet 2015
Référendum : le combat des deux Aristote, ou le choix de civilisation
Quelque soit le résultat du référendum ce soir, la consultation organisée aujourd'hui en Grèce marque un moment politique. C'est donc à cette république grecque, berceau de notre démocratie à l'occidentale, qu'il appartient de dire si oui non, les peuples européens acceptent des programmes d'austérité économique au nom de l'orthodoxie budgétaire. Comme dans toute démocratie, c'est au peuple grec, et à lui seul, qu'il appartient de dire quelles sont les contraintes qu'il accepte d'endurer. Mais le débat déborde largement le cadre national, il suscite l'intérêt, l'enthousiasme, l'inquiétude ou la crainte. Nous avons bien compris que la question grecque donnera le "la" des prochaines années au sein du concerto européen.
30 mai 2015
Benoit Lutgen et le retour de la morale politique
