10 novembre 2007

Faut-il tuer l'orange bleue ?



L'orange bleue n'aura donc été qu'une chimère. C'est la conclusion à laquelle nous conduisent les soubresauts de ces dernières heures et une situation politique qui a rarement été aussi chaotique. Les acteurs, à peine libérés d'un problème se précipitent sur le suivant et tombent à chaque fois plus bas. L'observateur que je suis concède ce week end, après une semaine éprouvante, une pointe d'agacement et de désillusion. Je l'ai déjà souligné : ce projet de coalition manque de souffle et les participants semblent plus préoccupés par les régionales à venir que par le succès de la négociation.




En trois jours on aura vu l'impensable : le vote d'une communauté contre une autre, une intervention inhabituelle du palais dans un registre qui n'est habituellement pas le sien, et un regain de tension là ou on espérait l'apaisement. C'est surtout cette dernière phase qui doit retenir l'attention. Tout commence mercredi après midi, lorsque commentant le communiqué du palais royal, Didier Reynders muscle son discours : pas de reprise des négociations sans un geste d'apaisement du CD&V. Le FDF amplifie le lendemain en répétant qu' Yves Leterme n'est pas, du point de vue des francophones, un premier idéal. Riposte du CD&V : une réforme de l'état reste indispensable, aux francophones de faire un geste.



Bien sûr on peut penser qu'il ne s'agit ici que d'une musculation classique. Le bureau de la NVA ce samedi peut légitimer une certain radicalisation des propos. L'accusation (non démontrée) d'un scénario arrangé autour du vote en commission de l'intérieur peut amener à vouloir créer des contre-feux.



C'est sous-estimer la détermination des acteurs que j'ai le privilège de rencontrer et l'importance de l'incompréhension qui règne désormais entre les deux communautés. J'ai bien entendu des francophones refuser catégoriquement toute réforme de l'état et souhaiter ouvertement transformer le mandat donné aux présidents de la chambre et du sénat en manoeuvre dilatoire. Cela ne peut, côté flamand, qu'être perçu comme une agression. J'ai également vu cette semaine un CD&V déboussolé. Voter contre l'autre communauté et s'en excuser presque le lendemain, pour finalement revenir à la position initiale deux jours plus tard manque singulièrement de cohérence. J'ai vu vendredi un président du CD&V qui m'a semblé réellement meurtri... et perdu.




Au risque de passer pour un renégat communautaire l'auteur de ces lignes souhaiterait dire aux francophones que le principe d'une réforme de l'état est inévitable. Qu'il faut avoir le courage de le dire publiquement et envoyer ce signal positif vers la Flandre. Le processus proposé par le palais ne peut pas être un simple "encommissionnement". Il faut donc en accepter le principe, ce qui n'empêche pas d'être ferme sur les points "non-négociables". Je suis même surpris que ce fameux communiqué, et dont on imagine que les termes qui y sont utilisés ont été un peu négociés et soufflés au palais, aient pu donner lieu à une contestation publique. Le découplage entre formation et réforme de l'état était écrit noir sur blanc, il n'était pas nécessaire d'en rajouter, sauf à vouloir humilier le cartel emmené par Yves Leterme. A l'inverse ce communiqué évoque également sans détour une réforme du système fédéral actuel, ne pas vouloir en tenir compte est intellectuellement malhonnête.



Le bras de fer de ces dernières heures ne rend service à personne et réduit à néant les effets bénéfiques qu'on pouvait attendre d'un engagement du roi. Si l'on venait à la conclusion que cette intervention d'Albert II dans le champ politique a été souhaitée par ceux qui finalement la conteste ce serait dramatique. Le pugilat observé au parlement de la communauté française (le reportage est visible ici )s'ajoute à cette dimension délétère. On en vient à se demander si le personnel politique est à la hauteur de la situation, et je ne suis pourtant du genre à dénigrer les élus, qu'ils soient du nord ou du sud.


La coalition associant libéraux et sociaux chrétiens est la plus légitime politiquement. Elle n'est pas mathématiquement la seule possibble. Depuis la mi août l'orange bleue est en soins intensifs. L'intervention des docteurs Van Rompuy et Albert II aurait pu aider à trouver la voie de la guérison mais le malade refuse de suivre les prescriptions proposées. La patience des belges est à bout. Il est temps de mettre fin à l'acharnement thérapeutique.


Voir ici la déclaration intégrale du CD&V.

11 commentaires:

pixeline a dit…

tout à fait d'accord avec votre analyse et vos commentaires personnels. Ces hommes politiques s'avèrent n'être que des politicards plus inquiets du personnage qu'ils doivent incarner pour leur électorat que pour leur destin fédéral. Tout cela sous l'oeil passionné des médias, cela donne une espèce de show à la Star Academy qui est franchement ridicule et destructeur pour la confiance citoyenne envers le monde politique. Tout ceci ne sert que le jeu des extrêmes, car le plus vendeur face caméra.
Du fond nom de dieu, du fond! Et le pouvoir d'achat qui dégringole, et la crise énergétique effroyable qui débute, etc. Ce qui importe est délaissé comme peu intéressant, peu vendeur par les sois-disant partenaires. On n'en veut plus de leur orange bleue. Elle a plongé tout un pays dans une insécurité qui coutera - a tous - très cher.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas la coalition orange bleue qui est moribonde. C'est la Belgique. Et c'est pour elle qu'il faut cesser l'acharnement thérapeutique. Que l'on en finisse une fois pour toute, bon sang. Et que l'on se consacre ENFIN aux vrais problèmes dans ce pays !

Anonyme a dit…

Mettre un terme à l'orange bleue... et repartir de zéro? Avec qui, pour faire quoi?

Il est en tous cas certain que le gouvernement à venir, orange bleu ou autre, manquera de souffle. On ne le voit pas tenir au-delà des régionales de 2009.

Si on ne répond pas aux demandes flamandes, elles n'en seront que + fortes d'ici-là.

De fait, on ne fera pas l'économie d'une réforme de l'état.
Les responsables francophones ont aussi mal compris cela que les flamands ont mal compris à quel point ce n'est pas une priorité au sud et à Bruxelles.
Et ça, c'est effectivement interpellant quant à la qualité de notre personnel politique...


M de Bxl

Unknown a dit…

"La patience des belges est à bout. Il est temps de mettre fin à l'acharnement thérapeutique."

Que proposez-vous dès lors comme solution alternative ?
MR, PS et Ecolo rejettent désormais l'idée d'une tripartite traditionnelle. Reste la possibilité d'intégrer Ecolo et de virer la NVA, très difficilement acceptable pour le CD&V.
Un gouvernement d'union nationale ? Je préfère encore l'orange bleue ..

Une chose est sûre, ce n'est pas demain que l'on aura des réformes rapides et osées comme en France. Immobilisme quand tu nous tiens..

François a dit…

Excellente analyse... Quant aux prescriptions, bien malin celui qui pourra démêler la situation. A mon sens, les partis n'ont que trop évolué en vase clos et dans la perspective de 2009. Peut-être serait-il temps de prendre acte de l'importance de la crise et d'élargir le cercle de leurs fameuses "consultations" où finalement ce sont toujours les mêmes qui s'expriment... dans le même sens!

François a dit…

Excellente analyse... Quant aux prescriptions, bien malin celui qui pourra démêler la situation. A mon sens, les partis n'ont que trop évolué en vase clos et dans la perspective de 2009. Peut-être serait-il temps de prendre acte de l'importance de la crise et d'élargir le cercle de leurs fameuses "consultations" où finalement ce sont toujours les mêmes qui s'expriment... dans le même sens!

Anonyme a dit…

Aujourd'hui, on assiste au MR qui veut nettoyer les écuries du CD&V du pestilentiel séparatiste NVA mais quand montrera-t-il l'exemple et se séparera-t-il de Maingain et de sa clique du FDF ?

Je ne pense pas que Mr. Reynders ait encore besoin de cet appendice destructeur et tout aussi pestilentiel… et quoiqu’en dise Mr. Deprez. Le discours du FDF ne sauvera jamais qui que ce soit.

A ce titre, j’estime qu’effectivement, Ecolo devrait prendre des distances avec un MR qui s’acharnerait à protéger des gens par trop radicaux, tels que Mr. Maingain et j’appuie à du mille pour cent le souhait de Mme. Vogels, la nouvelle présidente de Groen!

Personnellement, bien que belge francophone habitant au cœur de la Wallonie, je pense que le principe d'une réforme de l'état est inévitable et qu'il faut avoir le courage de le dire publiquement et envoyer ce signal positif vers la Flandre.

Ce qui n’engage pas à l’acceptation totale de tout, comme veut le faire croire Monsieur Di Rupo qui tombe dans la politique politicienne de bas étage. Je crains qu’il n’essaie de profiter de la situation dans le vain espoir de faire « oublier » le parti socialiste et « les affaires »…

Bien au contraire, cela permettrait de corriger des erreurs du passé et de repenser certaines de nos institutions pour le meilleur.

Quoiqu’en pense Mme. Milquet, la politique du refus n’a jamais donné aucune solution saine à aucun problème, quel qu’il soit.

Anonyme a dit…

Le raisonnement n'est pas juste.Il n'y a aucune raison pour les francophones, sauf à s'appauvrir dangereusement, d'accepter la nouvelle réforme de l'Etat voulue par le Nord seul.Soit on vit dans un Etat fédéral et il y a une loyauté fédérale.Soit les Flamands décident de créer leur Nation.Il n'y a plus de juste milieu.Le drame c'est que le mouvement centrifuge est inexorablement en route et que, même s'il y avait une réforme , ce ne serait jamais qu'une étape, le Nord revenant à la charge dans cinq ou dix ans...Il vaut mieux une évolution brutale .

Anonyme a dit…

Nouvel exemple d'incohérence, ce lundi 12 novembre : L'agence de presse Belga annonce qu'Yves Leterme poursuivra ses contacts billatéraux, sur le budget.

Immédiatement les partis francophones précisent que non, les négociations sont bien à l'arrêt.

Qui ment, qui dit vrai? Allez savoir...

Ce n'est sans doute qu'une anecdote qui n'intéresse pas grand monde mais elle est significative.

L'obstination d'Yves Leterme à ne pas vouloir voir que l'Oranger bleu ne prend pas racine rappelle un certain ... Guy Verhofstadt lâché par ses partenaires à la fin de la dernière législature, et qui s'obstinait à vouloir y croire.

Cela dit, il a finalement su forcer qqs accords et tenir toute la législature (un peu + même).

M. de Bxl

Anonyme a dit…

Pas d'accord du tout! Ce sont ceux qui demandent une profonde réforme institutionnelle qui doivent montrer leur volonté de toujours vivre ensemble. Ce sont bien les partis flamands qui ont refusé toute discussion sur la scission de BHV (c'était un fait acquis selon eux et rien d'autre n'était envisageable, ils l'ont votée explosant toute confiance possible entre les deux communautés)... Enfin quand on veut tuer son chien on l'accuse de la rage...

Anonyme a dit…

L'échange de vue entre Anonyme (de wallonie) et Destraye montre bien à quel point la situation est complexe, comment concilier deux points de vues aussi opposés?

Comme dit dans le billet de Fabrice GFL, tous semblent avoir le regard porté vers les régionales de 2009.
Leur souhait : ne pas se fâcher avec leurs électeurs, ce qui semble fonctionner.
Le dernier baromètre de La Libre est éloquant à ce niveau : il place D. Reynders et son parti en haut, et Y. Leterme continue à cartonner en Flandres.
Pourquoi changeraient-ils d'attitude?

En outre, si les négociations Orange-bleue cessent, il faudra reprendre à zéro celles d'un Olivier, d'une jamïque ou de quoi que ce soit d'autre (les possibilités ne sont d'ailleurs pas légions).

On est pas sortis de l'Auberge...

Michel (bxl)