
Yves Leterme peut-il éviter l’impasse du 15 juillet ? Ce matin, invité sur Bel RTL, le premier ministre a volontairement éviter de répondre à la question. Sans doute la perspective d’une période d’instabilité sert-elle sa stratégie : maintenir suffisamment de pression sur les uns et les autres pour obtenir les concessions nécessaires à un « grand accord » communautaire. Car c’est bien encore et toujours de cela qu’il s’agit. Sur le plan socio-économique le gouvernement semble s’être enfin mis en état de marche. Les kern se succèdent à un rythme soutenu, les présidents de parti font monter les enchères, le premier rappelle les uns et les autres à l’orthodoxie budgétaire, bref chacun joue son rôle et tient à marquer ses accents dans une coalition relativement hétérogène. Pas très différent de ce qui se passait sous la coalition violette.
Sur le communautaire en revanche rien n’est sûr. Si l’on a bien compris les dernières déclarations du SPA , les socialistes flamands sont divisés sur l’idée de participer aux négociations (et donc d’apporter leur soutien lorsque la majorité aura besoin des deux tiers). Les dirigeants des socialistes du nord préfèrent donc qu’on leur présente un paquet tout ficelé plutôt que de mettre les mains dans le cambouis de la négociation. Du coup les écologistes devraient se retrouver sur la touche également (histoire que la réforme ne soit pas négociée par tous les francophones contre une minorité de flamands).
Si j’ai bien décodé ce qui se prépare nous devrions avoir deux négociations en une dans les prochaines semaines. La crise BHV restera du ressort gouvernemental. C’est entre présidents de parti et vice premier que l’on tentera de s’en sortir. Pour cela il faut que les néerlandophones reconnaissent qu’une scission pure et simple n’est pas leur objectif. Yves Leterme a commencé à le faire ce matin en indiquant qu’une solution négociée excluait la proposition de loi telle qu’elle est actuellement rédigée (qui, je le rappelle au passage, offre aux flamands le beurre et l’argent du beurre : scission + système d’apparentement permettant de garder un nombre élevé de députés néerlandophones, sans aucune compensation pour les francophones). Mieux même le premier ministre a reconnu explicitement que les francophones avaient des droits qui devaient être garantis et maintenus ( on peut penser aux facilités, mais aussi au droit de voter pour des candidats bruxellois, à chacun son interprétation). Alors que je tentai de lui faire dire que la scission devrait être compensée par de nouveaux droits pour les francophones, le premier a calé… mais il n’a pas dit non.
Quels sont « ces nouveaux droits » envisageables ? Les présidents de parti francophones évoquent une intégration dans la région bruxelloise bilingue, ce qui serait le plus simple, et assez cohérent en terme de droits (pour les francophones et les néerlandophones des communes concernées) mais sûrement symboliquement difficile à faire passer. On peut imaginer d’autres pistes : l’extraterritorialité qui permettrait à la communauté française et/ou la région bruxelloise d’intervenir en faveur des francophones de la périphérie, la constitution d’un district ou d’une agglomération bruxelloise, sorte de région étendue, sans oublier toutes les formules qui consistent à redessiner l’ensemble des circonscriptions électorales. Les réponses d'Yves Leterme peuvent renvoyer à une ou plusieurs de ces pistes.
L’autre négociation, sur la réforme de l’Etat (comprenez les régionalisations) sera pilotée par les deux ministres des réformes institutionnels (Didier Reynders et Jo Vandeurzen). Ceux ci devrait faire un rapport et une proposition d’organisation des travaux dès mercredi au conseil restreint. On y trouvera le « premier paquet » de l’octopus et une série de compétences plus « lourdes ». L’exercice est difficile : tous les acteurs ont les yeux rivés sur 2009 (y compris le premier ministre, qui risque bien d’être, comme tout le monde, candidat, ce qui explique aussi son silence : mieux vaut, pour lui, hérisser quelques francophones que perdre son crédit en Flandre). Au final (comprenez début juillet) il faudra bien mélanger le tout. Ce qui nous donne l’équation suivante : BHV + Réforme de l’état + Contrôle Budgétaire + Politique économique = grand troc ou grand krach.