11 mai 2008

BHV : le CD&V voulait ouvrir la discussion générale

Il est minuit passé d’une dizaine de minutes dans la nuit de jeudi à vendredi. Olivier Maingain, président du FDF prend la parole et fait observer qu’on a changé de journée, donc qu’on ne peut plus ajouter un point à l’ordre du jour d’une séance qui remonte à la veille. A moins d’être soi même juriste (je n’ai rien contre les juristes, mais j’en fréquente suffisamment, y compris dans ma vie privée, pour savoir qu’ils raffolent de ces défis qui consistent à interpréter les situations les plus banales pour en tirer des conclusions improbables) le raisonnement semble un peu tiré par les cheveux. Politiquement pourtant l’intervention était pertinente. Et Olivier Maingain a peut être permis aux francophones d'éviter une humiliation qui aurait pu être fatale à la majorité.

Depuis mercredi soir les partenaires gouvernementaux s’étaient en effet mis d’accord sur le scénario suivant : voter d’abord la loi programme, permettre l’inscription de la proposition BHV ensuite et compter sur les francophones pour bloquer les débats. Le premier ministre avait lui même présenté en kern ce synopsis jeudi matin. Petit problème dans la journée de jeudi : les éminents juristes des services de la chambre doutent que le renvoi au conseil d’état des amendements déposés par les partis francophones suffise à bloquer le processus parlementaire. En clair l’examen des amendements par les conseillers d’état n’empecherait pas les députés d’entamer le débat explosif en séance plénière. Pour être plus précis tous les juristes n’étaient pas d’accord : pour certains d’entre eux, le fait que les francophones demandent eux même cet examen et que cette demande émane de plus de la moitié d’un groupe linguistique avait bien un effet suspensif, mais là on entre dans les détails du détail (les juristes sont en effet des cousins proches des constitutionnalistes : il suffit d’en consulter suffisamment pour finir par un trouver un qui pense comme vous).

Voilà donc que le scénario d’apaisement risque d’être moins apaisé que prévu. Une discussion générale commence toujours par la lecture du rapport des débats en commission (dans le cas présent, les francophones avaient quitté la commission de l’intérieur le 7 novembre après le votre flamand, entendre ce récit de ce moment là vaudra sûrement le détour) et se poursuit par le prise de parole des députés qui en font la demande (30 minutes par orateur). Un grand barnum en perspective ou chaque parti flamand aurait eu à cœur de démontrer qu’il était plus flamand que son voisin et que décidément ces francophones ne comprennent pas le sens de l’histoire. Dans la majorité le ton monte : les députés CD&V-NVA font savoir qu’ils souhaitent bien après l’inscription du point BHV entamer la discussion générale. A tel point que Didier Reynders menace même , excédé, de déclencher la procédure de la « sonnette d’alarme » plutôt que celle du conflit d’intérêt : renvoyer le dossier au gouvernement pendant 30 jours et chute du gouvernement en cas d’échec. En fin d’après midi/début de soirée il semble même qu’une partie des francophones se soit résignée à vivre un début de débat parlementaire…

Vient alors la précision horlogère d’Olivier Maingain. Elle offre un moyen de pression supplémentaire et va permettre aux francophones d’obtenir l’arrangement suivant : seuls les chefs de groupe pendront la parole avant la mise à l’ordre du jour du point BHV. Si d’aventure l’extrême droite insiste pour ouvrir la discussion malgré les amendements francophones les groupes de la majorité s’y opposeront. De source flamande on m’indique qu’ Yves Leterme avait marqué son accord. On ne vérifiera pas ce dernier point : les flibustiers de la liste Dedecker ou du VB ne disposent visiblement pas des conseils de juristes aussi créatifs que ceux qui sont au service du président de la chambre. Ils n’ont donc pas tenté un coup de force qui aurait permis d’ouvrir la discussion générale (sans la clore) et qui aurait offert à tous les parlementaires qui le souhaitaient de prendre la parole.

Quelle conclusion tirer de ce bras de fer plus tendu qu’il n’y parait ?

D’abord que les députés flamands de la majorité souhaitent réellement discuter de BHV, et qu’il faut donc réellement que les francophones s'y opposent. Ce n’était pas que du cinéma : le scénario avait beau être ficelé, certains acteurs ont mis un certain zèle dans l’interprétation de leur rôle. Ensuite qu’Herman Van Rompuy et ses juristes (contrairement à une image peut être trop flatteuse dans les médias francophones) ont plus tendance à appuyer sur la pédale d’accélérateur que sur celle du frein. Qu’enfin Yves Leterme, n’est pas l’homme impuissant que l’on décrit parfois au sud du pays. Si Yves Leterme ne contrarie pas ses troupes ce n’est pas tant qu’il ne peut pas le faire, c’est surtout parce qu’il ne le souhaite pas. Le premier ministre, comme les autres élus, est aussi un homme en campagne électorale, et il est sûrement profondément partisan de la scission de l’arrondissement (au passage, je rappelle que tous les partis flamands du VB à Groen en passant par le SPA et le VLD souhaitent la scission et que Guy Verhofstadt, dont on dit tant de bien, n’avait pas résolu ce problème, mais on a tendance à l’oublier).

Bien sûr ce que je vous raconte là reste entre nous, car cela n’aurait jamais du sortir des salons de la présidence de la chambre. Cela permet de comprendre pourquoi les acteurs étaient si crispés alors que l’on croyait le scénario approuvé par tous. J’avoue que c’est ce décalage qui m’ a poussé à étudier les dessous de la séance de jeudi soir.



Si d’aventure un député nationaliste flamand lisait ces lignes je lui présente mes sincères excuses pour la frustration que je pourrai lui causer. Passer ci près d’un débat historique alors que l’on croyait que tout était écrit d’avance ! Pour tous les autres (y compris les juristes) je propose de méditer sur ce qui pourrait être un bon sujet de dissertation : éviter le pire est nécessaire, mais est-ce satisfaisant ?

1 commentaire:

Philippe De Fooz a dit…

Très bel article-comm, Fabrice.

Ceci étant, quand les frs vont-ils enfin prendre l'initiative (et revendiquer aussi en termes constitutionnels : cf Brxl) et entrer dans des négociations sur la régionalisation de compétences ?

Madame NON est du pain bénit pour la partie Nord du pays.
Certains agrumes mettent du temps à murir... au détriment de leur propriétaire-exploitant et des consommateurs..