C'est le sujet chaud de la campagne : peut on faire baisser les impôts, tout en garantissant la stabilité du budget de l'Etat fédéral ? Le sujet est un thème de campagne abondamment débattu et commenté, et je vous avais promis d'y revenir (le fact-checking est le terme à la mode) et de lister les principales propositions, histoire de vous aider à comprendre ce dossier complexe (et que ceux de mes lecteurs qui sont électeurs -il y en a quelques-uns- puissent se prononcer en connaissance de cause) .
Le Mouvement Réformateur
Ce mercredi le Mouvement Réformateur a apporté à la presse quelques précisions sur son projet, commençons donc par cette réforme libérale qui a déjà fait couler tant d'encre.
Les objectifs affichés des libéraux sont les suivants : baisser l'impôt des bas revenus pour lutter les pièges à l'emploi, rendre du pouvoir d'achat aux revenus moyens grâce à un plus grande progressivité de l'impôt, baisser le taux nominal de l'impôt des société et œuvre en faveur de la relance économique.
Concrètement le MR propose la création d'un taux zéro pour les revenus inférieurs à 13 000 euros annuels (cela signifie que ces revenus ne sont plus taxés). Cet impôt zéro serait limité à ceux qui gagnent moins de 50 000 euros (jusqu'à 70 000 euros en fonction de la composition du ménage). Cela implique un effet de seuil en l'état actuel des explications (ceux qui sont juste en dessous du seuil ont tout à gagner, ceux qui sont juste au dessus des 50 000 paieront autant qu'avant).
L'autre proposition phare du MR, même si elle est moins mise en avant, est la réforme des tranches d'imposition.
Pas de document à ce stade, mais d'après les interviews données jusqu'à présent le MR propose un nouveau barème qui passerait de 5 à 3 tranches. Pour les revenus entre 13 000 et 37 330 euros un barème de 25%, puis 40% pour les revenus entre 37 330 et 50 000 euros et un taux de 50% au delà de 50 000 euros. Cette réforme des tranches profite pleinement aux salaires moyens et aux salaires supérieurs, mais les libéraux précise bien qu'il s'agit d'un objectif à atteindre, pas d'une mesure aujourd'hui clairement arrêtée.
Reste la question centrale. Combien cette réforme va-t-elle coûter ? Charles Michel avait avancé le chiffre de 5 milliard (mais en précisant aujourd'hui qu'il visait uniquement le taux zéro). Pour la KUL (université catholique de Louvain, peu suspecte d'être aux mains du PS ou du PTB) on en était à 15 milliards et le PS avançait le chiffre de 20. Je vous passe les péripéties qui font que l'on compare des pommes et des poires et l'imbroglio qui fait que la KUL n'aurait pas eu toutes les données en main (notamment que la mesure ne s'appliquait plus pour ceux dont les revenus sont supérieurs à 50 000 euros). Lors de son dernier point presse l'équipe de Charles Michel a reconnu que le coût global était de 6,9 milliard, comme le montre le document ci-dessous.
Ce chiffre de 6, 9 milliard mérite qu'on s'y arrête. D'abord il est supérieur à ce qui avait été annoncé jusqu'ici. Ensuite il intègre un effet retour (c'est l'aspect vertueux des baisses de fiscalité ou baisse de charges qui relancent la consommation ou les embauches) estimé à 30%, ce qui est une estimation relativement optimiste. C'est donc un coût net et pas un coût brut (et le coût net de la seule augmentation de la quotité exemptée est de 6 milliard). Le coût de modification des tranches n'est pas inclus, alors qu'il risque d'alourdir encore la facture , l'idée libérale serait de les modifier en fonction de la situation macro-économique (en clair la réforme verrait le jour lorsque ce coût supplémentaire serait absorbé par la croissance). En d'autres termes, si le MR veut aller jusqu'au bout de sa réforme fiscale la facture sera bien supérieure à 6,9 milliards.
Enfin, les libéraux restent très discrets sur la manière de compenser ce montant (même si vous êtes nul en gestion, je vous rappelle que le budget fédéral doit atteindre l'équilibre en 2015, engagement pris devant les instances européennes, et que ce qu'on offre d'un côté au contribuable doit donc être forcément compensé d'un autre, soit en baissant les dépenses soit en trouvant de nouvelles recettes). Oralement les libéraux évoquent une simplification des structures intercommunales, une réforme de la gestion des TEC ou le non-renouvellement des départs naturels dans la fonction publique wallonne. Ce raisonnement est spécieux, d'abord parce qu'il fait peser sur un niveau de pouvoir (la région) des décisions prise par un autre (le fédéral) et ensuite parce que les montants ne sont absolument pas comparables.
Sur Bel RTL Marie-Christine Marghem a même avancé qu'il ne fallait pas de compensation, ce qui revient à creuser le déficit de 6,9 milliards.... je doute qu'Olivier Chastel (ministre du budget) ou Didier Reynders (vice premier ministre) puisse sérieusement tenir cette position lors d'une discussion budgétaire. Pour crédibiliser son projet de réforme le MR doit donc aujourd'hui crédibiliser les moyens de son financement. A ce stade je n'ai pas reçu de tableau qui explique comment le MR compte s'y prendre.
Enfin, les libéraux restent très discrets sur la manière de compenser ce montant (même si vous êtes nul en gestion, je vous rappelle que le budget fédéral doit atteindre l'équilibre en 2015, engagement pris devant les instances européennes, et que ce qu'on offre d'un côté au contribuable doit donc être forcément compensé d'un autre, soit en baissant les dépenses soit en trouvant de nouvelles recettes). Oralement les libéraux évoquent une simplification des structures intercommunales, une réforme de la gestion des TEC ou le non-renouvellement des départs naturels dans la fonction publique wallonne. Ce raisonnement est spécieux, d'abord parce qu'il fait peser sur un niveau de pouvoir (la région) des décisions prise par un autre (le fédéral) et ensuite parce que les montants ne sont absolument pas comparables.
Sur Bel RTL Marie-Christine Marghem a même avancé qu'il ne fallait pas de compensation, ce qui revient à creuser le déficit de 6,9 milliards.... je doute qu'Olivier Chastel (ministre du budget) ou Didier Reynders (vice premier ministre) puisse sérieusement tenir cette position lors d'une discussion budgétaire. Pour crédibiliser son projet de réforme le MR doit donc aujourd'hui crédibiliser les moyens de son financement. A ce stade je n'ai pas reçu de tableau qui explique comment le MR compte s'y prendre.
Marie-Christine Marghem : l’interview politique
Le Parti Socialiste
Le Parti Socialiste s'oppose frontalement , comme les plus perspicaces de mes lecteurs l'ont sans doute noté, aux projets du Mouvement Réformateur et propose sa propre vision fiscale en insistant sur le caractère neutre de ses propositions. Au PS on évoque la notion de "shift" et pas de "réforme" : il s'agit de basculer la fiscalité d'un point vers un autre mais sans toucher à la masse globale, il n'y a donc pas de baisse d'impôt dans l'absolu (ce que les libéraux ne manqueront pas de souligner) mais une répartition différente de l'impôt comme vous le verrez dans les tableaux ci-dessous.
Le PS propose 3 milliards de mesures pour le pouvoir d'achat, grâce à une réduction des cotisations sociales sur les bas salaires (techniquement le bonus social qui profite aux revenus inférieurs à 1 550 euros net, serait étendu jusqu'aux salaires de 2000 euros net par mois, cela représente un gain de 120 euros pour chaque salarié ) avec un effort particulier sur les jeunes (+160 euros net par mois) et âgés (210 euros nets/mois). Le PS prévoit aussi d'augmenter les allocations d'1,5 million d'allocataires.
Au niveau de l'impôt des sociétés (ISOC) les socialistes supprimeraient les intérêts notionnels pour les remplacer par des mesures en faveur des PME qui emploient des jeunes peu qualifiés (700 millions) ou encore un soutien à la formation et à l'investissement (580 millions).
↑ Fiscalité
sur le capital et la fortune
|
TAX SHIFT
|
↓ Fiscalité
sur le travail et ↑ des
allocations des plus fragiles
|
↑ Lutte contre la
fraude fiscale
|
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Objectif : augmenter le pouvoir d’achat :
|
↓ Intérêts notionnels
|
CIBLAGE
|
↑
Soutien aux entreprises
(surtout
PME !)
|
Objectif : soutenir la création d’emplois
durables :
|
Pour financer son projet de réforme le PS propose un impôt sur la fortune qui toucherait 80 000 personnes et rapporterait 400 millions (une taxe de 1% pour les patrimoines supérieurs à 1 250 000
euros, hors maison d'habitation et biens liés à l'activités professionnelle).
Il propose aussi et surtout de taxer à 25% tous les gains liés au plus values sur action, de supprimer certaines exonérations et d'instaurer une taxe sur les transactions financières : ce qui rapporterait au total 1,1 milliard. C'est plus substantiel et cela touche plus d'épargnant que l'impôt sur les grands patrimoines (et c'est donc moins mis en avant).
Il propose aussi et surtout de taxer à 25% tous les gains liés au plus values sur action, de supprimer certaines exonérations et d'instaurer une taxe sur les transactions financières : ce qui rapporterait au total 1,1 milliard. C'est plus substantiel et cela touche plus d'épargnant que l'impôt sur les grands patrimoines (et c'est donc moins mis en avant).
Les socialistes espèrent également renforcer la lutte contre la fraude et en retirer 1,5 milliard, notamment en renforçant les parquets .
Question : le "shift" (ou glissement) fiscal du PS est-il crédible ? On pourrait répondre oui dans les grandes lignes. On notera d'ailleurs que le PS a fait le choix de ne pas intégrer d'effet retour dans ses calculs, estimant que celui -ci diminue avec le temps.
Mais on objectera deux éléments au PS. D'abord le montant d'1,5 milliard de lutte contre la fraude : il est élevé et le PS ne détaille pas vraiment les investissements nécessaires (renforcer les parquets n'est pas gratuit, et les délinquants fiscaux sont des criminels comme les autres, ils s'adaptent et trouveront d'autres techniques... croire qu'on récupérera un tel montant de manière durable est donc un pari audacieux). Ensuite un chambardement des règles de l'impôt des sociétés n'est jamais sans conséquences. Croire qu'on peut supprimer les intérêts notionnels du jour au lendemain sans voir des entreprises partir, et donc les recettes de l'ISOC diminuer, relève plus de la posture de campagne que du réalisme gouvernemental.
Le Centre Démocrate Humaniste
Le CDH propose lui aussi d'avoir un impôt à 0% pour les bas salaires. Il
propose que cette mesure soit valable sur 11 000 premiers euros. Ensuite le
parti de Benoit Lutgen propose un barème progressif (voir le tableau ci
dessous). Vous noterez que ce bareme est très progressif, et que pour les salaires supérieurs (à partir de 50 000 euros par an) il est plus favorable que les propositions libérales, les défenseurs des gros salaires ne sont pas toujours ceux qu'on croit.
Le barème d’imposition voulu par le cdH
| |
Revenus imposables (€)
|
Taux d'imposition effectif
|
11.000
|
0%
|
15.000
|
10%
|
18.500
|
15%
|
22.000
|
20%
|
27.500
|
25%
|
36.500
|
30%
|
50.000
|
35%
|
58.000
|
37,50%
|
75.000
|
40%
|
100.000
|
42,50%
|
150.000
|
45%
|
300.000
|
47,50%
|
500.000 et au-delà
|
50%
|
Le CDH
annonce également un nouveau système de réduction d'impots pour les personne
à charge : 843 (+40) euros pour un enfant, 1 775 (+61) pour
deux, 7 705 (+79) pour 3 enfants, etc...
Les
centristes proposent également d'augmenter la réduction forfaitaire pour le
secteur marchand, qui passerait de 450 euros à 540
euros ; d'augmenter le complément bas salaires, de manière à
supprimer toute cotisation sur le salaire minimum, de supprimer
les cotisations sur les jeunes en stage de réinsertion professionnelle.
Côté ISOC
CDH propose également de ramener l'impôt des sociétés de 33,99 à 30% puis à
25% dans un second temps. Le taux d'imposition des PME dont le revenu
imposable est inférieur à 150 000 euros serait de 25%. Le parti de Benoit
Lutgen souhaite également supprimer en 5 ans les intérêts notionnels.
Pour le
CEPESS (centre d'étude lié au parti) la réforme serait neutre budgétairement
car le CDH espère récupérer 1,3 milliards par le biais de la lutte contre la
fraude. Le CDH créerait en outre une taxation européenne
pour les produits en provenance d'Etats qui ont des normes humaines
sociales et environnementales inférieures à celles de l'union. On peut
douter de la crédibilité de cette recette estimée à 2,3
milliards alors qu'elle dépend d'une décision des partenaires de
l'union européenne. En son absence la réforme CDH accuserait donc un déficit
d'environ 2 milliards. On notera que le coût de l'augmentation de la
quotité exemptée d'impôt a été estimé ici à 6, 4 milliards.
Le tableau du CEPESS :
ISOC
|
Dépenses
|
Recettes
|
||||
Diminution du taux d’imposition à 30%
|
Coût : 1.250 mios
|
Suppression des intérêts notionnels
|
Gain : 3.000 mios
|
|||
Réinstauration de la déduction pour
investissement
|
Coût : 500 mios
|
|||||
Réduction de
cotisations patronales
|
Coût : 1.250 mios
|
|||||
TOTAL DEPENSES
: 3 milliards
|
TOTAL RECETTES
: 3 milliards
|
|||||
IPP
|
Augmentation quotité exemptée
|
Coût : 6.400 mios
|
Revenus du capital
|
Gain : 3.400 mios
|
||
Meilleure prise en compte de la situation
familiale
|
Coût : 600 mios
|
Normes humaines environnementales
|
Gain : 2.300 mios
|
|||
Lutte contre la fraude
|
Gain : 1.300 mios
|
|||||
TOTAL DEPENSES
: 7 milliards
|
TOTAL RECETTES
: 7 milliards
|
Ecolo
Le parti écologiste propose une série de
mesures, dont la plus spectaculaire est probablement l'intégration de tous les
revenus (comprenez, les salaires, mais aussi les revenus mobiliers et
immobilier) dans le calcul d'un impôt
global : les revenus du travail sont
taxés à l’IPP selon une échelle progressive, tandis que les autres types de
revenus sont taxés de manière forfaitaire, à des taux plus bas (entre 15 % et
25 % pour les intérêts, 25 % pour les dividendes) pour le parti il faudrait donc
que tous les revenus fassent l'objet d'un impôt progressif.
Comme Ecolo
propose par ailleurs d’augmenter la quotité exemptée d’impôt, l’opération serait neutre ou positive pour les épargnants dont
les revenus financiers sont peu élevés.La quotité exemptée d’impôt serait ainsi
relevée à 12 000 euros pour les contribuables dont le revenu est inférieur ou
égal à 40 000 € par an. A partir d’un revenu annuel imposable de 40 000 €, la
quotité exemptée d’impôt diminuerait progressivement jusqu’à retrouver son
niveau actuel.
Dans le même
objectif de renforcer la progressivité de l’impôt et en complément de la
globalisation des revenus, Ecolo propose de réintroduire des tranches d’impôt
supérieures à 50 % pour les revenus les plus élevés, à partir de 250 000 €
imposables qui correspondent à la rémunération maximale du secteur public. Le
parti écologiste va donc plus loin que le PS dans la taxation des revenus
supérieurs.
Enfin, Ecolo
propose lui aussi de taxer les
plus-values sur actions, issues de la spéculation et d’instaurer une cotisation de crise sur
les patrimoines supérieurs à 1 million d’euros, qui seraient taxés à hauteur de
1 % à 1,5 %, avec une exonération dans la base de calcul de l’habitation
principale ainsi que des biens productifs utilisés dans le cadre d’une activité
professionnelle
Je n'ai pas
de tableaux à vous proposer pour Ecolo, mais je continue de chercher.
1 commentaire:
À noter que le Parti Libertarien, qui a lancé sa campagne électorale hier, prône quant à lui la suppression de tous les impôts (sauf la TVA).
http://www.contrepoints.org/2014/04/12/162677-exclusif-le-parti-libertarien-se-presentera-aux-elections-belges
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