Dans ce pays il est courant de critiquer et moquer les hommes et les femmes politiques. De dire à quel point ils sont nombrilistes et déconnectés des préoccupations des citoyens. Et je lis parfois même certains commentaires où les élus sont accusés de mettre en place un 'système' à leur profit personnel. Ce n'est rien d'autre que du populisme. Je suis peiné chaque fois qu'un journal reprend de telles arguties réductrices et caricaturales à son compte (et je dois bien admettre que certains titres et certains forums s'en font une spécialité) au prétexte de donner la parole aux lecteurs/téléspectateurs.
Dimanche j'ai ainsi eu l'occasion de participer à Controverse, et j'ai eu la surprise de voir des commentaires d'internautes qui allaient tous dans ce sens. C'était d'autant plus ridicule et malsain que le débat organisé par Dominique Demoulin était particulièrement vif et éclairant. Pourvoir pendant près d'une heure parler de fiscalité et du fonctionnement de la démocratie représentative, envisager des pistes de démocratie participative (ce qui est tres rare dans un média grand public mais pu etre fait grâce à la présence de David Van Reybrouck ) et souligner les lignes de clivage ideologique, c'est le dur du débat politique. C'est tout l'honneur de la télévision de permettre qu'il ait lieu et soit vu par le plus grand nombre.
Au delà de ce débat en particulier c'est toute cette première séquence de campagne qui mériterait d'être soulignée et saluee. L'affrontement entre les partis sur le thème de la fiscalité nous ramène à l'essence du débat politique : le choix entre différentes politiques publiques qui correspondent à des sensibilités distinctes, moins d'interventions de l'Etat pour les uns, maintien de la solidarité pour d'autres. Comme on l'aura vu dimanche ouvrir le débat de la fiscalité permet à chacun de rappeler ses fondamentaux en plaçant des éléments de langage significatifs ( on ainsi pu entendre Charles Michel demander la reduction du nombre d'intercommunales, Paul Magnette indiquer qu'on ne toucherait pas à la sécurité sociale par exemple). Donc non, contrairement aux discours populistes, la politique ce n'est pas un refrain de Stromae et les partis ne sont pas tous les mêmes, il ne faut surtout pas en avoir marre.
Au cours de ce débat j'ai tendu une perche aux présidents de partis : pouvoir récolter sous forme de tableaux chiffrés les propositions de chacun, j'espère pouvoir vous les publier ici dans quelques jours, histoire de continuer à éclairer le débat.
Cette séquence fiscale a donc une vertu pédagogique, même s'il faut en relativiser la portée. Ceux qui s'intéressent à la gestion de l'Etat fédéral savent que la question des impôts est une porte d'entrée dans un ensemble de décision bien plus complexe. Les politiques fiscales et économiques (la relance, l'emploi) doivent être pensées globalement et elles ne peuvent faire abstraction de la croissance ou de son absence (une periode de stagnation ne permet pas les mêmes decisions qu'une croissance soutenue, cette variable est absente du débat car les partis proposent à ce stade des programmes figés). Surtout on ne peut pas négliger deux autres données fondamentales qui sont le vieillissement de la population (quel type de retraites voulons-nous, à quel âge, avec quelle qualité de soins de santé) et l'endettement de la Belgique (à quel rythme remboursons-nous). Réfléchissez encore deux minutes de plus et vous arriverez à la conclusion que les investissements dans la recherche, la qualité de l'éducation, nos modes de déplacements participent également à notre prospérité de demain. C'est ça la difficulté et la noblesse de la décision politique, et ses limites parfois : un ensemble de leviers extrêmement complexes qui, actionnés tous ensembles, doivent essayer de faire sens et transformer la société (si possible en mieux). On est très loin du populiste "tous pourris".
J'emploie le terme de "séquence fiscale" car il me semble que nous arriverons bientôt au terme de ce premier débat. D'autres thèmes de campagne s'imposeront sans doute. Le communautaire rôde toujours, et il ne faudrait pas grand chose pour qu'il revienne au devant de la scène. À Bruxelles la mobilisation citoyenne autour du survol de la capitale (1000 personnes à Auderghem il y a quelques jours, 300 à Etterbeek ce lundi soir) pourrait imposer les nuisances sonores au cœur du débat régional. Et on ne sait pas ce que l'actualité nous réserve. Tant mieux. Le débat politique n'est pas qu'un show pour la télévision. C'est une confrontation d'idee pour nous aider à administrer au mieux la cité. Que le débat soit réel et vif, que les clivages existent, que l'on puissent entendre les arguments, les démocrates s'en réjouissent.
1 commentaire:
"Au cours de ce débat j'ai tendu une perche aux présidents de partis : pouvoir récolter sous forme de tableaux chiffrés les propositions de chacun, j'espère pouvoir vous les publier ici dans quelques jours, histoire de continuer à éclairer le débat."
Merci pour cela. Un peu de synthèse dans cette cacophonie, voilà ce que demande le peuple.
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