J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans une précédente chronique : il n'est pas facile de saisir ce qu'est réellement le Parti du Travail de Belgique. Parce que Raoul Heddebouw et Peter Mertens, qui dirigent et incarnent le PTB côté francophone et néerlandophone, ont réussi ces dernières années une opération de marketing (ils vont détester le terme) sans précédent : changer radicalement l'image d'un parti marxiste microscopique et perçu comme sectaire en un mouvement proteiforme militant, offensif mais ouvert, protestataire mais sympathique, médiatiquement reconnu et désirable pour de nombreux électeurs.
Pour tous ceux qui le liront, l'ouvrage de Pascal Delwit ( PTB , nouvelle gauche vieille recette, éditions Luc Pire) permet de se faire une idée précise et sans ambiguïté de ce qu'est ce parti, au delà de sa superficielle (mais très réussie) communication publique. J'ai déjà expliqué dans ce blog que les militants du PTB étant particulièrement bien formés aux techniques de communication et que c'est finalement sur le terrain international qu'il était le plus facile de saisir leurs références et leur idéologie véritable. C'est donc sans surprise par un long détour consacré au soutien au communisme chinois que Pascal Delwit nous entraîne . Le talent de l'auteur est d'avoir combiné des recherches d'historien avec ses compétences de politologue et d'y avoir ajouté un travail d'enquête proche du journalisme en allant à la recherche de documents et en réalisant toute une série d'entretiens, auprès des dirigeants du parti, de ses militants ou de ceux qui l'ont quitté. Fort de 6800 adhérents, le PTB a aujourd'hui conquis une influence considerable sur le debat politique, grâce au discours de ses principaux leaders dans les médias combiné à une politique d'entrisme (Trotsky, ce faux-frère n'est pas loin) dans les syndicats, ou encore grâce aux organisations satellites que sont Médecine du Peuple ou le Comac (mouvement de jeunesse qui compte 700 adhérents très actifs).
Mais qui sait encore que le PTB est un parti communiste pur et dur qui se reclame du Marxisme-Léninisme ? Que ses militants, se donnant corps et âmes , faisaient quasi vœu de pauvreté et reversaient (faut-il réellement employer l'imparfait ?) une partie substantielle de leur salaire à l'organisation , s'interdisant par exemple l'achat d'un bien immobilier ? Qui se souvient que l'organisation a connu des hauts et des bas qui se sont traduit par des "rectifications" et autant de départs ? Pascal Delwit détaille ces soubresauts minutieusement et livre de nombreuses citations de courrier ou de PV de réunion (on écrit beaucoup chez les marxistes, ce qui est une grande qualité, je le dis sans ironie). Le mérite de l'auteur est d'autant plus grand que le PTB verrouille ses archives et contrôle toujours plus sa communication. J'ai ainsi ou moi-même constater qu'un document cité lors d'une interview radio (celle de Josy Dubié) qui attestait du caractere révolutionnaire du parti (comprenez peu compatible avec la democratie parlementaire) n'était plus accessible quelques jours plus tard. Pascal Delwit a rencontré les mêmes difficultés dans ses recherches. Il décrit un parti qui présente volontiers une salle de restaurant flambant neuve mais dont la cuisine interne doit rester soigneusement cachée. Comme le politologue ne se refait pas, vous trouverez aussi de nombreux tableaux des résultats électoraux obtenu par le PTB dans le passé et une analyse de son électorat, le rappel de ses différentes campagnes, l'influence des partis frères, notamment le SP néerlandais, etc.
L'ouvrage explique donc parfaitement pourquoi ce PTB aux deux visages est devenu si influent. Peut être même que les dirigeants des partis traditionnels devraient le lire. Pour comprendre que quelques recettes simples permettent de porter loin un discours efficace. Et on conseillera aux journalistes et même aux électeurs de le lire aussi. On est jamais trop informé.
6 commentaires:
Lu également, et je partage entièrement l'avis de mon excellent confrère Fabrice.
P. Carlot
A lire égalelement "Première à gauche" le nouveau livre de Raoul Hedebouw.
Le 25 avril, son livre était présenté à l’auditoire Montesquieu, Louvain-la-Neuve.
J'ose espérer que les lecteurs liront aussi la réponse pertinente et circonstanciée de David Pestiau dans "solidaire" qui démonte magistralement les thèses du professeur Delwit qui semble ignorer totalement l'historique des combats sociaux. Peut-être devrait-il mieux se documenter chez sa collègue Anne Morelli!
L'argent qu'ils rétrocèdent, ils ne le prennent certainement pas dans la poche des contribuables! C'est le leur.
Je vois que la peur du rouge fait toujours recette pour éviter les débats difficiles sur des questions difficiles... Le PTB remet en question le modèle libéral dominant qui emmène l'Europe dans un mur, tant mieux ! Faut-il les diaboliser pour autant ? Un conseil : lisez aussi ce que le même Pascal Delwit écrivait avec José Gotovitch en 1996. Notamment sur ceux qui, obnubilés par la "menace communiste en Belgique", s'opposaient de toutes leurs forces au progrès social : http://dev.ulb.ac.be/sciencespo/dossiers_membres/delwit-pascal/fichiers/delwit-pascal-publication174.pdf
On est jamais trop informé...
"Il décrit un parti qui présente volontiers une salle de restaurant flambant neuve mais dont la cuisine interne doit rester soigneusement cachée." puis je lire... ce que est le reflet de la représentation de tout parti confondu. Chaque parti se vente sur des valeurs qu'ils ne respectent plus ou les modifient à leur profit.... Tous n'ont qu'un critère primordial : le "pouvoir", un égo disproportionné, sans plus trop réfléchir aux conséquences de leurs actes... !!!
Enregistrer un commentaire