En écoutant les excuses de Didier Reynders hier soir, j'ai eu envie de relire cette chronique qui date de 2012. A l'époque le vice-premier ministre avait assimilé Molenbeek à un territoire étranger. Les propos avaient provoqué quelques remous, limités, dans l'hémicycle, mais c'est ensuite sur les réseaux sociaux que la polémique avait tellement enflée que Didier Reynders avait fini par faire machine arrière et présenter des excuses. Le parallèle avec la journée d'hier et ses propos sur les enlèvements d'enfants "sans les libéraux au pouvoir" est saisissant.
A l'époque je n'avais pas été tendre avec le dérapage douteux, mais j'avais aussi écrit les phrases suivantes : Il n’est jamais simple pour un homme public de faire machine arrière. Etre capable de reconnaître qu’on a dérapé est une qualité. Il serait sain que ces excuses soient franches et réellement assumées. Personne ne disconvient que le ministre des Affaires étrangères est, en plus d’être d’une vive intelligence, un autenthique démocrate.
J'aurai envie d'écrire la même chose. Sauf que deux fois en deux ans ça fait beaucoup, et qu'un homme avertit en vaut théoriquement deux. Je voudrais donc aller un peu plus loin dans l'analyse.
Bien sûr Didier Reynders est dans un débat électoral. Il répond à une question d'un journaliste et aux arguments d'Elio Di Rupo qui vient d'associer les années Martens-Gol à l'austérité. Comme l'a souligné Bertrand Henne, attaquer Gol c'est attaquer le père spirituel de Didier Reynders et la réaction est épidermique. Le vice-premier ministre MR a donc probablement voulu signifier que la période suivante (le gouvernement Dehaene-Di Rupo) fut, à ses yeux, pire encore. Soit. Cela n'autorise pas la sortie de route.
Depuis 15 ans que je suis Didier Reynders je sais aussi que l'homme rode ses bons mots. Quand il trouve une bonne formule Didier Reynders la teste en petit comité. Puis il l'utilise à de multiples reprises : avec des journalistes, dans une réception, dans un diner, à la tribune d'un congrès. L'assimilation de la Wallonie socialiste à une république soviétique, les critiques récurrentes contre la RTBF ou le journal Le Soir ont ainsi été déclinés sous toutes ces formules. Il est probable que ce qui a été dit au micro de la première hier l'avait été auparavant ailleurs. La différence c'est que l'ironie qui aurait pu permettre de faire passer le propos n'était pas possible dans l'exercice radiophonique.
Enfin, il faut ajouter une dimension qui n'échappe pas aux insiders du monde politique ni aux vieux journalistes donc je fais partie (comme quoi il ne faut pas trop vite ranger les journalistes poussiéreux, ils peuvent parfois servir). C'est face à Elio Di Rupo que Didier Reynders a cette phrase malheureuse. Il ne peut pas ignorer que l'homme a été marqué à vie par les accusations d'Olivier Trusgnach dans la foulée de l'affaire Dutroux. Or à l'époque (on est en 1996) certains libéraux francophones et flamands ont pensé pouvoir tirer bénéfice de l'affaire pour écarter l'étoile montante du PS. C'est une déchirure définitive entre Di Rupo et certains libéraux. Ils le paieront cash en 2004 lorsque le PS préfère l'olivier. Didier Reynders ne peut pas l'ignorer. En s'aventurant sur ce terrain face à cet homme précisément il ajoute une faute à la faute.
Enfin je voudrais m'arrêter sur le fond de la communication de Didier Reynders. Il faut bien écouter : "si j'ai blessé certaines personnes je m' en excuse" indique-t-il devant les caméras à 17h30. C'est une version minimale qui ne s'adresse qu'à ceux qui auraient été blessés. Puis à 19h au journal de RTL TVI le vice-premier ministre indique qu'il présente des excuses "aux citoyens", une formule qui exclue le personnel politique.. En étant ainsi restrictif Didier Reynders fait sans doute savoir qu'il n'a pas aimé être la cible de ses adversaires sur Twitter. Ses excuses restent ainsi un acte politique, un ton en dessous de ce que le grand public perçoit réellement.
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