18 juillet 2014

De Brigitte Grouwels à Bianca Debaets : pourquoi le CD&V doit rajeunir ses cadres


"Minder frans, Meer Brigitte". Le slogan de sa campagne électorale 2004 est resté en mémoire comme une carte de visite. Flamande elle était, flamande elle restera. Bruxelloise d'adoption, Brigitte Grouwels n'aura jamais coupé le cordon ombilical qui la relie à la Flandre. Mieux, au sein du CD&V elle incarnait une forme de loyauté (les mauvaises plumes écriraient soumission)  des flamands de Bruxelles vis à vis de l'état major de son parti. Un exemple ? Interrogez Brigitte Grouwels sur la nécessité de revoir le plan Wathelet ou d'étendre les restrictions de nuit jusqu'à 7 heures du matin, elle vous répondra qu'elle pourrait y être favorable, comme tous les bruxellois... mais ajoutera dans la même phrase qu'il faut consulter les compagnies aériennes parce qu'il ne faut pas nuire au développement de l'aéroport... Le genre de position qui la fait régulièrement passer pour plus sensible aux intérêts flamands qu'aux intérêts bruxellois. À tel point que pour beaucoup d'élus francophones Brigitte Grouwels était un peu l'œil de Moscou (ou celui de la place des Martyrs, siège du gouvernement flamand)  au sein de l'exécutif Bruxellois.

Soupçonnée d'informer les néerlandophone de ce qui se passait à Bruxelles et de permettre par exemple le dépôt de recours contre les décisions bruxelloises, une position pas facile à tenir. Même si cette image est en partie caricaturale, il est vrai que Brigitte Grouwels s'est d'abord fait un nom en défendant l'idée que Bruxelles n'était pas suffisamment bilingue. Une position idéologique qui débouchait automatiquement sur un rapport de conflit avec les francophones, même si devenue ministre Brigitte Grouwels  dût bien se résoudre à aborder d'autres combats, plus gestionnaires et moins communautaires, tout en se retrouvant régulièrement isolée au sein du gouvernement régional. 

Alors que je m'installais comme rédacteur en chef de Télé Bruxelles, Brigitte Grouwels avait tenu à me rencontrer il y a deux ans. Un déjeuner convivial, entièrement en Français, à son cabinet, la preuve que convaincre la presse et le public francophone ne lui était pas si indifférent (peu de bruxellois néerlandophones ont d'ailleurs eu cette démarche). Lors de cette rencontre je lui avait demandé si cette image de "flamande de service" ne lui pesait pas trop. Elle fit d'abord mine de ne pas comprendre la question. J'insistais, lui indiquant qu' il était très facile de la diaboliser et que cela la pénalisait dans des débats tels que l'avenue du port ou la gestion de la Stib. "C'est vraiment comme cela que vous me voyez ? " m'avait-elle repondu. On sentait la déception. Puis, philosophe, elle avait défendu sa position, expliquant qu' elle tenait au lien entre la Flandre et Bruxelles mais que c'était selon elle une forme de garantie pour les Bruxellois et que les francophones devaient comprendre qu'elle les aidait bien plus que la NVA , qui était son véritable ennemi et un véritable danger pour Bruxelles. Je garde de ce déjeuner le souvenir d'une flamande de petite taille, coquette, aux bijoux et à la mise bourgeoise impeccables, s'exprimant lentement et cherchant le mot juste mais respectueuse de ses interlocuteurs. 

À 61 ans Brigitte Grouwels passe donc le relais et retrouve un poste de sénateur de communauté (elle pourra y reprendre son combat pour l'orthodoxie linguistique). Les francophones doivent-ils s'en réjouir ? Pas sûr. Bianca Debaets, qui va reprendre le flambeau, ne leur fera sans doute pas plus de cadeaux. Rappelons nous que la future secrétaire d'Etat CD&V fut celle qui lança la polémique sur le sapin de Noël version cubiste, il y a de cela deux plaisirs d'hiver,  dénonçant un "manquement à la tradition." On a connu des prises de postions plus fines et plus progressistes. 

La vérité est que le CD&V doit faire un saut de génération. Avec seulement 2 députés régionaux  et 11% des suffrages dans l'électorat flamand le parti social chrétien est en net recul à Bruxelles , loin derrière l'open VLD, mais aussi distancé par la NVA, le SPA et Groen. Le soir même de l'élection les flamands de Bruxelles avaient compris que les jours de Brigitte Grouwels étaient comptés ( en apparté Guy Vanhengel, formateur flamand, s'en inquiétait ouvertement : des compétences pour le CD&V d'accord, mais celle qui en héritera sera-t-elle assez forte pour les assumer ? ). On est loin du temps de Jos Chabert ou le parti dominait le côté néerlandophone de la capitale. Avec Brigitte Grouwels c'est aussi la génération de Walter Vandenboscche et Steven Vanackere qui doit faire un pas de côté pour chercher un nouveau souffle susceptible de faire de l'ombre à Pascal Smet ou Bruno De Lille, côté Dansaert, tout en restant très flamand pour ne pas laisser trop d'espace à la NVA. 

La vérité encore est que cette relève est incarnée par Benjamin Dalle, tête de liste à la chambre, et non par Bianca Debaets. Mais la  tradition veut que les partis néerlandophones soient représentés par au moins une femme au sein du gouvernement régional. Le VLD et le SPA ayant désigné des hommes, c'est donc au plus petit parti de se dévouer (oui je sais, les féministes vont hurler, avec  raison, c'est bien de ce terme qu'il s'agit), et c'est le CD&V. Bianca Debaets doit donc à une sévère défaite d'arriver aux affaires. Avec ou sans sapin, ce n'est pas un cadeau de Noël. 

1 commentaire:

Mguy a dit…

Pourquoi passer sous silence sa réflexion "je préfère engager un flamand bilingue incompétent qu'un francophone compétent mais unilingue" ? Cela me paraît pourtant TRÈS important pour dépeindre le caractère, limite raciste, de cette personne et son manque d'intelligence au niveau au minimum de sa communication !