11 novembre 2006

Le kinshasagate


Résumons-nous. L’affaire Immocongo, s’est donc nouée en quelques mois au printemps 2004. La communauté française recherche alors un nouveau bâtiment pour abriter le centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, l’occupation du bâtiment antérieur devenant intenable (conditions financières et état des locaux étaient défavorables). La communauté porte son choix sur un bâtiment qu’il faudra rénover et agrandir, et recherche alors des sociétés immobilières capables de l’aider dans cette opération. Le 21 avril 2004 le marché est attribué à la société bruxelloise « Information et communication » par une décision du gouvernement de la communauté française, attribution confirmée par le gouvernement wallon une semaine plus tard. Mais Jean Claude Van Cauwenberghe fait savoir qu’il convient d’associer une société wallonne au marché (c’est en tout cas ce qu’affirme désormais publiquement Hervé Hasquin, lequel évoquait dans des interviews aux journalistes de télévision ce vendredi un coup de fil direct de Van Cau sur son gsm : les enquêteurs pourront donc vérifier).
Le 10 mai Van Cau obtient gain de cause. Lors d’une réunion qui se tient au CGRI la société intelligence et communication accepte de partager le marché avec une société wallonne pourtant écartée du marché et administrée par des connaissances de Van Cau (il s’agit de Daniel Lerun, réviseur, et de son épouse Simone Gauquier). Des représentants des cabinets Hasquin et Van Cauwenberghe participent aux tractations. Ensemble les deux sociétés immobilières monteront Immocongo SA. Un courrier est alors adressé au parton du CGRI Philippe Suinen pour confirmer l’accord. A la mi-mai le marché (sans que les conditions de l’offre ne soient modifiées) est donc ré-attribué à la nouvelle société par les gouvernements de la région wallonne et de la communauté française.
Cette location avec option d’achat porte au moins sur 6 millions d’euros (le calcul précis n’est pas possible puisqu’il s’agit de sommes indexées). On peut souligner qu’un premier avis de l’inspection des finances (datant du mois de mars 2004) évaluait l’opération (achat + rénovation) à 3 millions, mais l’inspection relativisera ce premier avis très négatif lors des avis suivants. De la somme finalement investie (mais en cours de renégociation semble-t-il), on notera en passant qu’elle est plus élevée que l’enveloppe actuellement discutée entre la communauté et les syndicats d’enseignants dans le cadre des négociations sectorielles 2007-2009 (5 millions) ou encore qu’elle est 20 fois supérieure à la rénovation du siège de la communauté (la fameuse affaire de la « douche », 300 000 euros pour l’ensemble dont 6 000 euros pour la douche en question) : Dans le contexte budgétaire de la communauté ce n’est pas anodin. Si la justice découvre des irrégularités il s’agira donc d’un scandale de grande ampleur.

Si Jean Claude Van Cauwenberghe est incontestablement au cœur du dossier, il n’est pas le seul acteur de cette affaire. Sur base du témoignage d’ Hervé Hasquin et des documents que l’auteur de ce blog a pu consulter on peut ainsi établir que :

1) Jean Claude Van Cauwenberghe s’est opposé à la concrétisation d’un marché attribué suivant les règles. Il a usé de son influence pour remettre en selle une société écarté au cours de la procédure.
2) Hervé Hasquin a cédé à la pression. Il accepté l’idée que des sociétés wallonnes et bruxelloises devaient être associées dans l’opération et participe à ce que l’on doit qualifier de « petit arrangement entre ministre-présidents »
3) Les ministres du gouvernement wallon et du gouvernement de la communauté française de l’époque ne pouvaient pas ignorer l’opération. Qu’un marché public passe deux fois sur la table du gouvernement aurait du éveiller leur attention. Pour rappel Serge Kubla, Charles Michel, Michel Daerden (entre autres) siègent à l’époque au gouvernement wallon, Christian Dupont et Jean Marc Nollet à celui de la communauté.
4) Une administration wallonne (le CGRI) a participé aux négociations qui ont permis à une société privée de bénéficier d’un marché public alors qu’elle en avait été écartée. L’administration cautionne donc le « yalta » de Kinshasa.
5) Les dirigeants d’Intelligence et communication ont acceptés de renoncer à un marché attribué régulièrement et vont finalement travailler avec un concurrent qui semble leur avoir été imposé sans juger utile d’alerter la justice.

Il appartient au juge d’instruction de dire si ces faits sont délictueux ou pas. A ce stade on se contentera d’écrire que les acteurs du dossier ont pris des libertés avec l’esprit de la loi sur les marchés publics. Celle-ci impose aux autorités publiques dans de telles procédures de retenir la meilleure offre au meilleur coût. Pas de rééquilibrer un marché entre sociétés wallonnes et bruxelloises.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Eh bien, bravo, belle analyse du dossier. Mais franchement, ce que vous dites-là laisse pantois : ils sont donc quasi tous au courant de la magouille, en sont les auteurs ou du moins laissent faire ? Comme disait avec raison un autre intervenant : ce n'est pas une question d'hommes, c'est le système qui est sclérosé, et c'est le système qui produira de nouveaux scandales semblables. Ce n'est vraiment pas réjouissant. Célestin

Anonyme a dit…

Pourquoi ne cite-t-on pas le nom de l'administrateur qui a démissionné récemment, proche de H.Hasquin ? (cf moniteur belge)

Anonyme a dit…

Monsieur Grosfilley, si comme vous le montrez, trop de monde a trempé dans l'affaire, cela se terminera en "eau de boudin". Incriminer Van Cau, Hasquin, et puis Kubla, Michel "junior", et les autres, ne se fera pas. C'est trop. Il n'y aura pas d'inculpations... Triste à dire.

Anonyme a dit…

D'accord avec les autres, le pire constat ds cette nouvelle affaire est de se dire que l'on retrouve tous les partis : écolo, ps, mr !! Ils ont tous brillé par leur incompétence ... Le dossier de location était p-ê en Anglais ? ou en Inghala ? ...

La question qui me vient à l'esprit est que faire devant un tel manque de respect de la démocratie ? Une X ième affaire, une de plus, pour quels conséquences ? pour quel changement ? Aucun ! Vous soulevez le couvercle d'une casserole remplie "d'affaires" et vous le refermez bien vite car vous vous aprecevez que vos amis baignent égalament dedans ! Voilà le système wallon actuel !

Anonyme a dit…

thanx pour ce bon résmé ... ça donne quand même un chouia l'impression que les ficelles sont à chaque fois tirées pour renvoyer l'ascenseur aux copains. Et qui dit "renvoi" dit aussi "envoi".. je me demande de quelles largesses van cau &co ont pu profiter pour déployer une telle énergie à enfreindre l'esprit de la loi :-)

Anonyme a dit…

je ne comprends toujours pas pourquoi ces scandales voient le jour maintenant. comment ca se fait que personne n'a vu cela quand ca s'est passe ? il y a quand meme des gens qui controlent les decisions des gouvernements, des rapports publics qui detaillent ces decisions, des journalistes pour decortiquer au moment meme ces decisions. Pourquoi faut-il des mois voire des annees pour decouvrir ces disfonctionnements ?

vincent

ph@Zэя a dit…

Je suis du même avis que Vincent, comment se fait-il que ces histoires "sortent de l'ombre" après autant de temps, ces gens ne sont-ils pas contôlés ?
a moins que les personnes chargées de les contrôler soient également mouillées jusqu'au cou !

C'est triste, mais notre pauvre Belgique (ou dû moins la Wallonie) ressemble de plus en plus à une de ces républiques bananières qu'il n'y a pas si longtemps, un de nos ministre flamand critiquait ouvertement !

Je comprends maintenant pourquoi il a a autant de ministres dans notre petit pays ... ils veulent tous leur part du gâteau !