Il semble incorrigible. Ce weekend Yves Leterme a accordé à la chaîne Euronews une interview où il défendait le code flamand du logement. Pire, le premier ministre a laissé publiquement percer son peu de considération pour les inquiétudes d’institutions comme les Nations Unies ou la Commission Européenne : « Je crois que les juristes qui approchent ce dossier devraient savoir qu'au-delà de leurs cogitations très intéressantes au niveau juridique il y a un drame social ", indiquait-il au reporter de la chaîne européenne avant d’expliquer que la mauvaise compréhension du néerlandais est source d'injustices sociales. « Il y a des enfants, aujourd'hui, qui entament leur scolarité sans connaître ni le français ni le néerlandais. Et donc, au-delà des Nations-Unies, de la Commission européenne et des rapports très savants qui ont été publiés, il faut surtout essayer de résoudre cette question sociale ». Ceux qui ont pu visionner l’entretien dans sa durée peuvent constater que le premier ministre a hésité avant de répondre à Sergio Cantone. Il a très bien senti le piège se refermer sur lui, et le long silence qui précède sa réponse lui a probablement permis de soupeser l’intérêt qu’il avait à se taire ou pas.
Soyons de bonne composition : il n’est pas illogique de vouloir faire œuvre pédagogique et d’expliquer les dessous d’un dossier complexe à un public européen. Et Yves Leterme a le doit de défendre ses opinions (il était ministre président lorsque le fameux code a été adopté). Mais en employant le terme méprisant de « cogitations » vis à vis d’institutions internationales et en omettant de préciser que les francophones ne se reconnaissaient pas dans son analyse le premier a dérapé. Ce n’est pas la première fois et cela ne sera sans doute pas la dernière.
Très logiquement les francophones ont donc fait part de leur désaccord. « L’attitude d’un premier ministre c’est d’entendre ce que dit la communauté internationale et pas de réagir comme le premier flamand » indiquait l’écolo Christos Doulkeridis sur bel RTL lundi matin. Le président du FDF Olivier Maingain estimait de son coté qu’Yves Leterme, par ses déclarations « nuit aux intérêts de la Belgique » et proposait de créer une agence chargée de veiller au respect des engagements internationaux du royaume. Honnêtement cela aurait pu être bien pire. Le MR ce lundi ne réunissait pas son bureau (Didier Reynders étant à l’étranger), le PS s’occupait d’affaires Wallonnes à Namur et ses principaux leaders ne souhaitaient pas accorder d’entretien à la presse sur ce « dérapage ». Idem au CDH. Au final aucun communiqué de presse n’a été publié sur la question. La machine médiatique et politique ne s’est pas emballée et l’entourage d’Yves Leterme a sans doute poussé lundi soir un ouf de soulagement.
Ce volontaire manque de tact communautaire du premier ministre ne doit pas masquer un autre dérapage, collectif celui-là. Je veux parler de la saga de la TVA sur les terrains à bâtir. Que les choses soient claires : la décision d’instaurer cette taxe a été prise collectivement dans le cadre des discussions budgétaires et inscrite dans la loi programme. Yves Leterme ne peut pas ne pas l’avoir vu passer et a nécessairement dû donner son aval. Voir ensuite les barons de son parti, Chris Peeters en tête, partir en guerre contre cette décision est plus que surprenant. Constater que l’open VLD est entré dans la danse et que le fédéral s’apprête à faire machine arrière est consternant. L'affaire est une illustration parfaite de la hiérarchie des intérêts telle qu’elle est défendue par le monde politique du nord du pays : la Flandre d’abord, le fédéral ensuite. Voici donc une mesure avalisée par tous au fédéral qui risque d’être retirée parce qu’elle déplait au gouvernement flamand. Pouvons nous imaginer qu'une fronde du gouvernement wallon produise les mêmes effets sans que les élus et les journalistes flamands ne s'en émeuvent ?
Voici donc un premier ministre qui recule bien vite sous la pression de ses amis. Faire à ce point preuve de manque d’autorité n’est pas un bon départ.
6 commentaires:
Le gouvernement flamand se sent en droit de réclamer de changer la position du fédéral parce qu'il représente la région majoritaire de ce pays. C'est tout. Et tout le monde au nord trouve ça effectivement normal.
Je me souviens d'un article lors de la rentrée parlementaire dans le journal Le Soir où un député CD&V disait des nouveaux élus de son parti qu'ils se croyaient arriver, je cite, dans une chambre flamande.
Beaucoup d'autres exemples récents le prouvent. Ainsi une loi flamande prévaut sur la constitution de même qu'un règlement communal flamand dans l'esprit de nombreux élus du nord. Le journal français Le Figaro revenait hier sur le règlement d'Overijse sur l'interdiction de pancartes dans une autre langue que le néerlandais et donc même pour une pancarte anglaise. On peut y lire un commerçant qui a eu des dégâts de flamingants à cause de publicités dans les deux langues et qui a voulu porter plainte à la police communale, cette dernière qui a d'abord dit qu'il était dans son droit, l'a rappelé pour dire que le règlement communal prime sur la constitution belge : http://www.lefigaro.fr/international/2008/04/14/01003-20080414ARTFIG00384-bataille-linguistique-en-flandre.php
Denis Ducarme a encore interpellé Vandeurzen pour agir sur des règlements communaux contestés sur trois communes du brabant flamand, ce dernier ne voulant pour l'instant pas réagir alors qu'il en a la compétence.
Et pendant ce temps, certains éditorialistes flamands disent que les francophones avec les 3 bourgmestres violent l'état de droit et en viennent à penser à scinder ce pays. Ca laisse assez pantois.
Après avoir lu et vu différentes interviews, parfois fouillées, de notre Premier, mon sentiment est qu'il est difficile de percevoir les convictions profondes de cet homme sous son discour polissé. Mais j'ai malgré tout l'impression qu'on est là avec un homme au fédéral pour le bien de sa région en ligne de mire... Mr Verhofstad avait selon moi une vision plus large, plus européenne des choses. Même si sa dernière note sur la régionalisation n'était pas "tendre", comme analysé sur ce blog (que j'adore suivre) au moment de sa sortie... Nous n'avons plus qu'à attendre la suite: prochaine étape de la crise --> juillet 2008
La fonction met visiblement beaucoup de temps à faire l'homme...
Rien à voir, mais excellent sujet hier sur KBC et l'Afrique du Sud :-) Clair, didactique, complet et "to the point" pour un dossier pourtant très complexe. Bravo!
A Jean- Yves : merci, cela me fait plaisir. Une erreur (et donc un regret) quand même : au sujet d'une commande de C130 j'ai dit "kenya" à la place de "corée"... un peu de fatigue sans doute.
J'écrirai un billet sur la question dès que possible. Il n'est pas banal de mettre en cause une banque belge pour une participation, même lointaine, au régime de l'apartheid. Mais je suis assez surpris du silence de la presse écrite ce matin (à l'exception de Trends)...
Mmm, ils doivent digérer le truc. Ils commenteront sans doute l'audience. Néanmoins, si l'ampleur se confirme, c'est parti pour durer...
Ce qui n'empêche pas l'action KBC d'être en hausse aujourd'hui à la Bourse de Bruxelles ...
G.
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