18 avril 2008

Petit péché d'orgueil, grosses conséquences


Les deux dernières semaines ont donc été dominées par les polémiques autour de Frédéric Laloux, puis par un débat sur l’organisation des institutions francophones. Je ne ferai pas l’injure aux deux ministres présidents de penser que les deux événement sont liés ( et que le second épisode ferait ainsi office de diversion du premier, Rudy Demotte et Charles Picqué sont au dessus de cela) mais je ne peux m’empêcher de penser que l’un et l’autre doivent être lus au travers d’un même prisme : celui d’un affaiblissement relatif et progressif d’ ElioDi Rupo.


Ces dernières années le président du PS a régné en maître sur la politique francophone. Son goût pour la communication, le changement de style qu’il a imposé à son parti, sa maîtrise de l’agenda et sa stratégie en faisait l’incontournable numéro 1 au sud. Longtemps le patron du boulevard fût incontesté au sein de son parti et jalousé en dehors. Cette époque a pris fin lors des élections de 2007 (le MR est désormais premier parti francophone) mais il aura sans doute fallu 9 mois supplémentaires pour qu’on en mesure toutes les conséquences.


En désignant des secrétaires d’état inattendus Elio Di Rupo réitère une politique qui lui a souvent réussi lors de la nomination des exécutifs : créer la surprise, et donc focaliser l’intérêt des médias, propulser de nouveaux visages, et donc renouveler les cadres du parti, réaffirmer son autorité et exposer au grand public les candidats de l’élection suivante dans les arrondissements les plus sensibles. Sans doute le casting est il moins réussi cette fois-ci. Mais il conviendrait sans doute que les analystes et les concurrents politiques conservent un peu de mémoire : on connaît des nomination de secrétaires d’état à la famille (FDF) ou des exécutifs bruxellois (avec des personnalités pour lesquelles Philippe Moureaux, très critique aujourd’hui, était à la manoeuvre hier ) qui ne furent pas beaucoup plus brillantes.


Le péché d’orgueil du président du PS est sans doute d’avoir pensé que ses choix seraient, comme toujours, approuvés par les ténors du PS, au moins sur la place publique. Elio Di Rupo a sous-estimé le malaise qui couve au sein du parti socialiste. Certains parlementaires étaient au bord des larmes paraît-il lorsqu’ils ont appris la composition du nouveau gouvernement. D’autres ne cachaient pas leur colère ou semblaient démobilisés, convaincus que la défaite était désormais inéluctable lors du prochain scrutin. Ce ras-le-bol des « cadres intermédiaires » (ceux qui « rament » pour décrocher leur siège) a été signifié au grand chef lors d’une réunion du groupe parlementaire socialiste. Ce malaise a fini par déborder dans les journaux, radio et télévision. Elio Di Rupo a reçu un message clair de son vice-président bruxellois : il n’est plus seul maître à bord et doit se résoudre à une direction plus collégiale à moins d’être poussé vers la sortie plus tôt que prévu.


Si le débat institutionnel n’a de prime abord rien à voir avec la désignation de Fédéric Laloux, il est difficile, là aussi de ne pas voir un affaiblissement d’Elio Di Rupo. Il y a moins d’un an une telle initiative n’aurait été prise que par le montois lui-même. Qu’elle émane cette fois-ci de Rudy Demotte et Charles Picqué, même si l’on peut imaginer que le président du PS a au moins été averti (ou impliqué) dans la démarche, est donc aussi un signe que les rapports de force évoluent au boulevard de l’empereur. C’est vrai aussi sur le fond : Elio Di Rupo a jadis évoqué une « patrie francophone ». Il était plutôt perçu jusqu’ici perçu comme un « rempart » contre les tentations régionalistes. Mais attention : l’affaiblissement est relatif, et si un débat interne est possible ces jours-ci il deviendra suicidaire dès que les élections approcheront (et cela sera très rapide). Ceux qui contestent Di Rupo aujourd’hui sont condamnés à rentrer dans le rang au nom de l’intérêt du parti et les successeurs potentiels n’ont pas intérêt à provoquer un effondrement général avant 2009. Ce dimanche le président du PS tentera même de reprendre la main sur les plateaux de télévision.

Reste à décoder la fameuse carte blanche du Soir. Celle-ci préconise, ce que je pourrai résumer par un « renforcement du fait régional » et une « confédération bruxelles-wallonie ». Mais Rudy Demotte et Charles Picqué sur les plateaux télévisés jeudi soir insistaient sur leur souhait de conserver la communauté française (les journalistes à les entendre auraient forcé le trait). A vrai dire la carte blanche peut sans doute être lue sous plusieurs angles. Et faire plaisir à un panel très large qui va de Jean Claude Van Cauwenberghe (régionaliste affiché) à des personnalités beaucoup moins en pointe sur ce combat là comme Serge Kubla ou Marcel Cheron.


Je ne peux m'empêcher toutefois de souligner un tournant : les francophones, hier "demandeurs de rien", auront bien besoin de négocier avec la Flandre, surtout s'ils veulent toucher à l'architecture des institutions bruxelloises. Cela change tout. Il suffit de lire le communiqué courroucé du parti de "madame non" pour s'en convaincre.

Regarder l’interview de Jean-Claude Van Cauwenberghe
Regarder l’interview de Charles Michel

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai quand même des doutes sur la négociation pour la région bruxelloise. La Flandre espérait la fusion de la Communauté Française et de la Région Wallonne et que la région bruxelloise soit sous tutelle des deux régions-communautés ensuite comme le prévoyaient les résolutions flamandes de 1999. Là, certains crient à l'annexion de Bruxelles par la Wallonie. Je ne crois pas qu'ils vont transiger et surtout que le refinancement bruxellois sera acté. Le premier refinancement venant de la Flandre a déjà été remis en cause à peine l'ancre séchée. Je vois mal la Flandre refinancer Bruxelles dans cette perspective même si beaucoup de réactions flamandes sont je crois disproportionnées exprès car le texte certes ne parle pas des flamands de Bruxelles ce que dénonce Brigitte Grouwels mais s'il le faisait ce serait tout autant dénoncé. J'ai donc beaucoup de mal à croire que la Flandre laisse faire les francophones plus loin qu'un rassemblement des ministres bruxellois et wallons dans une communauté française revisitée, car ce n'est pas dans son intérêt de reconquérir Bruxelles.

Anonyme a dit…

Pauvre Frédéric Laloux... Il s'était retrouvé secrétaire d'Etat sans avoir rien demandé,
et qqs litres d'essences + tard, il devient (tjs sans l'avoir voulu) symbole d'enjeux qui le dépassent; le score du PS aux prochaines élections (et surtout à Bruxelles, c'est cela qui fait paniquer Philippe Moureaux), l'affaiblissement interne d'Elio Di Rupo, l'ambition (légitime ou non, ça n'est pas le propos) d'autres "qui étaient là d'abord"...

Comme le disait Philippe Moureaux : "c'est dur mais c'est la politique".

Fabrice, j'ai vu votre papier vendredi soir. Et la démission de Fr Laloux est intervenue dans la journée de samedi. Vous doutiez-vous de qq chose? Un vent favorable?

En ce qui concerne la carte blanche de Rudy Demotte et Charles Picqué, j'avoue ne pas encore bien voir ce qu'il y a de si neuf dans leurs idées...
On aura bien l'occasion d'en discuter lorsque cela se concrétisera, qu'il y aura vraiment une négociation avec le sflamands.
Des ministres à double casquette ce n'est pas neuf, Charles Picqué lui-même l'a déjà été (Culture + présidence du gouvernement bxlois), pas pour le + grand bonheur de son administration m'a-t-on dit d'ailleurs...
Les deux Ministres-pdts ont eu l'audace de s'exprimer tout haut, et l'intelligence de le faire au moment où leur parti faisait - à nouveau - parler de lui autrement que par ses projets et actions.
Quoi que, s'ils avaient attendu une petite semaine, ça sortait après la démission de Laloux...

Michel Bxl

Anonyme a dit…

Oui enfin, comme le dit si bien Reynders, pourquoi ne réalisent-ils pas tout de suite ce projet ?
Qu'ils débarquent trois ministres de la communauté française et intègrent trois Bruxellois et le plus gros de la réforme est fait...
C'est typiquement le genre de réflexions à la reynders qui font grincer des dents mais force est ici de constater qu'il a raison : on comprend mal pourquoi deux (trois en fait) présidents d'exécutifs choisissent une carte blanche pour s'exprimer au lieu de décider via les pouvoirs qui sont les leurs !