Vous avez peut être partagé mon étonnement en découvrant les journaux télévisés de ce samedi midi (à moins bien sur, que vous ne fassiez partie de mes honorables lecteurs qui se sont rendus sur place) : à l'université d'été du PS Elio Di Rupo, Paul Magnette, et avant eux leur homologue français Harlem Désir, se sont exprimés devant un fond bleu. Oui, vous avez bien vu, bleu. Entendons-nous : pas un bleu vif libéral, non, un bleu ciel dégradé, assez pâle, mais bleu quand même. En soi c'est une petite révolution. Ca mérite qu'on s'y arrete.
Tout les spécialistes en communication vous le diront, en Belgique, les couleurs sont extrement connotées (bien plus qu'en France, ou vous verrez facilement un socialiste porter une cravate bleue ou un libéral avec un noeud pap rouge alors qu'à Bruxelles c'est imaginable uniquement pour carnaval). Mais si on passe outre cette symbolique politique, le rouge est perçu comme une couleur aggressive, celle de la vitalité, du sang, du désir mais aussi celle de la colère. Le rouge est la couleur des révolutionnaires, c'est aussi celle de la domination, du pouvoir (regardez les tapis du Sénat) et si vous tirez vers le pourpre celle des puissants. Bref, une couleur un poil autoritaire et trop agressive. En tant de crise, et au démarrage d'une campagne, un facteur d'anxiété alors que le parti socialiste entend se poser en parti de la stabilité.
Le bleu, et surtout un bleu pâle, c'est le rappel du ciel, l'horizon qui se dégage, la légereté, la douceur. Le bleu c'est aussi la pureté de l'eau, la preuve que les choses coulent de source. Ce n'est pas de la psychologie de cuisine, et vous pouvez être surs que ce choix a été murement réfléchi. Voici donc un parti socialiste qui adopte une identité visuelle plus calme, apaisante, en un mot, moins belliqueuse parce que le parti s'adresse à tous les citoyens et plus seulement aux adeptes du drapeau rouge. Ajoutez une frise de sapin genre forêt des Ardennes et vous avez un cliché bucolique, genre nous sommes toujours en vacances.
A bien y réfléchir cette histoire de couleur n'est pas le seul clin d'oeil à l'électorat centriste ou libéral. Derrière les orateurs on pouvait lire "le progrès ça se partage", un slogan qui sonne comme une réponse à "l'avenir ça se travaille" du Mouvement Réformateur. Sans doute ses promoteurs feront-il valoir que le progrès est une valeur plus positive alors que l'avenir peut se montrer incertain. Les détracteurs feront eux remarquer que c'est le travail qui transforme l'avenir en progrès, et le débat sera sans fin.
Interessons-nous maintenant à l'organisation de ces rencontres d'été. Le PS a inscrit son évènement à deux pas de la la fête des solidarités à Namur. Un événement de caractère festif donc, avec de nombreux concerts, et initié par les mutualités socialistes. Sur un plan de l'organisation voici une formation qui profite du public que d'autres que lui ont attiré à Namur. C'est un mélange des genres dont on pourrait discuter. Sur le plan symbolique voici un parti qui s'inscrit dans le coeur du débat social et qui vient sur le terrain des mutualités, des syndicats et de jeunes amateurs de musique. Pour un parti socialiste qu'on dit en froid avec les syndicats c'est un démenti parfait. Le politique n'est plus à l'écart, il est là au plus prêt des valeurs ouvrières. En même temps, il y est sans que cela soit vraiment de la politique ; c'est de la récupération et de la communication soft. Les amateurs de musique auront d'ailleurs reconnu le chapiteau du magic mirror, une salle de concert qu'on peut voir au Brussel Summer Festival ou dans d'autres grands rassemblements musicaux. Nous ne sommes plus sur un terrain strictement politique, au propre comme au figuré. Ajoutez le début des fêtes de Wallonie, qui se tient au même moment dans la même ville et l'opération séduction grand public est parfaite.
Bref, derrière le relooking de sa tribune le PS veut faire passer l'idée qu'il quitte ses habits traditionnels pour se rapprocher des citoyens et s'adresser au plus grand nombre. Troquer du rouge pour du bleu en début de campagne, c'est une volonté de casser les codes et de vous dire que le PS entend désormais parler à tout le monde. Quand on a dans ses rangs le premier ministre et qu'on veut se positionner en garant de la stabilité et de la sécurité de tous, les gouts e les couleurs du du communicant rejoignent la stratégie électorale. Quitte à ce que le rouge revienne dans quelques mois.
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