20 décembre 2007

Guy Verhofstadt et le miracle de Noël


Il a la réputation d’avoir la baraka, et une fois encore elle ne lui a pas fait défaut. Guy Verhofstadt vient de réussir un retournement de situation spectaculaire. Mardi en fin d’après midi les carottes de Guy semblaient tellement cuites qu’elles en étaient devenues immangeables. Et puis il y eu ce déclic : vers 18 heures les présidents de partis francophones, tous invités dans les JT, annoncent, à la demande du premier lui -même paraît-il, qu’ils ne viendront finalement pas sur les plateaux.


L’auteur de ce blog qui était ce jour là l’éditeur du journal de RTL, avoue avoir eu une bouffée d’angoisse sur le coup de 18H10 : genre – je sais que nous sommes entre nous- : «mer-bip de censure-, les rats, qu’est ce qu’on va mettre dans ce journal maintenant, put-rebip de censure-, pourraient prévenir avant ces zouaves, savent pas ce qu’ils veulent ». Je vous rassure il y eu quand même un journal sur RTL TVI 50 minutes plus tard, l’essentiel fût bien consacré à la crise politique, et, mieux encore, ma consoeur Kathryn Brahy, en duplex rue de la loi, nous expliqua fort justement que si les présidents déclinaient l’invitation (et on sait que l’appel du plateau télé fait aux politiques un effet comparable à celui d’ un verre de chimay bleu sur un journaliste en fin de journée : un appât auquel il est difficile résister) c’était justement pour laisser une chance à la négociation et que c’était bon signe. Bien vu Kathryn. J’ai déjà souligné, et je ne suis pas le seul : une véritable négociation impose une pause dans la communication.

En milieu de soirée tous les clignotants étaient donc repassés au vert (bien que le verts ne soient pas là justement, j’y reviens dans quelques lignes). A 1h30 sms du porte parole du premier « de premier heeft de situatie gedeblokkeerd ». Série de sms pour confirmer et coup de téléphone avec l’équipe de reportage (les courageux) qui campe au CDH : « oui, ils sont toujours là, non Joëlle n’a pas encore parlé, ça fait 3 heures que tu nous dit de rester-3ième bip de censure- quand est-ce qu’on va se coucher ? ». Bon, le temps de me rendormir il était 3 heures, mais on a pas un gouvernement tous les jours.

A première vue ça ressemble donc à un miracle de Noël qui aurait juste une semaine d’avance. Avec Guy dans le rôle du créateur, Joëlle en vierge Marie (« j’ai rien demandé, je vous jure, on l’a voulu pour moi, mais quelle responsabilité »), Didier en Joseph (il est là tout le temps mais la conception du miracle lui a un peu échappée) Yves, Jo et Elio en costumes de roi mage (manque un Melchior, je sais pas si vous avez remarqué). Bon je m’arrête là car je sens que je suis à la limite du blasphème.

A première vue aussi ça ressemble à un triumvirat. Guy n’aura que deux vice-premiers ministres, qui de plus piloteront désormais la formation du gouvernement définitif (notez que deux pilotes dans un F16 c’est le crash assuré). Mais il faut se méfier des apparences. Si PS, CDH et VLD n’ont pas de vice-premiers ils seront bien présents en Kern (le conseil restreint où tout se décide) et devraient même bénéficier de « cabinets vice premier » (un cabinet élargi qui permet d’avoir des collaborateurs dans toutes les matières gouvernementales, histoire de suivre le travail des collègues et de préparer les grandes décisions). Il y a un précédent : Magda Alvoet pour Agalev n’était pas vice première ministre non plus, mais elle assistait au kern de l'arc-en-ciel quand même.

Ces deux « vice-premiers » ne vont pas avoir la vie facile. Yves Leterme n’a toujours pas sa réforme de l’état, et il lui reste trois mois pour la trouver, ou faire semblant de la trouver en espérant que la NVA de Bart feindra de croire que c’est vrai. On peut voir la mention d’une date pour passer de l’intérim au définitif et de Guy à Yves (le 23 mars) de deux manières : soit Guy s’est vraiment engagé, soit Yves s’est laissé enfermé dans une date. Beau piège, même s’il vaudrait être fou pour ne pas respecter la parole donnée dans un cas pareil, car ce serait la crise assurée.


Didier Reynders termine la période de formation dans un état moins flamboyant qu’il ne l’avait commencée. Dans la nuit de mardi à mercredi le président du MR a bien du accepter la large coalition francophone qu’il récusait quelques heures plus tôt. La reculade nocturne était devenue incontournable après la demande publique du CD&V d’intégrer le CDH dans la coalition (je vous signale au passage que la période de Noël est propice aux réunions de familles qui, souvent, s’ignorent le reste de l’année). Le président du MR, qui aurait pu être l’homme fort de l’orange bleue s’est retrouvé isolé. Et même s’il garde une partie des manettes en main il doit faire face à un front PS-CDH réel. Ce sera problématique pour 2009 : à l’exception d’Ecolo le président du MR n’a que des adversaires face à lui et ne peut, à ce stade, guère envisager de stratégies d’alliances susceptibles de lui ouvrir les portes de la région wallonne. On peut gagner les élections seul contre tous. Gouverner exige en revanche des compromis et des alliances, pas un flingage permanent. Mais il peut y avoir d’autres miracles d'ici aux régionales.

Elio Di Rupo, dont on aurait pu penser qu’il allait bientôt avoir son avenir derrière lui (l’avant dernier baromètre RTL-La Libre n’était pas bon) opère un rétablissement spectaculaire. En position de nommer des ministres, un président du PS est toujours plus influent. Je sous signale au passage aussi qu’ Elio a ressorti son nœud papillon et son costume d’homme d’Etat qu’il affectionne tant. Mais le PS devra affronter un SPA dans l’opposition. Schizophrénique.

Joëlle Milquet doit faire face à une grogne interne : 6 mois de bataille pour un seul poste ministériel est un maigre butin, surtout si vos « partenaires » annoncent eux même le nom du lauréat, ce qui laisse penser qu’il a fallu négocier une nomination qui est habituellement l’essence d’un pouvoir présidentiel. De plus Joëlle va de nouveau retrouver ses amis Bart et Didier (on ne sait pas lequel elle préfère) au mois de janvier, ce qui va la mettre encore dans des états pas possibles. Mais son boom dans les sondages devrait la consoler.

Les verts, seuls gagnants de l’élection (Ecolo était passé en juin de 4 à 8 sièges) n’entreront pas au gouvernement. Et à dire vrai on les a senti un peu hors du coup. Il n’est pas exclu que l’on fasse quand même appel à eux un jour ou l’autre : avec 101 sièges la nouvelle coalition gouvernementale dépend des voix de la NVA et du FDF pour atteindre la majorité des deux tiers, c’est un dépendance assez inconfortable. Mais les écolos ne sont pas le seuls à être à même de faire l’appoint, le SPA s’étant également déclaré disponible. Seul dans l’opposition le parti vainqueur doit ruminer. D’autant qu’une progression en 2009 ne lui ouvrira pas forcément les portes du pouvoir non plus.

Le seul vrai gagnant est donc Guy Verhofstadt qui a réussi en une nuit ce que tous les autres n’ont pas réussi en 6 mois : transformer une situation de blocage en compromis, grâce à un peu d’enthousiasme et une bonne idée (ne pas aller sur les plateaux de télé). Super Guy a donc sauvé la Belgique du ridicule, permet à tout le monde de ne pas vivre ce traumatisme redouté d’un premier de l’an sans gouvernement, laisse en selle pour la suite Leterme et Reynders tout en préparant l’avènement du premier nommé avec l’arrivée des cloches de Pâques. Beau lapin sorti d’un chapeau magique ce gouvernement Verhostadt III est donc un gouvernement de transition qui s’autodétruira au quatrième bip (il n'est pas exclu que ce bip là soit une motion de censure si la formation du gouvernement définitif tourne au vinaigre). Rien d’autre. Mais au passage Guy se repositionne sur la scène européenne, et on ne sait jamais, des fois qu’un poste se libère…

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Miracle? Plutot arrangement avant la fin de l'année pour ne pas perdre les cadeaux de fin d'année, rien n'est gratuit chez nos hommes politiques, et notre Guy était dans la panade depuis longtemps, donc une merveilleuse occasion de se remettre en selle à peu de frais en installant un gouvernement de tous les dangers, comme un camion sans freins, dans une belle descente, attendons le premier virage.
http://flamingants.skynetblogs.be

Anonyme a dit…

bon allez je reconnais le prono corret pour l'asymétrique numérique avec 3 partis francophones et 2 partis flamands. Perso, j'y croyais pas. Félicitations Mr grosfilley mais je pense qu'il y a qd même une bonne dose de chance sur le coup... ;-)

Unknown a dit…

très très chouette billet Fabrice. Il y a tout dedans ! Profite bien de cette "trêve hivernale" pour te reposer un peu, pas sûr que ça dure :-)

Anonyme a dit…

A voir ! site d'images humour actualité belge...
http://orangebleue2007.space-blogs.com
Très chouette adresse.
Tous les jours de la semaine sur ce blog une image d’humour sur l’actualité belge :
(Allez dans Album photos > ‘image du jour’ - Pour les anciennes images, allez sur Album photos > ‘novembre 2007')
N’hésitez pas à faire circuler l’adresse.
C’est fait pour ça!

Anonyme a dit…

Evénement sur l’internet politique belge !


Chattez avec les élus Ecolo et Groen ! en direct du Parlement

Le groupe ECOLO-GROEN! vous propose une séance de « chat » (dialogue en direct sur internet), depuis la Chambre, ce dimanche à partir de 14h à 16h ou plus si nécessaire.

Après qu’il n’ait pas été invité autour de la table des négociations, Ecolo assumera pleinement ses responsabilités dans une opposition qu’il veut utile, propositionnelle et vigilante quant aux intérêts de tous les Belges. Quant au Gouvernement, Ecolo constate avec inquiétude qu’aucun des Ministres ne semble s’être réellement soucié du programme qu’il mettra en œuvre, ne fut-ce que pour les trois mois à venir.

Vous avez des questions, des remarques, des suggestions ? Connectez-vous, Isabelle Durant, Jean-Marc Nollet, Tinne Vanderstraeten, Zoé Genot, Stefaan Van Hecke, Wouter Devriendt et d’autres mandataires vous répondront en direct et sans tabous. Jacky Morael aura le plaisir d'être médiateur des débats avec les citoyens.



Invitez-vous dans le débat sur la déclaration gouvernementale

Ce dimanche 23 décembre à 14h sur www.ecolo.be

Anonyme a dit…

L'EMPREINTE DE LA DROITE !


Tout arrive. Même un nouveau gouvernement fédéral dans la Belgique fédérale !

Un gouvernement intérimaire chargé d'ouvrir la voie à un véritable gouvernement de législature. Un gouvernement qui est un bric-à-brac pour les uns, un instrument de salut public pour les autres. Un gouvernement qui va devoir travailler d'arrache-pied pour combler l'arriéré accumulé depuis le 10 juin, tout en n'étant pas certain de tenir un petit trimestre.

Il s'agissait surtout pour les partis politiques dominants de reprendre le contrôle d'une situation en passe de devenir incontrôlable. De rassurer les partenaires européens. De redonner confiance aux investisseurs. D'arrêter le compteur de la crise pour sauver la mise aux yeux d'une opinion publique hostile.

Avec Verhofstadt III, un peu de temps a donc été gagné. Mais personne ne peut garantir la durée du sursis tant les tensions et contradictions subsistent. Car rien n'a fondamentalement été réglé. Le lourd dossier de la réforme de l'Etat reste à négocier, y compris dans ses aspects les plus symboliques et les plus irrationnels. Un budget doit rapidement être élaboré dans un contexte difficile, marqué par une détérioration de la situation économique, des taux de croissance revus à la baisse, le retour du spectre de l'inflation et une crise financière internationale.

La pentapartite devra satisfaire les exigences du capital tout en faisant semblant d'apporter des réponses aux demandes pressantes des citoyens en matière de restauration du pouvoir d'achat et de meilleure qualité de vie. Un exercice périlleux à quelques mois d'une nouvelle campagne électorale.

Le premier menu proposé risque d'être indigeste pour le plus grand nombre. Rien de concret et rien de chiffré pour le moment, mais les grandes lignes définies portent déjà l'empreinte de la droite.

10 points sont répertoriés :

1. le budget 2008. Il y aura un déficit à combler. Quel montant exact ? De quelle manière ? Rien de précis encore. Mais on peut être sûr qu'il ne sera pas mis à profit pour prendre des mesures en faveur des plus faibles.

2. défendre le pouvoir d'achat en relevant les allocations et en abaissant les charges. Le coup de pouce annoncé pour les allocataires sociaux est positif ; toutefois, celui-ci sera probablement symbolique ! La réduction des "charges" s'inscrit pour sa part dans le cadre d'une politique permanente de Saint Nicolas en faveur des entreprises. Et il s'agit en réalité d'une baisse des cotisations sociales c'est-à-dire d'une baisse du salaire solidarisé. Avec des effets collatéraux sur le financement de la Sécu !

3. poursuite de l'abaissement des charges sur le travail en équipe. Confirmation du point 2 : de la générosité pour les patrons ! Et plus de flexibilité pour les salariés !!

4. l'activation des demandeurs d'emploi. Ici aussi rien de bien neuf sous le soleil libéral : plutôt que de combattre le chômage on poursuivra la traque des chômeurs !

5. garantir la qualité des soins de santé. Bel engagement. Mais de quelle manière sera-t-il tenu ?

6. accroissement de la concurrence sur le marché de l'énergie et respect des accords de Kyoto. Le bilan de la libéralisation du marché de l'énergie est aujourd'hui extrêmement négatif pour les consommateurs. Veut-on encore aggraver cette situation ? Quant au respect de Kyoto, c'est vraiment le minimum minimorum !

7. nouvel accord de gestion avec la SNCB. Plus de trains et moins chers ? On peut rêver...

8. modernisation accrue des services publics avec une attention particulière à une "offre de service permanente". Vers l'instauration d'un service minimum imposés aux grévistes ? Et que signifie exactement cette volonté "modernisatrice" ? La suppression de 30.000 postes de fonctionnaires ? La poursuite et l'intensification de la privatisation de certaines entreprises publiques, comme la très rentable Belgacom ?

9. politique de sécurité. On peut faire confiance à Messieurs Dewael et Vanderzeuren pour amplifier certaines dérives sécuritaires !

10. la ratification du Traité de Lisbonne. Naturellement sans consultation populaire, car pour "nos excellences" Europe et démocratie ne font pas bon ménage !

Et dire que ce programme ne reprend que des mesures d'urgence. En guise d'apéro. Le plat de résistance, lui, est à venir et c'est le cuisinier Reynders qui est mandaté pour le préparer (ministre des finances, il s'est également vu confier la tâche de "formateur socio-économique" !).

Ce gouvernement ne répondra pas aux aspirations des travailleurs et des citoyens. Il ne tiendra pas réellement compte des revendications des organisations syndicales. Il maintiendra le cap des politiques d'inspiration libérale, qui creusent les inégalités et affaiblissent le monde du travail.

Il ne faudra pas attendre Pâques et l'arrivée (annoncée) de Monsieur Leterme pour réagir !

Anonyme a dit…

Fabrice, tu oublies une personnalité qui a joué son rôle avec intelligence : le roi Albert II. Beaucoup de personnes en Flandre espéraient un faux pas de sa part pour demander une diminution de ses pouvoirs... Il a respecté le choix des électeurs en donnant deux chances à Yves Leterme et en lui donnant même de temps en temps un coup de pouce royal pour apaiser le climat. Il a essayé d'autres trucs mais sans grand résultat : le médiateur Dehaene, l'explorateur Van Rompuy, l'idée d'une Convention pilotée par De Decker-Van Rompuy, etc. Et finalement, le choix stratégique : faire revenir son premier ministre Guy Verhofstadt avec qui le courant est toujours bien passé. Enfin, n'oublions pas que malgré son col du fémur cassé, il a même reçu des responsables politiques dans sa chambre d'hôpitak. Albert II marchait sur des oeufs et devait toujours subir la comparaison avec son frère défunt, mais il s'en est très bien sorti.
Bravo Sire!