
Il fut un temps pas si lointain ou envisager une scission du cartel CD&V-NVA était ressenti comme une insulte par les dirigeants du parti démocrate chrétien flamand. « Le cartel est insubmersible » assénaient-ils aux journalistes francophones « vous avez tort, vous les francophones, de ne pas y croire » ou encore « ensemble nous avons gagné les élections, ensemble nous gouvernerons, c’est le choix de l’électeur ».
Ce lundi soir la NVA a pourtant décidé de rester sur le bord de la route. Dans son
communiqué de presse le parti de Bart de Wever précise que ce fameux deuxième paquet est sûrement un élément positif mais qu’il reste «
vague ». Conséquence :
la NVA s’abstiendra lors du vote de la confiance et attend le 21 juillet pour évaluer le travail effectué par l’équipe Leterme I et décider ou non de soutenir le gouvernement. En théorie la porte reste donc à moitié ouverte. En pratique, avec un tel communiqué la NV-A vient de quitter la majorité, si tant est qu’elle en fasse encore partie.
N’en déplaise à ceux qui ont maintenu le contraire pendant de long mois l’issue d’aujourd’hui était prévisible. Car c’est bien la NV-A qui a recalé un accord négocié par Yves Leterme, le contraignant, après une pirouette destinée à faire porter le chapeau au CDH, à démissionner de son mandat de formateur une seconde fois. Depuis ce jour là Yves Leterme lui même avait des doutes. Il en faisait part discrètement et jamais publiquement. Pour rompre un cartel il faut du temps et des hommes. Si la NV-A prend aujourd’hui ses distances c’est en partie à cause des nouvelles fonctions qu’occupent Jo Vandeurzen et Etienne Schouppe et sans doute pas si étranger à l’éloignement temporaire d’Yves Leterme.
Je m’explique : Vandeurzen et Leterme étaient de farouches partisans du cartel. En entrant au gouvernement Vandeurzen a perdu ses contacts quotidiens avec Bart De Wever. Le cartel ne fonctionnait plus. Etienne Schouppe ouvertement moins tenté par l’aventure régionaliste avait pris ses distances. L’ancien président du CD&V, très diplomate, appelait ses alliés pour régler avec eux le moindre détail. Son successeur agissait en patron qui prend ses décisions tout seul et les assume.
Depuis son lit d’hopital , outre ses doutes, Leterme n’a pas pu contrôler la situation.
Au moment même ou la NV-A annonçait sa décision les conseillers d'Yves Leterme diffusaient un communiqué où le futur premier ministre se disait « satisfait de voir que les efforts de huit mois de négociations et de travaux préparatoires ont aujourd’hui mené à un premier résultat.C’est par le biais de l’engagement soutenu de tant de personnes, qu’un processus de réforme de l’Etat dynamique est lancé ». Yves Leterme remerciait également le groupe des sages pour « leur grand engagement ». Pas un mot sur la NV-A qui claquait pourtant la porte au moment ou ces lignes arrivaient sur les mails des rédactions.
En publiant son communiqué Bart De Wever met Yves Leterme au défi d’attraper dans ses filets une grande réforme de l’Etat (un « gros poisson ») pour le 21 juillet. Et signifie publiquement qu’il n’y croit plus trop.
Dans l’immédiat ce n’est pas la catastrophe, au contraire. Les voix de la NVA n’empêche pas de constituer une majorité. SPA, Ecolo et Groen apporteront leur soutien pour les réformes nécessitant les 2/3. A ce stade Yves Leterme gagne une plus grande marge de manœuvre et se débarrasse d’une épine flamingante désagréable. Doit-il craindre les prétentions supposées d’un Didier Reynders, qui serait en position de réclamer le fauteuil de premier ministre ? Officiellement Reynders ne réclame rien et si il le faisait il n’aurait vraisemblablement pas le soutien des autres formations francophones pour obtenir une telle place. Le président du MR peut toutefois tirer parti de ce rapport de force lorsque prendra forme le gouvernement semi-définitif du 20 mars. Demain les éditorialistes flamands seront sans doute plus critiques : c’est Leterme lui-même qui avait négocié l’accord avec la NVA. L’épisode peut donc est considéré comme une nouvelle défaite du champion des voix de préférences. Mais il y a des défaites et des séparations qui vous libèrent.
A plus long terme la fin du cartel pourrait quand même secouer le CD&V et peser sur ses performances électorales. Bart de Wever, Geert Bourgeois, Jan Jambon et les autres sont sur la voie de leur autonomie. Et rien ne les empêchera plus demain de conclure un accord avec Jean-Marie Dedecker. Le cocktail sera alors détonnant.