D’un coté le texte de l’accord gouvernemental 42 page recto-verso (à lire ici). De l’autre un projet d’accord de 48 pages recto avec une police de caractère un peu plus petite. Le premier texte, public, a été édité le mardi 18 mars à 15H. Le second (en réalité le premier dans l’ordre chronologique) est un peu plus vieux. Il s’agit d’une version qui date du lundi 17 mars à 01h15, version qui n’aurait pas du sortir des mains des négociateurs. Que s’est-il passé entre ces deux documents en un peu plus de 24 heures ? Je viens de passer ma matinée à examiner les deux versions. A ce stade avancé de la négociation 95% du document final etaient déjà sur la table 24 heures avant la fin des discussions. Mais un constat s’impose : en 24 heures les négociateurs ont surtout évité d’être trop précis, gommant quelques paragraphes et supprimant les chiffres. Comme un photographe qui retoucherait sa photo, ils ont rendu flous certains passages sensibles.
Pour ceux que cela interesse et qui ont un peu de courage (il faut reconnaitre que nous avons parfois des lectures plus agréables) je vous propose une comparaison des deux documents.
Ainsi la première page de l’accord sera amplement remaniée. Le préambule de la version finale est donc plus lisible. Ce n’est qu’une question de style, pas de fond. Mais il y a aussi entre le brouillon et la copie finale quelques modifications plus substantielles.
Ainsi la partie sur les impôts sera remaniée et les négociateurs retireront tous les chiffres du document final. Ainsi si la version du 17 mars contient la phrase « une phasage sur plusieurs années doit permettre de faire passer progressivement, dans le courant de cette législature le montant de la quotité exempté d’impôt dans le chef de personnes physique à 8400 euros, revenu d’insertion pour une personne » ce passage est remplacée le 18mars par un très vague « le gouvernement a décidé de relever la quotité exonérée d’impôt en vue d’augmenter le pouvoir d’achat des gens ».
Ainsi la première page de l’accord sera amplement remaniée. Le préambule de la version finale est donc plus lisible. Ce n’est qu’une question de style, pas de fond. Mais il y a aussi entre le brouillon et la copie finale quelques modifications plus substantielles.
Ainsi la partie sur les impôts sera remaniée et les négociateurs retireront tous les chiffres du document final. Ainsi si la version du 17 mars contient la phrase « une phasage sur plusieurs années doit permettre de faire passer progressivement, dans le courant de cette législature le montant de la quotité exempté d’impôt dans le chef de personnes physique à 8400 euros, revenu d’insertion pour une personne » ce passage est remplacée le 18mars par un très vague « le gouvernement a décidé de relever la quotité exonérée d’impôt en vue d’augmenter le pouvoir d’achat des gens ».
La mention, déjà mise entre parenthèse dans le document du 17 mars, « simplification des tranches du barème de calcul d’impôt des personnes physiques, en ramenant le nombre de tranches barémiques de calcul de l’impôt de 5 à 3 tranches, en supprimant les tranches de 30 et 45% » est remplacée par « dans cette législature, le Gouvernement fera un pas complémentaire en vue d’une limitation du nombre de barèmes intermédiaires »
Vous conviendrez que c’est moins précis...
Le paragraphe sur les pensions est également un de ceux qui sera le plus réécrit. Première version : « le gouvernement poursuivra à adapter (sic) les pensions au bien-être et en plus il fera un effort particulier pour les pensions les plus anciennes et basses tant pour les travailleurs salariés que pour des travailleurs indépendants. Au sein de cette législation, il souhaitera réaliser une augmentation de 8% pour cette catégorie ». Version finale : « Il convient de poursuivre l’augmentation des pensions les plus basses et les plus anciennes et d’élargir le nombre de bénéficiaires pour permettre qu’un maximum de pensionnés puissent obtenir une augmentation de leur pension légale en vue d’augmenter leur pouvoir d’achat ». Le chiffre de 8% a disparu en route.
Au chapitre pauvreté le gouvernement annonce un « plan ambitieux de réduction de la pauvreté et d’augmentation du pouvoir d’achat. » La première version poursuit « il confirme son objectif qu’à terme les allocations de base ne devraient pas se situer à un niveau inférieur au seuil européen de pauvreté. A cet égard il ferra un effort annuel qui est compatible à celui de l’année dernière de 250 millions » (soyons honnête, le chiffre est « entre crochets » ce qui signifie que tout le monde n'a pas marqué son accord) , cela devient « a cet égard il fera un effort annuel » . Ici aussi le montant a disparu de la version publique.
Au chapitre justice, en revanche, la 2ième version est légèrement plus précise que la première. Le texte initial indiquait « la loi concernant la libération conditionnelle sera évaluée et le cas échéant adaptée. Cette évaluation portera notamment sur la possibilité pour le juge de fond de fixer pour des infractions très graves qui donnent lieue à une mise à disposition obligatoire, la partie minimale de la peine qui doit être exécutée ne prison ». La version finale ne parle plus d’évaluation et indique « la loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté sera adaptée pour prévoir la possibilité pour le juge de fond de fixer, pour des infractions très graves qui donnent lieu à une mise à disposition obligatoire, la partie minimale de la peine qui doit être exécutée en prison et qui peut se situer entre 1/3 et 2/3 de la peine infligée ».
Le chapitre migration est entièrement réécrit. L’introduction « notre pays ne peut avoir d’autre vocation que celle d’un pays ouverte et tolérant. L’ouverture au monde et la tolérance créent des droits mais génèrent également des devoirs » et les deux paragraphes suivants sont supprimés. Le chapitre commence directement par « Le gouvernement entend mener une politique d’immigration humaine, équilibrée et ferme qui tient compte de la politique d’insertion et d’intégration des communautés ». Dans la version initiale les critères permettant de bénéficier d’une régularisation occupent presque une page. Ce texte est deux fois plus court dans la version finale.
Au chapitre institutionnel après avoir évoqué la première phase de réforme de l’Etat, la version du 17 mars se termine par « le Gouvernement entend poursuivre ce travail et déposer une proposition de loi spéciale avant la mi juillet, afin de poursuivre la mise en œuvre de davantage d’homogénéisation et de l’augmentation de la cohérence de compétences à chaque niveau de pouvoir ». Version du lendemain « le gouvernement fera avant la mi juillet une déclaration à la chambre des représentants sur le contenu du second paquet comme annoncé dans les développements de cette proposition. Les textes de loi nécessaires y seront adjoints afin de les approuver avant les vacances parlementaires. »
Si le style des deux versions ne permet à aucun d’entre elles d’entrer en lice pour le prochain Goncourt il faut confirmer qu’un texte législatif est bien attendu pour juillet.
Une version antérieure indiquait plus précisément le menu institutionnel à négocier et faisait référence : au marché de l’emploi (sans que la solidarité interpersonnelle et la sécurité sociale ne puisse être remise en cause précise ce projet de texte), à certains aspects de la politique familiale, à la fonction publique, à la zone maritime, à la politique de poursuites des infractions en matières régionales, au renforcement du comité de concertation, à la réforme du Sénat, à la création d’une circonscription fédérale, à une solution négociée pour BHV, à la responsabilisation financières des entités fédérées et à un élargissement de l’autonomie fiscale. L’ensemble de ce paragraphe était déjà biffé dans la version du 17 mars. On peut soit en conclure qu’il n’y a pas eu d’accord sur cette liste, soit que celle-ci ressortira le moment venu, quand les négociateurs estimeront nécessaire de sortir du flou artistique.
3 commentaires:
C'est dommage que la presse quotidienne ne dissèque pas comme vous le faites ces accords et se contente, le plus souvent, d'en publier les grandes lignes. La publication des accords sur internet est une bonne innovation mais honnêtement, qui fait l'effort de les lire ?
C'est une vraie question. L'ambition première des journalistes politiques (je ne parle pas que de moi) est effectivement de "traduire" ce type de texte pour le rendre compréhensible et attrayant pour le grand public. C'est un grand luxe de pouvoir passer une heure ou deux à lire un accord de gouvernement. Il faut également un peu de recul et une connaissance minimale des dossiers (le "background") pour en comprendre les subtilités. La mise à disposition des documents originaux ne remplace donc pas un bon article, j'en suis persuadé. Mais ne tirez pas sur mes confrères de la presse écrite. Ils publient souvent de très bonnes choses.
Merci pour cet excellent article de décorticage que j'ai lu avec plaisir et attention. A titre personnel, il me semble dommageable que le compromis politique trouve son expression dans un flou artistique si poussé. Je m'explique ; entre deux points clairs, qui posent chacun une option claire, un arbitrage politique peut être posé en faveur de telle option en contrepartie de telle autre. Mais il n'est pas sein de tout niveler par le bas en inscrivant le compromis politique dans le flou.
A cet égard, la phrase 2. 0. sur les pensions est particulièrement sybilline: « Il convient de poursuivre l’augmentation des pensions les plus basses et les plus anciennes et d’élargir le nombre de bénéficiaires pour permettre qu’un maximum de pensionnés puissent obtenir une augmentation de leur pension légale en vue d’augmenter leur pouvoir d’achat »... Commencer par de l'impersonnel et étaler les intentions floues... On peut difficilement faire mieux!
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