01 décembre 2007

Comment Leterme a coincé le CDH

Yves Leterme n'est donc plus formateur. Sans fanfaronner excessivement je me permet de vous renvoyer à la lecture de mes billets précédents (ici et ici) : pour les lecteurs attentifs de ce blog, ce nouvel épisode de la crise ne devrait pas être tout à fait une surprise.
Ajoutons que la démission de Leterme a même été sérieusement envisagée vendredi après midi : une rumeur en ce sens courrait sur le trottoir de la rue de la loi et le journal Le soir l'a même publiée un temps sur son site internet avant de faire retirer précipitamment l'info prématurée.
En n'obtenant aucun assouplissement de son encombrant partenaire NVA le formateur était donc condamné. Il s'est livré à une dernière manoeuvre qui relève autant de la diversion que de la stratégie partisane.
Intéressons nous aux trois questions posées par Yves Leterme dans une "ultime note". Il est évident qu'elles ont pour objet de "flamandiser" leur auteur, de lui permettre de se profiler en martyr flamand de l'aventure orange bleue. Yves a donc préféré son cartel à un poste de premier.
  1. Le formateur demandait à ses partenaires s'ils étaient d'accord pour que l'on puisse discuter de tout au sein de la Convention et du bureau restreint qui la dirigerait. Cela revenait à avoir un menu ouvert, où chaque parti pouvait à tout moment amener ses points. Le CDH avait fait part de ses réticences à un menu ouvert. Le MR l'envisageait e revanche comme possible, prévenant que dans ce cas là les réformateurs y déposerait le point "élargissement de bruxelles". bien entendu le fait de déposer un point n'est pas une obligation de résultat
  2. Acceptaient-ils que les Régions puissent octroyer des incitants fiscaux aux entreprises ? Là aussi le CDH avait publiquement fait part de ses réticences pour tout mécanisme susceptibles de créer de la concurrence entre les régions (si je ne me trompe pas c'est même rappelé noir sur blanc dans un communiqué de la semaine dernière). Pour le MR le seul tabou était l'Isoc (impôt sur les sociétés). L'appellation retenue ici était donc acceptable pour les libéraux.
  3. Les ex-futur coalisés acceptaient-ils que l'on vote la réforme de l'Etat avec une majorité des deux tiers sans garantir un équilibre entre francophones et néerlandophones ? Dans ce cas un seul parti francophone allié à tous les partis flamands pourraient constituer une majorité des deux tiers. Joëlle Milquet avait publiquement dit qu'elle voulait une majorité des deux tiers"équilibrée". Le MR était moins franc mais semblait partager le même point de vue (je me permet ici une parenthèse : en combinant les points 1 et 3 on voit qu'une grande réforme de l'état devenait possible). Ici encore, le CDH avait déjà répondu non avant même que la question ne soit formulée.

Bref, c'est évident Leterme et son entourage savaient pertinemment qu'ils ne pouvaient pas obtenir de"oui" à ces trois questions de la part du CDH. De même qu'ils avaient sans doute mesuré que le MR était plus ouvert à ces questions. Conclusion : le formateur a voulu faire porter la responsabilité de l'échec à Joëlle Milquet, et épargner Didier Reynders.

Suite logique : le CD&V devrait selon toute vraisemblance passer la main dans les prochains jours et le roi se verra obliger de recruter un nouveau formateur. Après Guy Verhofstadt, reçu ce samedi soir, Didier Reynders sera consuté ce dimanche. Il ne serait pas étonnant que le président du MR se retrouve en costume de formateur dans les heures ou les jours qui viennent.

Avec quelle coalition ? Mathématiquement (et à moins de travailler avec le VB) le CD&V est inévitable. Pas le CDH. Et même si Reynders prétendait bouter les rouges dans l'opposition, la longueur de la crise et l'impasse où nous nous trouvons peut tout à fait justifier le retour du PS dans la partie. Il va falloir que l'avenue de la toison d'or et le boulevard de l'empereur se téléphonent.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Et bien sûr, Reynders et le Mr derrière lui, ont pris la balle au bond, préfèrant paraître accomodants aux yeux de leurs partenaires flamands potentiels et charger le rival CDH ... Tout est bon pour servir les intérêts de quelques uns, fût-ce au détriment de l'intérêt général des francophones. On verra aux prochaines élections si tous les électeurs du MR se retrouvent dans cette attitude.

Anonyme a dit…

Les socialistes dans le gouvernement? C'est parfaitement possible. Cela donnerait p-ê + de poids aux francophones face aux flamands.
De + le PS n'a jamais dit NON à une participation, juste qu'il était outsider...
Pour la petite histoire, relevons ce lapsus d'Elio Di Rupo, à la télévision samedi soir: "il faut sortir le parti de la crise".
Le présentateur l'a d'ailleurs repris juste après, il voulait certainement dire "le pays".

Michel Bxl.

Koga a dit…

Il y a quelque chose qui me frappe:
la sorte de skyzofrénie avec laquelle Leterme se comporte.
D'un côté, il a toujours dit qu'il négociait, qu'il faisait tout pour un "bon accord de gouvernement", et de l'autre il encourage la N-VA. Moi je pense qu'il a changé depuis sa première démission et qu'il était prêt à favoriser l'accord de gouvernement plutôt que de satisfaire son partenaire. Le problème c'est que Leterme n'est pas Président du CD&V, et je crois qu'il a du mal à se faire entendre auprès de son président de parti, et de certains de ses collègues dirigeants. Je pense en clair que l'homme a changé, mais que son parti est toujours aussi borné et déterminé. En somme, par manque d'autorité envers en son parti, il a perdu gros. On pourrait penser aussi que son parti l'a "sacrifié". Comme quoi, il est peut-être mieux d'être chef de parti quand on brigue la place de Premier (comme Reynders, comme Di Rupo...) car de la sorte, il n'existe pas vraiment de dissociation entre ce que le candidat Premier souhaite et ce que son parti souhaite.

Qu'en pensez-vous?

Anonyme a dit…

On peut redistribuer les cartes mais .... Tout va changer avec le PS ?
Appeler le PS, c'est travailler avec le SPa... SPIRIT, ce NVA de gauche avec les mêmes idées communautaires...
A moins que le gouvernement décide de travailler dans l'asymétrie en changeant le cdH par le PS
Et pour une tripartite traditionnelle, ça veut dire que l'objectif du gouvernement est d'être assez nombreux pour une grande réforme de l'Etat..., et ne pas baser exclusivement sa politique sur les dossiers socio-économiques.
http://fredfievez.skynetblogs.be/

Anonyme a dit…

au 1er anonyme : accepter d'être autour de la table, comme l'a fait le MR, c'est justement tenir compte des problèmes des citoyens...car vous aurez vus tous les représentants de parti ce midi durant les débats insister sur le besoin d'avoir un nouveau gouvernement rapidement... si le Président du MR était prêt à prendre ses responsabilités et à ouvrir le menu des discussions (ce qui ne veut pas encore dire accepter tout, sauf chez les gens qui manquent de recul)c'est justement pour que le communautaire puisse enfin être renvoyé vers la Convention, comme le demande le roi, et qu'un gouvernement socio-économique puisse voir le jour sans délai pour résoudre les problèmes des gens, la plupart des points dans ce domaine faisant l'objet d'un accord entre les 4 partenaires de l'orange bleue...

merci de sortir de la logique partisane et de ne pas tenter d'entretenir, par des réactions de ce genre, les conflits interpersonnels tant pointés du doigt...

Anonyme a dit…

à Way ka

Chacun a son analyse de ce qui s'est passé. Bien sûr il faut un gouvernement rapidement. La question est de savoir si après avoir accepté de reprendre les négociations sans geste d'appaisement suite au camouflet du 7/11(que du contraire) "pour avoir un gouvernement" ( ce que je ne reproche pas au MR), après avoir accepté le petit jeu des notes du formateur et du Cd&V se réfugiant derrière la NVA à tout bout de champs "pour avoir un gouvernement" (ce qui passe plus mal, notamment vu la pantalonade jouée par le CD&V ces lundi et mardi ) , en acceptant les trois questions "pour avoir un gouvernement", l'étape suivante n'est pas toute naturellement d'accepter tout tout court ? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais même si le CDH avait répondu oui, on aurait probablement continué la farce quelques jours de plus, le temps de désigner un coupable qui ne soit pas le cartel.

Lorsqu'une négociation est tellement mal partie qu'elle se transforme en un jeu lamentable et pervers, il faut savoir poser une limite.

Quant aux logiques partisanes, il n'y en a pas dans mon propos. J'exprime seulement mon ressenti d'électeur lorsque je vois le parti pour lequel j'ai voté se contredire de jour en jour.

Anonyme a dit…

Le câble utilisé ce week-end par le cartel CD&V-N-VA était tout de même trop voyant: le propos était bien entendu de faire porter aux francophones, et plus particulièrement au cdH, le chapeau d'un échec annoncé depuis que, le lundi précédent, l'appendice nationaliste du CD&V, cette N-VA qu'Yves Leterme lui-même a épousée en 2004, avait rejeté la note communautaire du formateur, qui avait reçu l'appui des trois autres partis de l'hypothétique "orange bleu". Yves Leterme s'est là conduit en Machiavel de bazar; il a démontré qu'il n'avait pas la stature d'un homme d'État. Point barre!

Anonyme a dit…

@ phil70 : il est agréable de pouvoir lire un commentaire argumenté et posé, merci.

Par rapport à ce passage de votre commentaire, "Mais même si le CDH avait répondu oui, on aurait probablement continué la farce quelques jours de plus, le temps de désigner un coupable qui ne soit pas le cartel.", je ne vois pas pourquoi il aurait encore été nécessaire de trouver un coupable...plus aucun blocage alors ne pouvant subsister, à moins que le cartel ne se mette une fois pour toutes face à ses propres contradictions. Le non a simplifié la donne en permettant au cartel de ne pas avoir à aller plus loin dans la prise de responsabilités, dédouanant même aux yeux de nos voisins du Nord le cartel de toute responsabilité dans l'échec de l'orange bleue.

Quant à la suite logique selon laquelle après avoir accepté ceci ou celà, le MR accepterait tout...je n'y crois pas. Le MR s'est montré prêt à discuter de tout, mais alors aussi de l'élargissement de Bruxelles, de la refédéralisation de certaines compétences,...ce qui, selon moi, témoigne à suffisance d'une fermeté bien nécessaire dans le contexte actuel...mais aussi d'une réelle volonté de trouver une solution.

bonne journée

Anonyme a dit…

Il est évidemment impossible de savoir ce qui se serait passé si le CDH avait dit oui, mais trop de chose indiquent que Leterme cherchait une sortie depuis le jeudi soir (notamment il était prévu qu'il se rende chez le Roi dès vendredi). le NVA-Cd&V aurait certes dû trouver une autre ficelle, mais les discours "la faute de..." étaient déja prêts.
De mon point de vue, le non du CDH a finalement exposé le jeu du cartel et n' a pas amené à une impasse : on y était déja depuis le lundi, si pas depuis le début ( une coalition où les partenaires se méfient tellement les uns des autres n'est pas un scénario tenable ).

Sur le tout accepter... j'avance cela simplement après avoir regardé l'enchâinement des actions de la NVA. A chaque fois qu'une issue favorable était possible (autrement dit une solution négocié avec une chance de Win Win), la NVA a posé une exigence ou apporté un élément nouveau. Leur but ultime est selon moi d'arriver à un discours "vous voulez que la Belgique subsiste , ok, signez ici et ici, zonder toegevingen, et dites merci !". sans affaiblissement du cartel , des questions telles que l'élargissement de Bruxelles et la refédéralisation ne peuvent qu'être balayées de la table par les flamands. C'est malheureux mais c'est ainsi.