Si vous êtes en possession du journal Le Soir de ce samedi conservez le précieusement. Si au contraire vous ne l’avez pas lu procurez vous rapidement cet interview de Louis Michel publié en première page. Le commissaire européen en congés y dévoile son ambition et elle est à la hauteur de sa popularité : le plus près possible du sommet. Il est difficile de ne pas en conclure que Louis Michel souhaite reprendre un rôle de premier plan.
Ainsi Louis Michel fait il de l’œil aux électeurs belges. Son retour à la commission après le 10 juin ? Cela dépend de son score explique-t-il. Au delà de 100 000 voix il se posera la question. Le grand mérite de l’interview réside dans l’obtention d’un chiffre. 100 000 voix pour Louis Michel c’est plus que jouable. En mettant la barre assez bas le « soutien de liste » met ses compagnons du MR sous pression : attention, le 11 juin si on a besoin de moi, il faudrait pas m’oublier.
On l’imaginait passif ? C’était mal le connaître . Louis Michel estime que son parti peut faire la différence en trente jours et glisse « on me reconnaît des qualités de meneur de campagne ».
Et le 16 dans tout çà ? Dans le journal Metro ou sur RTL TVI l’ancien patron du PRL avait déjà indiqué qu’il ne l’excluait pas. Il apporte désormais cette précision : « le premier choix du parti c’est Didier Reynders. Si pour certaines raisons cela n’est pas possible nous sommes deux ».
Transposons la situation dans un peloton cycliste : Michel qui n’est plus le capitaine de son équipe, veut bien laisser rouler Reynders devant, mais il est dans sa roue, et au sprint final, si l’autre avait la moindre défaillance il fournirait le coup de rein nécessaire à la victoire. Entre ces deux là la concurrence fût toujours latente et la course à la suprématie jamais complètement réglée. Didier n’avait pas le temps ni les moyens de s’opposer à l’ascension de Louis après le décès de Jean Gol. Les deux hommes se sont partagés les rôles intelligemment (l’un au parti l’autre au parlement) mais n’ont jamais collaboré sans arrière pensées. L’interview du soir pourrait bien réveiller quelques douleurs enfouies.
Revenons quelques mois en arrière si vous le voulez bien. Lorsqu’on interrogeait Didier Reynders en début d’année sur l’opportunité d’un retour de Louis Michel à l’occasion des élections législatives sa réponse est invariable : si celui-ci souhaite soutenir la liste, ou s’il veut accompagner son parti c’est utile répondait à chaque interview le président du MR. L’emploi du terme « soutenir » n’était pas anodin. Dans l’esprit de Reynders Michel devait pousser une liste, pas la tirer. Jamais le président du MR n’envisage publiquement la tête de liste même si à l’époque le choix de la liste (sénat ou chambre, avec une préférence pour l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde) n’était pas arrêté.
Que dit Louis Michel lorsqu’il officialise son retour lors de l’émission le Grand Défi sur RTL TVI ? Que son président lui a proposé la tête de liste mais qu’il a du la refuser. L’affirmation avait surpris tous les observateurs (en fin d’émission Kathryn Brahy l’avait d’ailleurs souligné avec ironie « votre président qui vous aime bien et qui vous a proposé la première place ») à commencer par l’auteur de ces lignes.
Entre les déclarations de Didier Reynders en début d’année et les affirmations de Louis Michel quelques mois plus tard il y a donc un sérieux décalage. Dans son interview David Coppi a donc raison d’y revenir. Louis Michel maintient sa version : « Il (ndlr Didier Reynders) m'a sollicité en me disant : « Serais-tu prêt à mener la liste du Sénat ? » J'ai refusé. Dans ce cas de figure, quel que soit le résultat que j'aurais fait, j'aurais dû par avance quitter la Commission européenne. »
Quand on demande à Didier Reynders, il ne confirme pas, souligne le journaliste du soir.
« Peut-être par déférence pour l'excellent Armand De Decker, qui mène l'équipe. Et vous croyez vraiment que si j'avais voulu être tête de liste, quelqu'un au MR aurait pu m'en empêcher ? Sauf, évidemment, si Didier avait choisi d'y aller. Sachez que je serai tête de liste aux Européennes en 2009. Qui va contester ça ? »
Deux conclusions s’offrent à nous.
Soit Louis Michel dit la vérité. C’est légitime mais en s’éloignant de la communication officielle il déforce son président de parti (qui n’aurait semble-t-il pas beaucoup de sens politique ni d’autorité pour proposer une telle place et essuyer un refus) et affaiblit la tête de liste finalement retenue (il serait étonnant que personne ne fasse remarquer à Arman De Decker qu’il n’est qu’un second choix). C’est inélégant.
Soit Louis Michel a menti. Son ego refuse de s’inscrire dans un scénario où il n’apparaît pas comme le sauveur du parti et son image personnelle passe avant la stratégie du groupe. On pourrait attendre un autre comportement d’un candidat premier ministre.
Dans les deux cas de figure Louis Michel fait coup double. Se déclarer candidat premier ministre est désormais un passage obligé pour jouer un rôle de premier plan. Il est évident qu’il en a la carrure et les capacités. Et on peut fort bien l’imaginer en recours acceptable pour les partis flamands si les négociations s’enlisent à la fin de l’été. C’est la stratégie numéro 1, celle que l’on affiche..
A la lecture du Soir on peut aussi s’interroger sur l’existence d’ une stratégie numéro 2, inavouable. Celle qui consisterait à se positioner pour la tête du MR. En se posant comme l’égal de Didier Reynders, en se présentant comme disponible, en soulignant le poids qu’il pourrait peser dans un éventuel succès et en prenant des libertés avec la communication du président en titre Louis Michel vient d’adresser un bulletin d’alerte à la rue de la toison d’or : peut être que le sommet du parti l’intéresse encore.
3 commentaires:
Merci pour ce post très éclairant sur les dessous de la campagne. On commence petit à petit à y voir clair. A noter aussi la mini-conversation entre Milquet et Javaux après le tirage au sort des numéros de liste (cfr La Libre d'aujourd'hui).
Et bravo à RTL pour son site spécial élections.
Pour parler dessous de campagne, j'ai entendu dire que Quitterie Delmas (l'arme de destruction massive du Mouvement Démocrate de Bayrou) allait rencontrer Catherine Fonck ce lundi à Bruxelles. La création d'un "Mouvement Démocrate" est-elle à l'ordre du jour? La spéculation se pose en toute légitimité. Milquet est au plus bas dans les sondages, l'humanisme (valeur universelle pronée ici par Louis Michel) n'est plus un axe de démarcation, Melchior Wathelet n'est pas au plus haut de sa forme, possibilité pour la tête de liste de réaliser un score historique sur le Hainaut en surfant sur le "pouvoirisme" socialiste. Bref, il y a là des signes révélateurs d'une recomposition des forces...
Je ne suis pas en mesure de vous confirmer cette rencontre. Que le CDH suive avec attention ce qui se passe autour de François Bayrou est une évidence. La campagne du candidat de l'UMP a impressionné les centristes d'ici. Mais dire que ce parti est au plus bas dans les sondages me semble exagéré...
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