19 mai 2007

Question de personnes




C’est un élément qui revient régulièrement dans les commentaires des observateurs : les relations personnelles que nouent entre eux les présidents de parti influent-elles sur leur positionnement politique et sur les perspectives d’alliance au lendemain du 10 juin prochain ?

Observons d’abord la qualité de ces relations. Entre Elio Di Rupo et Didier Reynders les contacts sont aujourd’hui peu soutenus. Ils semblent même se tendre depuis le début de la campagne et la nouvelle stratégie du Mouvement Réformateur qui consiste à cibler le PS comme adversaire principal après avoir longtemps réservé ses critiques les plus assassines au CDH ne peut pas arranger les choses. Le président du PS laisse même régulièrement entendre qu’il pourrait en conserver une forme d’amertume. En petit comité Elio Di Rupo n’épargne pas Didier Reynders et se plaint du peu de considération que semble avoir pour lui le brillant ministre des finances. Ainsi le montois regrette-t-il parfois que le liégeois ne l’appelle que très rarement pour discuter de l’une ou l’autre décision à prendre. « Avec Louis Michel les conversations téléphoniques étaient quotidiennes » glisse Elio Di Rupo.

Toujours en petit comité, Didier Reynders hausse les épaules lorsqu’on évoque ce type de considérations. Pour Reynders visiblement les relations humaines ont peu de chose à voir avec la conduite d’une stratégie de parti, et lui préfère se concentrer sur les rapports de force et les positions de fond. La bonne entente entre Di Rupo et Michel ? « cette bonne relation nous a coûté cher en ministres » siffle-t-il (allusion à 2004 quand les réformateurs perdent 7 cabinets d’un coup).

Si Reynders et Di Rupo s’ignorent, le président du MR et sa collègue du CDH se vouent une franche hostilité. Ces deux là ne s’estiment pas et ne se voient guère en dehors des cérémonies officielles. Joëlle Milquet garde même une certaine rancœur de l’opération « pôle des libertés », qui si elle s’était achevée sur le départ de Richard Fournaux (député) et Luc Pâque (sénateur), aurait pu avoir en cas de succès des conséquences plus fâcheuses pour les centristes (d’autres élus, Benoît Cerexhe entre autres, avaient hésité, mettant la survie du CDH dans la balance). Evoquez un rapprochement avec les réformateurs dans les rangs CDH aujourd’hui ? « ils nous ont longtemps snobés, nous avons été ostracisés » glisse-t-on souvent dans les rangs humanistes. Y a t-il une prise de contact récemment ? « C’est trop tard » me répondait encore hier un dirigeant du CDH.

Entre Joëlle et Elio tout baigne en revanche. Les photos en duo donnent en tout cas cette impression et les artisans de la majorité wallonne prennent bien garde de ne pas se critiquer en public, à fortiori quand un journaliste est présent. Visiblement ces deux là on passé un pacte et se font confiance. « Elle est loyale » indique parfois le président du PS. Soulignons tout de suite que la qualité de cette relation ne lie que les principaux intéressés. J’entends souvent des barons socialistes ne pas partager la même estime que leur président pour Joëlle Milquet. Et ils plus nombreux encore à être irrité par l’activisme d’André Antoine à la région wallonne. Au point de suggérer que les choses étaient parfois plus simple sous l’ancienne majorité.

Reste Jean Michel Javaux. Un entente correcte sans plus avec Elio Di Rupo (celui ci ne dédaigne pas afficher un certain mépris avec les écolos, à l’exception de ceux qui se rallient au PS), et à peine meilleure avec Joëlle Milquet. En bon liégeois c’est avec Reynders que Javaux s’entend le mieux (les deux hommes s’estiment et se croisent parfois en dehors des circuits officiels).
Posons maintenant la question cruciale : la qualité des rapports humains a-t-elle un impact sur la conduite d’un parti ? La réponse se doit d’être nuancée. En politique la première logique est arithmétique (quelles sont les coalitions possibles, en fonction du résultat électoral ?). Viennent ensuite des considérations programmatiques (qui me permet d’aller loin dans mon programme ? ) et stratégique (qui ai-je intérêt à renvoyer dans l’opposition ? Ai-je intérêt à entrer dans cette majorité ?). Les questions de personnes, ne viennent qu’après. Un parti peut toujours changé de dirigeant et il est des haines farouches qui peuvent s’effacer devant un intérêt commun soudainement révélé. Et là, c’est l’électeur qui peut demain forcer la main de présidents qui aujourd’hui ne s’entendent pas.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Philippe Busquin dans Le Soir de ce samedi 19 mai :

Avec Didier Reynders, le MR est extrêmement agressif, radical, à la Jean Gol, et il s'isole. Louis Michel voit le danger. En 1995, Gol avait gagné les élections, mais personne n'avait voulu de lui pour gouverner...

du risque de se mettre tout le monde à dos quand on n'est pas incontournable dans un système de coalition...

Unknown a dit…

Je pense, Fabrice, qu'on touche ici à une question assez importante, et pourtant très négligée dans les analyses. Pour ne prendre qu'un exemple récent, je suis convaincu que l' "affaire de Schaerbeek" tient beaucoup aux mauvaises relations qu'avaient Isabelle Durant et Laurette Onkelinx quand elles étaient collègues de gouvernement. Et la question se pose encore à une autre échelle en matière de relations internationales.

Je suis chercheur en sciences politiques, et je suis vraiment frappé du peu d'études sur le sujet, alors que je suis convaincu qu'il s'agit d'une variable d'analyse importante.

Anonyme a dit…

http://www.velorution.be
Pour le 10 juin, c'est mieux.

Unknown a dit…

A François Gemenne : d'accord avec vous, la "relation humaine" conditionne la "relation politique". Entre Laurette Onkelinx et Franck Vandenbroucke, entre Michel et Reynders (ce sont quelques exemples)) il y a un certain nombre d'études de "cas" possibles. Mais un bémol quand même : les politiques utilisent parfois l'argument de la relation pour masquer d'autres motivations qui pourraient paraître plus mesquines.

Unknown a dit…

C'est sans doute exact également, Fabrice, en effet...

Anonyme a dit…

Tout cela me donne le sentiment d'une démocratie en panne et en danger. Je me demande encore pourquoi aller voter et j'irai avec des pieds de plomb alors que j'ai accompagné ma femme avec bcp de fiereté et d'émotion à voter pour la présidentielle fçaise !! Votre analyse Fabrice, démontre à quel point notre pays est enfoncé ds sa particratie et le rôle incontournable de chef de parti qui font et défont les alliances sans se pré-occuper des électeurs !

Notre démocratie est malade et afin de maintenir le mourrant sous assistance on nous oblige à voter ! quel respect pour une démocratie ... Il est temps de supprimer cette obligation ! Une démocratie qui se repsecte n'oblige pas ses citoyens à voter avec un juge ds le dos ... Le taux de participation sera le "bulletin" de nos politiciens ! Encore une fois regardons en France leur fiereté d'avoir voté à plus de 85% ...

Anonyme a dit…

Ah les relations humaines en politique ...

En théorie , on devrait toujours discuter des idées , que des idées. Mais quand on voit Philippe Moureaux traiter les libéraux de salopards , il vient de devoiller ce qui était un secret de polichinelle : Il n'aime pas les libéraux , et pas seulement leurs idées. (Soyons serieux, dire une chose de telle sorte , c'est murement refléchi et assumé). Mais c'est son droit bien-sûr.

Bon , ensuite selon moi , les relations humaines jouent un rôle enorme dans le rapport de force. Un habile politicien qui arrive à attirer la sympathie d'hommes politiques d'un autre bord (voir tout autre bord) , et la je prend comme exemple John Kerry , malheureux candidat à la présidence américaine en 2004 , qui aurait proposé un temps au républicain Johy McCain la vice-présidence.

Regardons le débat Bayrou - Royal , ou plutôt dialogue , pour reprendre les termes de Ségolène Royal. Une grande cordialité mutuelle , aucun énervement , une pointe d'humour. En fin de compte , Bayrou à du sortir heureux du grand hôtel parisien ou se tennait le débat , parce-que selon moi il est clairement sorti du débat que gouverner avec le PS et Royal serait envisagable pour Bayrou.

Pour revenir à la politique belge , je dirais qu'ou mieux les relations entre les politiques , ou mieux le système politique belge basé sur le consensus marchera. Des signes d'optimisme ? Bien-sûr : Les bonnes relations entre Verhofstadt et Vanden Bossche , la relation amoureuse entre Rik Daems et Sophie Pécriaux et j'en passe.

Alors , les politiques , soyez gentils envers l'un l'autre , et ne sombrez pas dans des querelles personnelles dont le pays n'a pas besoin.